08/06/2012
Une année à Douéra (Serge NOAILLE) 1
"Une année à Douéra" est un récit autobiographique où l’auteur décrit, au travers d’une galerie de personnages pittoresques, une société algérienne post-Boumediene en pleine mutation.
…
- Si tu continues à faire ton cirque, je ne te sors pas sur la terrasse !
- Je m’en fous !
Tarik était un enfant de neuf ans qui s’était cassé la rotule et j’avais un mal fou à le faire progresser. Son genou ne pliait pas. Je reconnais que les mouvements étaient douloureux mais tout de même je me rendais bien compte qu’il n’y mettait aucune volonté. Je crois qu’il disait vrai, il s’en fichait, et cela n’était pas normal pour un gamin qui n’aurait dû avoir qu’une idée en tête : courir avec les copains. J’en parlai avec l’assistante sociale.
- Je partage votre inquiétude. Tarik nous a été envoyé par l’orphelinat de Blida, ses parents sont morts dans un accident de la circulation il y a deux ans. Évidemment, il est paumé, révolté et depuis, il traîne de centres en institutions. En réalité, on ne sait pas gérer ces enfants difficiles, il n’y a pas assez de structures de pédopsychiatrie chez nous. Alors voilà, on fait comme on peut avec les moyens du bord. Vous savez ce qu’on m’a dit ? Il se serait cassé volontairement le genou avec un marteau ! Je sais bien que c’est un appel au secours ! Mais dans l’état actuel de mes moyens, je suis impuissante, je ne sais pas où l’envoyer.
- En tout cas, pas d’où il vient ! Il s’est pété la rotule pour en partir, et il retarde sa rééducation pour ne pas y retourner !
- Mais on a épuisé toutes les solutions ! Après Blida, il n’y a plus rien !
Les jours suivants, j’observai mon petit bonhomme sous un angle différent. Il était taciturne, certes, mais sur la terrasse, lors des jeux de ballons que j’organisais par exemple, je le surpris à s’esclaffer par moments. L’enfant insouciant perçait de temps en temps la carapace. Sa tristesse était manifeste, mais en même temps on le sentait tranquille, pas révolté. Il restait dans son coin, ne parlait à personne, si ce n’est à des personnages imaginaires avec lesquels il dialoguait pendant des heures.
Je décidai de l’ignorer deux ou trois jours. Au point où l’on en était, cela ne changerait pas grand-chose à la progression de son genou. Le troisième jour, me voyant passer encore une fois à côté de son lit, il m’interpella.
- Monsieur Serge, tu ne me fais plus bouger la jambe ?
- Pourquoi, tu en as envie ?
- Ben, non, mais je croyais que c’était obligé.
- Rien n’est obligatoire, Tarik. La preuve, cela fait quinze jours que j’essaie de plier ton genou, mais comme tu ne veux pas, je n’y arrive pas. Tu vois, même si je le veux très fort, je ne peux pas t’obliger à plier. C’est toi qui es plus fort que moi !
- Bof, j’suis pas plus fort que toi m’sieur Serge !
- Si ! Tu es plus fort que moi parce que c’est ta jambe, pas la mienne, et comme elle t’appartient, c’est toi qui décides ce que tu veux en faire, c’est normal. Si tu veux rester boiteux, je ne pourrai pas t’en empêcher, je serai triste parce que je sais que plus tard, quand tu seras grand, tu le regretteras, mais c’est toi qui détiens les clefs de ta vie. Quoi qu’il en soit ce n’est pas comme cela que tu éviteras de retourner à Blida…
- Je ne veux pas y retourner !
- Je le sais. Je vais te dire un truc, si tu ne progresses pas, dans quinze jours on te renvoie là-bas. Par contre, si tu plies ton genou et que je vois qu’on peut y arriver, alors là je te garde au moins deux mois, peut-être même plus, pour récupérer au maximum.
— …
- C’est mieux que rien, non ?
Nous reprîmes les séances le jour même et dès lors les progrès furent nets. Tarik était un enfant très intelligent, il comprenait au quart de tour. J’en profitai.
- Tu vois, depuis que tu es d’accord, ton articulation va mieux.
- Oui, mais ça fait mal quand même !
- C’est vrai, mais en acceptant d’avoir mal maintenant, tu décides que lorsque tu seras grand, tu ne boiteras pas ; et du coup, tu supportes la douleur ! Pour Blida, c’est pareil.
- Comment c’est pareil ?
- Eh bien, c’est dur maintenant de rester là-bas, je suis d’accord ! Et tu peux refuser ou t’échapper, te cacher dans la rue, mais si tu acceptes et comprends toi-même qu’y rester est dans ton intérêt, tu ne verras plus les choses de la même façon. Si tu comprends que, comme moi quand je te plie la jambe, l’institut qui te donne à manger et t’instruit va te permettre un jour d’être une grande personne qui ne boite pas dans la vie, qui ne sera pas un voyou, alors ce sera toujours douloureux à supporter, c’est sûr, mais comme c’est toi qui l’auras voulu, ce sera moins difficile ! Et ensuite, grâce à tes efforts, tu seras libre et tu feras ce que tu veux, un peu comme pour ton genou avec lequel tu pourras bientôt rejouer au foot !
Il me regarda avec ses grands yeux, bouche bée, puis baissa la tête.
- Tu viendras me voir à Blida ?
- Je viendrai te voir. Ce n’est pas loin ! On ira même se balader avec la voiture.
- T’as une voiture ? C’est quoi ?
- Une Simca 1000.
- Connais pas.
- Elle est drôlement chouette ma Titine, tu verras.
- T’as donné un nom à ta voiture ? T’es fou, toi !
- Ouais, bon, pousse avec le talon. Ne te relâche pas, Tarik !
…
Une année à Douéra
Éditions Jacques Flament
2012
Collection VARIATIONS NOMADES
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30/05/2012
François-Xavier VERSCHAVE et la FrançAfrique
« François-Xavier Verschave, dont on voudrait faire croire qu'il n'est jamais allé en Afrique, a été coopérant en Algérie où il a mis ses connaissances en économie au service des Transports algériens. Il a aussi fait plusieurs voyages dans d'autres pays africains, même s'il y est peu allé par rapport à la moyenne des "Africanistes". (Lire l’article sur les massacres génocidaires des Bamileke au Cameroun, dans lequel François-Xavier Verschave est plusieurs fois cité pour son enquête sur place)
Tout seul, on ne connaît jamais un pays et encore moins un continent. Quel journaliste pourrait prétendre qu'il ne parle que des faits dont il a été témoin direct ? Le plus souvent, même sur place, ils enquêtent auprès de témoins directs. Il se trouve que les Africains qui ont des problèmes avec leurs dictateurs viennent souvent en Europe et qu'on peut, de ce fait, faire ce travail d'enquête en France, à Paris et le compléter avec le travail des journalistes de terrains qui font parfois de bons articles. Les Africains et Européens qui sont sur place, savent écrire à Survie, communiquer des photos, des vidéos... Il suffit ensuite de recouper l'information.
Les juges français ont souvent été convaincus de la qualité des textes de Survie et plus particulièrement de ceux de François-Xavier Verschave. Les jugements des tribunaux en témoignent. Ce travail collectif de connaissance de l'Afrique est fait de ceux qui décrivent et de ceux qui synthétisent. François-Xavier était incontestablement de ceux qui synthétisent, avec en plus une intelligence des souffrances qui sont derrières les événements, que les Africains, présents à son enterrement, ont appelé "intelligence du cœur".
Ce problème de "François-Xavier Verschave en Afrique" n'est qu'une argumentation mesquine de ses détracteurs, ceux qui voudraient que la Françafrique dure encore longtemps ou qui sont écorchés vifs par la jalousie secrète de ne pas avoir été pourvus des capacités de synthèse de François-Xavier. »
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22/05/2012
Henri TEISSIER et les coopérants
En 1962) Henri Teissier a fait le choix de rester « par fidélité, à l'Évangile ». Il a découvert la nouvelle situation comme appel à vivre une relation plus profonde avec l'Algérie et les Algériens et à promouvoir les valeurs de justice, de communion et de paix universelle. La manière dont il vit les premiers mois de l'indépendance est riche d'enseignement :
« En raison de ce que j'avais perçu en Égypte, je m’attendais à des évolutions radicales et même à une mise à l'écart drastique du groupe des chrétiens qui resterait. J'ai été plutôt bien impressionné par les possibilités qui nous ont été laissées au début de l'indépendance dans la phase "participation au développement". » Il y avait, il est vrai, tant à faire ! « Tout reconstruire, tout mettre au service des Algériens : les écoles, les dispensaires, les foyers de jeunes filles, les centres de formation professionnelle, les salles de cinéma … toutes les structures. Il fallait aussi se préparer à enseigner l'arabe, ce qui n'existait pas dans l'enseignement diocésain. »
L'Église est aidée dans sa tâche par l'arrivée assez massive de coopérants. Dès 1962, Mgr Duval a en effet appelé les catholiques de France à participer au développement de l'Algérie «en raison de leur responsabilité historique vis-à-vis de l'Algérie ».
Enseignants, ingénieurs, techniciens, soignants, venus de tous pays, ces coopérants apportent leurs compétences techniques et professionnelles, concourent à l'édification de l'Algérie nouvelle, et préparent la relève par la formation de jeunes Algériens.
Une période extraordinaire de collaboration s'ouvre ainsi entre chrétiens et musulmans, ou plutôt entre Algériens et coopérants dont certains adhèrent à l'utopie tiers-mondiste socialiste d'hommes comme Frantz Fanon, médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida dont il démissionna pour rejoindre le FLN...
De ces relations de collaboration vont naître des amitiés qui passent par-dessus les barrières historiques, culturelles et religieuses.
Certains y verront l'idéal même de la fraternité sans frontières définie par le concile Vatican II qui vient de s'ouvrir.
Martine DE SAUTO
Henri Teissier
Un évêque en Algérie
Éditions Bayard. 2006
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12/05/2012
NOUNOURS et ses Collègues du Lycée Victor HUGO
Je constate que Nounours* a vraiment marqué notre jeunesse.
Je l'ai revu en 88 à Marseille.
Comme une maman attentive, j'accompagnais mon fils aîné pour sa rentrée en 6ème au collège de Gibraltar. Nous avions été autorisés à rester pendant la répartition des élèves dans les classes et, qui vois-je, arpentant la cour de son pas de sénateur dans son costume, pas marron mais gris, NOOUNOURS !
C'est le premier nom qui m'est venu à l'esprit et impossible de me souvenir de l'autre. J'avais envie de l'appeler mais je ne pouvais crier : "Noounours" et le destin m'est venu en aide.
Nos regards se sont croisés et je lui ai fait un grand sourire et je lui ai dit: "Bonjour Monsieur".
Il a tout de suite compris qu'il ne m'était pas inconnu et il est venu vers moi.
Je lui ai rappelé que j'étais au Lycée Victor Hugo à Alger et il a eu la délicatesse de me dire: "Ah oui, je me souviens de vous".
…
Je me souviens de l'annexe et du lycée
J'me souviens de la salle de dessin avec la sculpture qui représentait La victoire de Samothrace me semble-t-il. Monsieur Benisti m'a demandé un jour ce que ça représentait ; je n'ai pas su répondre et il m'a dit "la liberté" ; je me rappelle également un cube recouvert d'un tissu à larges rayures bleues et blanches qu'il nous faisait dessiner
J'me rappelle la salle de musique où monsieur Meunier nous faisait en composition soit une dictée musicale soit écrire nos impressions après nous avoir fait écouter une oeuvre de Beethoven.
Il y avait aussi :
-Mr Henry et Mlle Gavériaux (pluriel de Gavérial disait elle) : je les ai eus trois ans de suite (3ème, seconde et première)
-Mlle Rouch, bien entendu
-Mme et Mr Maurin avec sa fameuse expression "jvais en fout' dehors"
-Mr Tauzin (en première) avé son sympathique accent du midi et sa blouse blanche qui le faisait ressembler à un chirurgien
-Mr Gonfard qui nous lisait son cours, imperturbable …
-Mr Le Goff : Maths en première avec un officier de carrière qui venait de Papeete si je ne m'abuse. Il avait institué une nouvelle façon de faire les devoirs en classe : à chaque cours un petit exercice ; c'était un contrôle très continu ...
-Mr Ciabrini
-Mr Béliot, VSNA ? Je me retrouvais souvent au tableau pour donner les solutions des problèmes complexes
-Bien sûr, Mme Pouget, élégante : magistral cours de maths en terminale math'elem (1967). J'habitais la même rue qu'elle au Haut Télemly, rue Docteur Saliège. Ils habitaient une super baraque entourée d'orangers sauvages avec un court de tennis ; parfois elle me ramenait au lycée dans son "ondine aérostable Renault.
-Mr Mangion qui nous enseignait l'arabe parlé en 4ème
-Mr Millet ou Maillet prof de gym qui nous faisait grimper à la corde (quel supplice !) et nous initiait les mouvements d'ensemble au son d'un tambourin.
-Mr Granger : l'anglais en 5ème
-et tous les autres dont je n'ai pas fréquenté les cours
Je n'oublierai jamais les trois grands personnages du lycée : Al Capone, Noounours et Mr Fontaine.
…
Pierre Bouizegarene
*Avec 2 o pour l’auteur : Noounours
SOURCE :
Souvenirs des Profs (Lycée Victor HUGO : années 60)
08:45 Publié dans 2-SOUVENIRS, SOUVENIRS ... | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook
04/05/2012
Louis-Pierre LE MAÎTRE, historien de CONCARNEAU
Nécrologie : 6 février 2009
L'historien Louis-Pierre LE MAÎTRE s'est éteint mercredi soir, à l'âge de 59 ans. Ancien professeur à Saint-Joseph, il a écrit plusieurs ouvrages de référence sur l'histoire de Concarneau, sa ville natale, et de sa région.
Il est l'un de ceux qui a le mieux raconté le Concarneau d'autrefois, avec un mélange inimitable de passion et de rigueur: Louis-Pierre Le Maître est décédé mercredi soir, à son domicile du Passage. Il aurait eu soixante ans le 18 de ce mois-ci. Né en Ville close, il aimait à rappeler, comme pour expliquer son goût pour l'Histoire, que ses grands-parents, habitant la maison du gouverneur, étaient gardiens des remparts. Il est devenu l'un des plus grands spécialistes du passé de Concarneau et de sa région, avec un intérêt particulier pour le patrimoine religieux, artistique et les aspects maritimes.
«D'une fiabilité totale»
Il y consacra de nombreuses études, publiées notamment dans les colonnes du Progrès de Cornouaille, dont il fut le correspondant durant une vingtaine d'années, ainsi que du Télégramme. Louis-Pierre Le Maître est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, le premier étant, en 1975, «Les Sillons de Beuzec». Certains de ses livres sont devenus des références. C'est notamment le cas de «Matelots de Concarneau», paru en 1978 et première collaboration avec un autre historien concarnois, Michel Guéguen. Aujourd'hui introuvables, ces «Matelots» sont cités comme ouvrage de référence pour les agrégations d'histoire-géographie. Les deux hommes publièrent ensuite «Le Cercle de Mer», en 1981, avant de se lancer dans une grande trilogie sur le Concarneau des années 1939-45: «L'Aigle sur la mer», paru entre1985 et1988.
«D'un naturel discret, Louis-Pierre possédait énormément de connaissances, on pouvait toujours compter sur lui et ses écrits: il était d'une fiabilité totale», confie Michel Guéguen. Membre de la société d'archéologie du Finistère et un temps correspondant à Concarneau des Monuments Historiques, Louis-Pierre Le Maître a également sorti trois beaux livres aux éditions Palantines. Le premier, «Concarneau, histoire d'une ville», qui date de 2003, est aux dires de beaucoup l'ouvrage qui manquait sur la ville bleue.
Photo Ouest-France 2005
«Les Concarnois perdent quelqu'un d'important»
Suivirent «Les Glénan, histoire d'un archipel» en 2005, puis son ultime livre, «Locronan au pays du Porzay», en 2007. «Ce qui ressortait chez lui, c'est son amour profond pour son pays, se souvient Henri Belbéoc'h, directeur des éditions Palantines. Ajoutez à cela la qualité de son travail d'historien, vous avez là un homme de base: les Concarnois perdent quelqu'un d'important.» Le métier de base de Louis-Pierre Le Maître était l'enseignement. Après un début de carrière dans le Nord-Finistère, en 1970, puis deux ans de coopération en Algérie (1971-1973), il sera professeur, d'histoire durant seize ans au collège Saint-Gabriel de Pont-l'Abbé. C'est en 1989 qu'il rejoint le collège Saint-Joseph. Il y restera jusqu'en juin 2007, où des ennuis de santé l'empêcheront de poursuivre. Son départ à la retraite sera effectif l'année suivante. Outre ses qualités d'enseignant, le lycée se souvient de lui pour son gros travail dans la mise en place d'échanges scolaires.
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Source Le Télégramme
07:50 Publié dans 2-SOUVENIRS, SOUVENIRS ... | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook