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24/02/2016

Philippe Duval (El-Ayeb) à Skikda

Le « centre de regroupement » se trouve en bord de mer à une dizaine de kilomètres de Philippeville.

 

L’école.

Vous n'êtes que quelques-uns à y aller. Est-ce le respect du « savoir » qui tisse autour de vous comme un invisible filet de protection ?

Le long bâtiment en préfabriqué se trouve, comme le centre, en bord de plage. Chaque matin, vous vous y rendez à pied en longeant la mer. Le directeur est un Français que la passion de l’enseignement et l’amour de l’Algérie ont conduit à rester contre vents et marées. Il vit dans une petite maison tout près de son école.

On l’a surnommé Al-Ayeb, le « Boiteux », à cause d'une jambe autrefois accidentée qui lui donne une drôle de démarche dont nul ne songerait à se moquer, car il est aimé et respecté.

L'unique classe reçoit une quarantaine d'élèves, et Malek, qui prépare son entrée à la « grande école », est l’un des plus âgés et des plus instruits.

Al-Ayeb a vite remarqué le jeune garçon qui veille comme une mère poule sur son petit frère. L'instituteur connaît la dureté de la vie au centre. Pour les « orphelins Chebel », il saura faire de son école un lieu de paix et d'espérance.

Afin de donner à Malek toutes ses chances de passer en sixième, le Boiteux n'hésite pas à le garder en dehors des heures de classe.

 

Philippeville_carte.jpg

C'est ainsi que ce matin-là d'hiver, un jeudi, jour de congé, il a eu droit à quelques heures de cours particulier.

Une voiture doit venir le chercher à midi pour qu'il puisse participer à une excursion destinée aux pensionnaires « méritants ». Midi a sonné depuis longtemps. Devant la porte de l'école fermée, Malek grelotte sous un vent glacé mêlé de pluie.

« Ciel, arrête ton déluge. Mer, retire-toi », ordonne, dans le conte, Sindbad, le marin chevronné, aux éléments.

À cet instant où le ciel et la mer semblaient s'unir pour t'écraser, tu as bien failli, petit garçon de onze ans, t'abandonner au désespoir.

Mais voici que, de la fenêtre de sa maison, Al-Ayeb t'a vu. Voilà qu'il boitille le plus vite possible jusqu'à toi. Il entoure tes épaules de son bras, t'entraîne chez lui, te fait asseoir près de la cheminée où crépite un feu, t'enveloppe dans une couverture, t'offre un bol de lait chaud mêlé de miel.

C'est le Français qui pratique à cet instant la zakat, l'aumône, l'un des cinq piliers de la foi musulmane, enseignée par Mohammed, en te témoignant l'esprit de fraternité.


Malek

Janine BOISSARD

Éditions Fayard
2008

 

Pages 51-52



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