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05/12/2011

Plaidoyer pour le retour des coopérants (Bederina Mohamed-Laarabi)

 

Face à l’échec du système éducatif algérien, plaidoyer de Bederina Mohamed-Laarabi, pour le retour des coopérants (29 Novembre 2011)

 

L’universitaire (Bederina Mohamed-Laarabi) a mis à nu les défaillances du système éducatif : absence de maîtrise des langues, des notes et des taux de réussite au bac gonflées pour faire croire à la réussite de la réforme, manque de moyens…

 

Le Centre de recherches stratégiques et sécuritaire (CRSS) a abrité, hier, une conférence ayant pour thème le système éducatif et les défis d’aujourd’hui. Certains diront que le sujet a été tant rabâché tant que des solutions concrètes ne sont pas appliquées, en débattre aujourd’hui encore n’est pas très nécessaire. Il est vrai que le système éducatif algérien a fait couler beaucoup d’encre depuis deux décennies mais l’exposé du docteur Bederina Mohamed-Laarabi, enseignant chercheur à l’université d’Alger2, aété très pertinent. L’évaluation technique exposée à une assistance toute ouïe a mis à nu toutes les défaillances et autres lacunes de la politique officielle de l’éducation nationale.

 

Ce qui était particulier en cette matinée au CRSS, c’est le fait que l’évaluation soit avancée et défendue sur des données techniques et scientifiques qui confirment davantage l’échec d’un système éducatif que seuls ses initiateurs continuent à plaider. L’orateur a en un mot levé le voile sur des vérités que toute la société tente d’ignorer pour une raison ou une autre. Quand un enseignant universitaire d’un certain âge plaide “le retour d’enseignants coopérants” en Algérie, c’est qu’il y a péril en la demeure. Il explique cette proposition en soulignant que “du temps où les coopérants étaient là, il y avait une véritable bataille entre les enseignants. Il y avait une concurrence loyale qui avait donné de bons résultats. Mais quand ils sont partis tout a changé”.

 

Selon l’orateur, aujourd’hui, l’enseignant ne se soucie point de la qualité du savoir qu’il prodigue à ses élèves mais accélère le rythme des cours en classe pour pouvoir finir à temps le programme de peur d’avoir des comptes à rendre à l’inspecteur et au directeur. En entamant son exposé, le conférencier a tenu à redéfinir les concepts du système et a énuméré une série d’interrogations pour pouvoir  aller au fond de la problématique. “Le concept éducation ne doit pas se centrer sur le volet socialisation. C’est plus profond car l’éducation, c’est l’enseignement et la formation qui sont prodigués à 9 millions d’élèves”.

 

Questions : quel système éducatif envisagé pour l’avenir ? Quel savoir doit-on transmettre à nos enfants ? Pour le conférencier, “l’ingénierie de la formation ne doit pas être basée sur des systèmes importés. On peut en tirer profit  mais pas les importer tels quels. “Car le savoir inculqué doit être basé sur plusieurs défis culturels, scientifiques et autres à relever. Il rappellera, à ce propos, les résolutions du congrès de Dakar tenu en 2000 qui a insisté sur l’enseignement pour tous d’ici 2015. “Avant, la personne qui ne savait pas lire et écrire était désignée comme analphabète. Aujourd’hui, l’analphabète, c’est celui qui ne maîtrise ni la technologie ni les langues”.  L’universitaire racontera pour l’anecdote que des collègues à lui qui devaient prendre part à des séminaires à l’étranger n’ont pu faire leurs communications car ne maîtrisant pas la langue anglaise. D’ailleurs s’interroge-t-il “pourquoi ne pas initier les élèves à cette langue dès le primaire ?” Évoquant les compétences nationales, le conférencier dira que le pays en foisonne mais nombreux sont ceux qui ont  été contraints d’exercer sous d’autres cieux. “Le pays a perdu entre 1987 et 1998, pas moins de 50 000 compétences scientifiques dans divers domaines !”

 

Le recrutement est catastrophique au MEN

Abordant la qualité par l’enseignement qui passe forcément par le niveau de celui qui le prodigue, Bederina dira que “l’opération de recrutement est catastrophique au ministère de l’Éducation”. “Avant quand il y a un poste vacant, c’est le directeur qui s’en chargeait. Aujourd’hui, toutes les tâches ont été centralisées et ceci n’aboutira pas à de bons résultats. Car centralisation est synonyme de bureaucratie qui influe sur le volet scientifique et pédagogique”.

 

Nostalgique, l’orateur se rappellera les anciens diplômés de L’ENS “les normaliens”. “Avant les portes de l’ENS n’étaient pas grandes ouvertes à tout un chacun voulant y accéder. Il fallait faire ses preuves et réussir un concours”. Une bonne transition pour aborder la lancinante question des “super” moyennes avec lesquelles les lycéens décrochent leur bac ces dernières années. “Est-il concevable qu’un bachelier ait une note de 18 sur 20 en philosophie ? Est-il normal d’avoir de très bonnes notes pendant un cursus donné et de chuter non pas de deux ou trois points mais d’une dizaines de points à l’université ?” Pour lui, la moyenne ne donne pas la priorité car elle ne reflète pas le véritable niveau de l’élève. “Les notes sont gonflées pour faire croire que la réforme a réussi”.

 

KSENTINI Farouk_drame-école-2011.JPG

Entre 500 000 et 560 000 déperditions scolaires par an

Pour le conférencier quand pas moins de 500 000 voire 560 000 élèves quittent annuellement les bancs de l’école, c’est qu’il y a problème. Gros et énorme problème, dirions-nous mais jusqu’à quand ? 

 

 

MALIKA BEN

le 30 Novembre 2011

dans le journal Liberté

 

15/11/2011

Dr Éric GUINEMENT, ex-gynécologue "à la chaîne"

 

La Roche-sur-Yon, nuit tombante, avenue napoléonienne tirée au cordeau, deux rangées de platanes aux moignons noirs. Une maison, ni cossue, ni popu. Sur la plaque :

" Dr Éric GUINEMENT

Médecine générale

Sur rendez-vous "

 

Dans le couloir, le dernier patient s'éclipse. Le docteur est là sous le halo de la lampe. Éric Guinement se laisse aller calé dans son fauteuil: "Ce qui a changé depuis dix ans, c'est la part grandissante du social. Les gens attendent qu'on les rassure. S’imaginent que tout peut être réparé. Exigent un scanner pour un mal de tête"

Que répondez-vous à cela docteur?

" Je résiste. J'écoute. J'explique. Soupir.  Malheureusement, nous n'avons pas le temps... "

 

Ah, le temps ! Éric Guinement court après, l’impuissance rageuse. Lui qui, par conviction, a tout fait pour qu'il en soit autrement.

Refusant de "bâtir une clientèle en distribuant des arrêts de travail". Refusant "d’asséner des prescriptions sans négocier". Non, non et non ; tout sauf l'abattage à 12 000 patients par an, un toutes les six minutes. Lui, s'est calé sur 25 consultations par jour, une moyenne de vingt minutes par tête de pipe. Oui, un choix pour ce fils de vétérinaire vendéen, attiré par la médecine généraliste car banalement "intéressé par les rapports humains". De sa coopération en Algérie – gynécologie à la chaîne pour une population démunie – il a débarqué ici, la "honte" au coeur, face à notre "extrême sophistication médicale".

 

Docteur Guinement, de quoi souffrons-nous, aujourd’hui ?

- Du côté des pathologies organiques, cela s'améliore, pourtant je ne suis pas sûr que la santé aille mieux. "Problème numéro un : le grand âge. "Beaucoup de gens vieillissent dans de mauvaises conditions. On n'a pas prévu la population exponentielle des plus de 80 ans. Ils subissent l'éclatement de la famille, ont un sentiment d’abandon. Au moindre pet de travers, le seul interlocuteur, c’est le médecin"

 

Souffrance plus globale, la solitude : " Depuis quelques années, surgit une lourde demande de prise en charge psychologique à laquelle nous ne sommes pas préparés. "La vraie obsession du moment, c'est l’image du corps" Les gens sont accrochés à une image d'eux-mêmes. Quand il n'y a pas d'adéquation, ils souffrent.

Enfin, pout tout le monde, il y a la grande peur muette de la mort: "Les personnes âgées l'évoquent, mais c'est à nous de faire les premiers pas de prononcer le mot. Notre société a désappris à vivre avec la mort. Il faudrait la remettre à sa juste place et, quand on parle de maladie, ne pas oublier qu'elle est là, au bout. Mon rôle, c'est d’essayer d’accompagner les gens psychologiquement jusqu'au terme de leur vie. Cela demande beaucoup d'énergie et de temps."

 

La porte se referme. Il est très tard. Dans la rue, les platanes veillent, le silence est total. La ville dort sur ses deux oreilles. Rassurée.

 

Georges GUITTON

Journal Ouest-France

 

La-Roche-sur-Yon_Rue-Clemenceau.JPG

27/10/2011

Francis DHEILLY à AKBOU

 

Sujet : Recherche amis d'AKBOU

Envoyé : lundi 2 août 2010

Bonsoir, j'ai bien débuté avec le Cours de fin d'études qui était sous notre logement de fonction, en bas à gauche, face au bureau de l'inspection de l'autre côté de la rue. J'ai un souvenir de cette classe mais qui est délicat à raconter en "public" bien qu'en classe nous en ayons parlé, avec l’intéressé, et les autres camarades de classe. Oui notre fils est bien Sylvain, il a maintenant 46 ans et 3 enfants : 1 garçon de 19 ans et 2 filles de 17 et 6 ans. Ma femme est certainement toujours aussi belle car après 47 ans de mariage, nous sommes toujours ensemble. Mais à Akbou, il y avait de très, très jolies filles. Quand au "Maraoui" décédé, je n'ai le souvenir que d'Ahcène (prof. d'anglais et directeur du collège).

En regardant les photos d'Akbou que l'on trouve sur internet j'ai constaté que votre village était devenu une grande ville et un important Centre universitaire et scientifique,  BRAVO. 

 

Envoyé : dimanche 8 août 2010

Bonsoir, heureux de retrouver un ou une ancien(ne) élève du vieux temps où j'enseignais la géologie dans cette magnifique salle de sciences ; je vais scanner quelques photos et les envoyer. En espérant que vous identifierez les personnages photographiés.

À plus tard. F. Dheilly 

 

Envoyé : lundi 9 août 2010

Bonne semaine, bonjour. Merci d'avoir identifié les personnes. Hamid Hamimi c'est le petit ? Le grand c'est Adbelhouab ? j'ai oublié son prénom. Je n'ai pas souvenir de Mr Chéron. Je vous envoie une autre photo de Mr Galou et un de ses fils.

C'est la semaine du Ramadan alors "Bon Ramadan" 

 

Envoyé : samedi 21 août 2010

Ah oui, c'est toi qui es en photo à côté de Mr Galou dans la cour derrière le petit Hamimi ? Bien sûr que je me souviens de toi, tu es le frère de l'Inspecteur Abdelhouab. J'ai même une photo quand nous étions allés à Chellata avec le fils Galou (j'ai oublié son prénom) pour chercher de la neige dans le coffre de ma voiture et, avant de redescendre, nous avons fait une bataille de boules de neige. Je me souviens plus des enseignants que des élèves ; on allait au bistrot en face boire du café, du lait caillé (et parfois des 33) en jouant au rami. Je me souviens bien de Mouloud, et un grand qui était en 67/68, je crois, maître d'école à Tazmalt, Aïssa Graba, de A. Maraoui et sa soeur Louiza, je crois, L'inspecteur Ben Khellil, sa secrétaire Leila ?, Farida Meraiched, Si Smaïl bien sûr. C'était le bon temps (42 ans de moins).

Amitiés de ma part à ceux que tu peux rencontrer et à toi, bien sûr.

Francis Dheilly 

 

Envoyé : dimanche 27 février 2011

C'est avec une grande tristesse que j'apprends ce matin le décès d'Ali que j'avais retrouvé grâce au forum de généanet, après l'avoir connu comme enseignant à Akbou en 1966-68. Je redoutais cette issue fatale, n'ayant pas eu de ses nouvelles depuis le mois de décembre par MSN.

Je présente mes sincères condoléances à son épouse, à sa jeune fille et autres membres de sa famille.

Francis Dheilly 

 

AKBOU_piton_horizon.jpg

Source

 

20/10/2011

Sur les pas de Jean BOUDOU (Francis PORNON)

 

Lundi 18 mai 2009

[…] La porte s’ouvre sur une passerelle balayée de lumière et de chaleur. C’est déjà l’été en Afrique du Nord, et c’est toujours la lumière qui fait cligner des yeux et me contraint à chausser mes lunettes de soleil. Une fois encore, je me retrouve sous le haut ciel de Kateb Yacine, dans le soleil noir de Camus et de tant d’autres auteurs. J’ai en tête ces mots de Boudou :

« Derrière moi, le soleil au zénith. Devant moi, tout le pays s’étend jusqu’à la mer, là-bas, à l’horizon, dans un éblouissement… “que calelheja” »

Vers les bureaux, policiers en bleu clair et douaniers en kaki ne daignent même pas me regarder passer. Il est vrai que mon physique ne me dénonce pas comme étranger. Je pénètre tout naturellement dans l’aéroport de Dar-el-Beida. Passée la sortie de douane et de police, je ne vois pas l’ami Zahir qui a promis de venir me récupérer. Je m’assieds sur ma valise rigide.

Qu’est-ce que je viens encore fabriquer en Algérie ? Il faut croire que je n’ai pas tout épuisé d’ici, de ce que recèle ce continent géographique et mémoriel. Je reviens à nouveau de ce côté de la mer, comme un miroir que je ne puis m’empêcher de franchir, en quête de je ne sais exactement quoi.

De l’autre côté, on se demande quel intérêt il peut y avoir à se rendre en Algérie. Certains commerciaux y viennent pour leur profession. D’autres, beaucoup, n’y mettent pas les pieds et n’envisagent même pas de le faire. Lorsque l’on a, comme nombre de Français, vécu là à des titres divers dans ce qui était dit « la France », il existe un grand mur qui fait obstacle au retour, bien plus infranchissable que le Grand-Fleuve.

Je tourne mes regards en tous sens pour tâcher d’apercevoir Zahir. Je ne reconnais pas vraiment le vaste hall moderne de l’aéroport. Un curieux dôme abrite une cafétéria dont j’effectue le tour. Personne, sauf les propositions à mi-voix des taxis clandestins et sauf des gens qui attendent aussi. Je fais rouler ma valise pour m’asseoir dans un fauteuil. Et je guigne les femmes, la plupart sans voile, certaines juste coiffées d’un foulard, le regard noir.

L’ami se fait toujours attendre. Il ne répond pas sur son téléphone mobile. Pourtant je lui fais confiance, il doit seulement être retardé. J’ai pu compter sur lui en des moments difficiles en 1998, lorsqu’il m’a hébergé et baladé dans Alger encore engluée de terrorisme. Et je sais que la patience est vertu cardinale ici. Elle présente au moins l’avantage de laisser le temps de penser.

Un vieux chibani me fait pousser pour s’asseoir à mes côtés. Il est coiffé du turban kabyle jaune sur un inénarrable veston élimé. Tandis que passent des hommes costumés et cravatés comme dans tous les aéroports du monde, je regarde mieux les femmes. Il en est qui portent la morne tenue longue et à capuche, de couleur grise ou marron, censée les isoler du monde ambiant. D’autres semblent sortir d’un catalogue de mode parisienne, le pantalon collant et le décolleté plongeant.

« Et je souffrais de voir ce sein blanc et gonflé. Notre-Dame du Lait […] » Jean Boudou écrivit ceci dans "Le Livre de Catoïe". C’était en France. Mais je l’imagine ici devant ce spectacle. Choc fascinant et maléfique de rondeurs féminines, interdites et pourtant désirées ! Tout ce qui vit en Algérie n’est-il pas, pour un Français, honteux et convoité ? En conscience ou bien dans l’ignorance.

PORNON Francis_En Algérie, sur les pas de Jean BOUDOU.jpg

Et voilà que je reviens, toujours poussé par la détresse et aussi l’enthousiasme. Cette fois, il s’agit de marcher sur les traces de Boudou, un écrivain en occitan qui vécut par ici les dernières années de sa vie, de 1968 à 1975. Une quête d’homme comme je les affectionne. Je suis déjà parti dans des aventures du même genre, à la recherche de personnages : Couthon, Vailland, Boujard … Une recherche du temps perdu [...] »

 

Extrait de : En Algérie sur les pas de Jean Boudou ;

Ed. Lazhari Labter (Alger, 2010)

14/10/2011

Brahim et le Coopérant syrien (Nacer KETTANE)

 

Les journées commençaient toujours de la même façon. Brahim et ses camarades se levaient très tôt. Un tuyau d'arrosage derrière l'école leur servait pour faire un brin de toilette.

La fin de matinée était réservée à l'élaboration du plan de la journée et des actions à entreprendre. En général, la discussion commençait une fois que le rapport sur la journée de la veille était adopté. L'estafette était enfin arrivée et les choses sérieuses pouvaient commencer.

 

STAOUELI_Domaine Borgeaud_(Ancienne Trappe).jpg

Après avoir sillonné tout le domaine Borgeaud, l'estafette prit la direction de Bouchaoui. Le centre de soins était un bâtiment d'une seule pièce, sans étage. La salle d'attente regorgeait de monde et il n'y avait en tout et pour tout que trois pièces pour accueillir et soigner les malades. Le centre était dirigé par un coopérant syrien.

–          Ces gens-là sont comme des bêtes, disait-il, ils ne comprennent rien de rien. Pour un oui, pour un non, ils viennent au centre. C'est gratuit, alors ils en profitent.

Sa femme, qui lui servait d'aide, surenchérissait.

–          En plus ils sont indisciplinés, il faut voir. Ah! heureusement que j'ai ma belle salle de bains pour me relaxer et oublier tout ça de temps en temps.

 

Brahim n'en croyait pas ses oreilles. Il se dégageait des paroles du médecin un mépris qui lui rappelait les ratonnades de Paris. Il se demandait d'ailleurs comment ce médecin pouvait se faire comprendre de la population puisqu'il parlait soit en anglais, soit en arabe littéraire du Moyen-Orient, et que les Algériens parlaient l'arabe dialectal ou le berbère.

                    Tu sais, lui dit Arezki, il y a encore beaucoup de travail avant que le peuple algérien soit réellement indépendant. Ces gens-là reproduisent les schémas coloniaux de ceux qui nous inculquaient « nos ancêtres les Gaulois », sauf qu'aujourd'hui, comme dit la chanson, c'est « l'Orient et ses rois ».

 

–          Je vous propose une pause d'une heure, dit le chef de brigade, personnellement j'ai le ventre creux. L'estafette prit la direction du centre-ville, et c'est un groupe joyeux qui entra dans le café-restaurant.

–          Sandwich-merguez pour tout le monde, com­manda Djamel. Avec des cafés.

 

Leïla, quant à elle, se tassait dans un coin de la salle. Brahim avait déjà remarqué lorsqu'ils étaient de sortie que ses camarades obligeaient presque Leïla à se cacher et à ne pas trop se manifester. Pour eux, il ne fallait pas que les gens remarquent trop sa présence.

–          Tu comprends, disait Ali, ça risque de discréditer notre action révolutionnaire. Les gens ne sont pas habitués à voir des femmes mener ce genre d'actions.

Leïla acceptait de se sacrifier pour le volontariat socialiste.

« Pauvres types, pensait Brahim. C'est vous qui vous discréditez. » Il songeait alors à toutes ces femmes – Houria Meddad, Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouha­red (Bouhi­red), Malika Gaïd et d'autres – qui, le fusil à la main dans la tradition de la Kahina et de Fahma n'Soumer, avaient lutté aux côtés des hommes pour chasser le colonialisme. Ces femmes avaient créé les conditions de leur émancipation, et voilà que, maintenant, les hommes les maintenaient sous tutelle, comme des mineures permanentes pour qui on décide de tout. Brahim se disait que le socialisme était effectivement en marche, mais en marche arrière.

Après s'être restaurés, Brahim et ses camarades repartirent vers une nouvelle destination. Tout en roulant les jeunes chantaient en arabe :

 

19 mai nadouat el chabi­ba - 19 mai congrès de la jeunesse,

Djamià el fias at djendou li l'hedna - Toutes les forces vives se sont mises au travail,

Barnamedj âmel houa li ouahedna - Travail qui tous nous unit.

 

 

KETTANE-Nacer_le-sourire-de-Brahim.jpgNacer KETTANE 

 

 

Le sourire de Brahim

 

Éditions Denoël

 

Paris ; 1985