26/02/2008
Évocation des Coopérants par VALCLAIR
Ça va mieux … : J'ai vu les deux épisodes de "Nos meilleures années" , un récit qui suit la vie d'une famille italienne des années 60 à aujourd'hui, deux fois trois heures de cinéma de façon rapprochée, des personnages attachants et qui me parlent, idéal pour entrer dans un autre monde, s'imprégner d'autres temps, d'autres lieux et d'autres gens. …
Ça m'a plu, beaucoup, même si ce n'est pas un film génial en soi, même s'il y a des longueurs et des passages un peu trop mélo surtout dans la seconde partie. Ce sont nos Thibaud à nous, des Thibaud contemporains et transalpins. Quelqu'un de ma génération et avec mon histoire se retrouve forcément un peu là-dedans, dans les personnages et leurs destins contrastés, dans le regard porté sur l'évolution du pays. L'Italie n'est pas la France, on n'a pas eu l'antipsychiatrie et les gauchistes ; chez nous n'ont pas, sauf exception, basculés dans le terrorisme, on n'a pas la Sicile et la mafia mais on connaît tous des Mattéo, des Nicola et des Carlo et même on participe un peu de ce qu'ils sont. Tous les personnages, Mattéo et Laura exceptés, sont du côté de la vie, ils rebondissent comme on aimerait rebondir, ils donnent la pêche. D'autant que là, les spécificités locales, la beauté des paysages (ah ! cette maison retapée dans les collines toscanes …), la faconde méridionale des personnages, leurs grands gestes et leurs mimiques, leur façon de saisir la vie à plein bras jouent à plein, tout ça est communicatif ; on sort de là le cœur léger…
Le film est encadré par deux voyages en Norvège à une génération d'intervalle et se conclut sur l'évocation de la beauté du monde. Ça aussi ça me parle et de quelle façon ! J'ai fait un voyage là-bas aussi, mon plus beau voyage peut-être, celui qui m'a le plus marqué en tout cas, mon seul grand voyage en solitaire, sac au dos, autostop et auberges de jeunesse ; chaque jour était une promesse ; j'avais l'impression que tout était possible, ouvert, offert. C'était pendant l'été 1976. J'avais prévu d'aller retrouver des amis coopérants en Algérie. Le mois de juin à Paris avait été terriblement sec, chaud, étouffant (la canicule déjà !), j'ai eu, tout à coup, une grande envie de Nord, j'étais en train d'aller chercher mon billet d'avion pour Alger et je me suis retrouvé avec un billet de train pour Copenhague
(Ça me ressemble tellement peu ces coups de tête et c'est tellement chouette !) et le lendemain j'étais parti ; Copenhague puis, par bateau et en stop, Stockholm, Helsinki, les lacs de Finlande, la Laponie, Kiruna et l'ascension aventureuse du Kebneskeise, les îles Lofoten, Bergen, Oslo, presque deux mois d'un périple ébloui. Je n'ai pas tenu de journal mais j'avais avec moi une petite caméra super-huit, et j'ai des souvenirs surtout, beaucoup de souvenirs, des images et des sensations, incroyablement présentes, infiniment plus que de bien des voyages plus récents : des paysages somptueux chaque jour renouvelés, des crépuscules interminables et doux, de longues discussions auprès de feux de bois ou dans les salles communes des auberges de jeunesse dans un sabir internationalo-anglais, l'eau froide des lacs sur mon corps nu après les saunas, des visages de belles jeunes filles douces qui m'ont fait rêver…
La beauté du monde, oui, la beauté du monde !
La beauté du monde donc se devrait d’être la beauté de la vie.
Á quoi cela tient-il qu'on se débrouille si souvent pour se la gâcher ?
Extrait d’un article mis en ligne le 01/11/03
06:55 Publié dans 2-SOUVENIRS, SOUVENIRS ... | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook
19/02/2008
Point de vue de Kadda Cherif Hadria sur sa jeunesse
(Kadda Cherif Hadria par lui-même)
Né en 59 dans un quartier populaire d'Oran. Dans une famille plutôt aisée mais très traditionnelle.
Éducation bâclée car j'entre à l'école au moment de l'islamisation et de l'arabisation de l'enseignement... Jusque-là l'éducation était confiée à des coopérants français et des enseignants algériens. Du jour au lendemain, le pays, (et les écoles) a été envahi de frères musulmans venus d'Égypte ou d'ailleurs qui ont dispensé une éducation rigide, limitée et anti-occidentale. Du bourrage de crâne qui, au mieux, n'intéressait pas l'élève (comme moi qui étais devenu rapidement champion d'école buissonnière), ou, au pire, commençait à construire la société divisée, celle de la guerre civile que l'on connaît actuellement.
Donc l'école de la rue, et musique dans la rue.
À 14 ans, je joue bien de la derbouka, mon père a cassé ma guitare...
On me demande de plus en plus souvent de chanter, partout, dans les fêtes, les mariages...
Un peu plus grand, je vais travailler quelques mois dans un cabaret d'Alger : le raï commence, les première cassettes, mais il est hors de question que j'enregistre ou que je continue cette vie de cabaret. Donc je ne tente même pas une carrière, laisse tomber toutes les propositions et me rabats sur le foot.
Je fais monter la petite équipe locale dont je suis capitaine et défenseur, et même vice-président, en 2° division. Mais le foot déplait aussi à mon père ! Et d'ailleurs, même à un petit niveau d'une équipe de province, il y a tellement de magouilles, que même moi je finirai par être dégoûté.
Service militaire : 2 ans dans le Sahara. On me met à la tour de contrôle. Une catastrophe !Rapidement, je crée un groupe avec 3 musiciens et nous devenons les privilégiés du régiment. Deux années très sympas finalement malgré un entraînement militaire incroyablement rude. Le groupe est bon, nous sommes invités partout, même par la nomenklatura russe qui sévissait à l'époque en Algérie. (Les Russes sont dans le pays pour "organiser" l'armée, la médecine et d'autres secteurs de coopération). On se fait courtiser par les femmes désœuvrées des officiers russes ! Mais le retour est rude : je laisse tomber la musique, je bosse avec mon père, me marie et continue de chanter dans les mariages Per Gusto (pour le plaisir).
Jusqu'au jour où je craque, à 30 ans, et pars vivre en France.
Je découvre le racisme anti-arabe mais aussi un pays. J'aime la Bretagne le Pays Basque, la Provence ; je ne cesse de découvrir toujours plus de coins différents et encore plus beaux. Un autre jour, Besançon ou la Corse. Incroyable. Et maintenant ma vie est ici. Il y a ma femme, mon fils et mon boulot.
…
"Djezair" était mûr depuis longtemps, on avait même beaucoup trop de morceaux, c'était dur de choisir, d'autant qu'en route, dans le studio, on a créé 2 ou 3 nouveaux titres. C'est un album, je dirais, oriental. Pas spécialement algérien ; il y a des influences de partout, beaucoup du Maroc, mais aussi de Tunisie et du Moyen-Orient.
…
06:54 Publié dans 6-CONFRONTATION d'idées | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook
13/02/2008
Roger, un coopérant de cinéma dans "La Folle de Toujane"
Roger est breton, taciturne et rêveur. Il ne reprendra pas la terre, au désespoir de ses parents, mais il ne veut pas pour autant quitter le pays. En attendant sa nomination d'instituteur, il passe plusieurs jours avec Gwen, son amie d'enfance, "parisianisée" et contaminée par la ville. Elle souhaite vivre avec lui, mais loin de la pauvreté, là où, pense-t-elle, l'argent coule à flot, là où l'on peut réussir et vite.
Pour oublier cet amour impossible, Roger demande et obtient un poste en Tunisie. Il est envoyé à Toujane, un petit village en plein bled. Les premiers contacts s'avèrent difficiles avec une population secrète, aux coutumes et aux usages différents des siens, mais, petit à petit, et grâce à son bon sens, sans se faire totalement admettre, Roger est quand même accepté. À Paris, Gwen fait carrière dans une station de radio, et s'installe dans le confort et la facilité. En Tunisie, l'armée pourchasse les "rebelles". Le pays tout entier est secoué par la guerre. Roger n'a pas d'opinion, il enseigne, se fiant davantage à son instinct qu'à un programme défini, ce qui lui vaut la réprobation de l'administration qui l'éloigne pour quelques mois. À son retour, les choses et les gens ont changé. La pacification n'a pas abouti. La France se retire de la Tunisie.
Roger devient coopérant! En Algérie, la guerre fait rage. Le mari et les enfants d'une ancienne élève sont massacrés là-bas. La jeune femme revient au village, traumatisée, et se terre dans une caverne. Roger tente de l'apprivoiser, mais elle se méprend sur ses intentions et se jette d'une falaise. La communication ne s'est jamais établie. Roger quitte définitivement Toujane pour l'Algérie. Dans un maquis des Aurès, il n'enseigne plus, il soigne et tente de comprendre ceux qui œuvrent pour la libération de leur pays.
Quelques mois après l'indépendance, Roger rentre définitivement en Bretagne après une absence de dix ans. Les paysans acceptent avec résignation leur pauvreté. L'extension d'un camp militaire sert de prétexte à Roger pour leur faire prendre conscience de leurs droits. Il est vivement critiqué. Par défi et sans souci des interdictions, il pénètre dans un terrain militaire. Une mine explose, Roger est déchiqueté. À Paris, Gwen songe à s'acheter un vison.
Synopsis du film "La Folle de Toujane" (1973) René Vautier, Nicole Le Garrec
Sorti en France en 197405:54 Publié dans 4-CREATIONS : poème, dessin ... | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook
01/02/2008
Exposition Germaine TILLION à RENNES
09:27 Publié dans X-AGENDA | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook
27/01/2008
Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (6)
Puis, un jour, quelques années après, j’ai envie de revoir le pays.
En octobre 1976, je décide de faire un voyage éclair d’une semaine. Arrivé à Dar El Beida, je prends un bus jusque Blida où je vois un copain, qui était déjà venu me rendre visite à Bruxelles, ensuite le petit train jusque El Khémis. Je loge chez un autre ami à Djendel, Rachid Benaziza. Après une courte visite chez Mr Macoin, l’ancien curé et le seul français que je connaisse encore, un ancien élève, Zémouri, m’accompagne en train jusqu’à Oran où d’autres anciens élèves poursuivent leurs études : Ouali, Maghraoui, Bel Hadj, Meghatria, Méhabi,… Tous semblent aussi heureux que moi de se retrouver. Mais comme le temps passe vite, je dois revenir à El Khémis où, je m’en souviens très bien, la famille Yamouni m’accueille comme un prince ! Partout, je suis d’ailleurs reçu avec énormément de chaleur. C’est Mahfoud Yamouni qui m’accompagnera ensuite jusqu’à l’aéroport en compagnie d’un autre ancien élève, Ben Mokadem.
Un an après, j’ai la surprise de recevoir à Bruxelles la visite de l’un deux, Youcef Maghraoui. Un de ceux avec lequel j’avais le plus d’affinités. Assis à une terrasse sur la Grand’Place, tandis qu’il regarde déambuler les gens, il me dit : « J’ai l’impression de ne pas être dans la réalité, mais d’être au cinéma et d’assister à la projection d’un film ! ». Je l’emmène aussi voir Bruges. Il repartira ensuite visiter Amsterdam et Londres.
En 1986, je reviendrai encore passer quelques jours en Algérie. Un séjour nostalgique à Tipasa. Une visite à El Khémis. L’occasion de retrouver encore avec beaucoup de plaisir certaines anciennes connaissances et d’apprendre, également avec plaisir, que nombre de mes anciens élèves a fait de solides études. Certains sont devenus ingénieur, professeur, médecin, juge, avocat,…! Lorsque j’en rencontre certains, je ressens quelque chose d’étrange. Je vois le visage inconnu d’un adulte de 25-30 ans, et en filigrane, en arrière plan, je revois le visage connu d’un gamin de 15 ans !
Une fois encore, je suis reçu comme un prince, cette fois-ci par la famille Ouali.
A Alger, je ressens comme une certaine agressivité vis-à-vis de l’étranger que je suis. Je ne m’y sens pas bien du tout.
Ensuite…, ce fut le silence…, mises à part les terribles informations et les reportages bouleversants à propos des massacres qui ont lieu dans les années 90 et que je découvre sur les télévisions belges et françaises…
Je constate aujourd’hui que je reste marqué à jamais par ce séjour. La nuit, je rêve encore régulièrement que je me trouve en Algérie ! Je me pose néanmoins une question : Au-delà de cette nostalgie de l’Algérie, n’est-ce pas également la nostalgie d’une jeunesse passée ?
De toutes façons, je les remercie tous, quels qu’ils soient, de m’avoir permis de vivre tout cela.
FIN
Michel Van Muylem (2006)
Post-Sciptum : Ce texte est dédié à la mémoire de YOUCEF MAGHRAOUI.
J’ai appris que cet ancien élève avait été tué, pendant les événements des années 1990, sur la route de Tipasa - Hammam Riga, alors qu’il franchissait un barrage….
09:35 Publié dans 2-SOUVENIRS, SOUVENIRS ... | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook