30/01/2010
UN FRAGMENT DE LA CRISE ALGERIENNE (Jean-Yves TOUSSAINT)
Nous présentons ici la recherche bibliographique réalisée à l'IPRAUS entre 1990 et 1993 dans le cadre de la thèse architecte-urbaniste en Algérie - soutenue par J.Y. Toussaint le 12 novembre 1993.
Cette thèse prend appui sur une expérience particulière d'architecte-urbaniste coopérant en Algérie dans le cadre d'un contrat de coopération entre 1980 et 1982, passé avec la CADAT (Caisse Algérienne d'Aménagement du Territoire) d'Oran, Mission Technique de Tlemcen.
L'objet de ce travail est de procéder à une déconstruction des mobiles à l'œuvre dans la production de l'espace dans le cadre du projet - ici le projet en urbanisme. Ce regard sur le projet s'intéresse au système de relations qui lie tout à la fois l'engagement personnel d'un individu, son statut professionnel et le rôle social que ce dernier lui octroie, une organisation spécifique (l'organisme employeur), ainsi qu'un complexe organisationnel (les organisations mises en rapport par le projet d'urbanisme ou d'aménagement).
Le contexte - l'Algérie - est exemplaire. La modernité y est un enjeu considérable du développement, notamment par les transformations économiques et sociales qu'elle signifie. La planification urbaine joue un rôle central, dans la mesure où elle organise l'espace et où elle se veut l'instrument de cette modernité ; Le rôle d'un architecte étranger, mis en situation de réaliser un Plan d'urbanisme peut y être primordial, et cela, d'autant plus que l'architecte issu d'un pays industrialisé se trouve, de par son origine ethnique et culturelle, dans les meilleures conditions pour dominer le procès de modernité.
Ainsi, ce travail a-t-il progressivement glissé de l'analyse du cheminement de l'acteur - l'architecte - dans une organisation - la Cadat - chargée de produire l'espace urbain, à l'analyse de la Cadat comme organisation et de l'organisation au phénomène bureaucratique dans la société algérienne.
Jean-Yves TOUSSAINT
UN FRAGMENT DE LA CRISE ALGERIENNE
Recherche bibliographique : architecte-urbaniste en Algérie
par Eliane Nicolino, Jean-Yves Toussaint
Institut Parisien de Recherche
Architecture Urbanistique Société
École d'Architecture de Paris Belleville
1994
6 €
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07/01/2010
Savoir(s) en rire (Hugues LETHIERRY)
Témoignages, humour involontaire
La guerre d'Algérie se terminait avec l’OAS et nos professeurs, d'un commun accord, refusaient qu'il en fût question, alors même que des bibliothèques flambaient en Algérie et que les attentats se multipliaient. Les événements se répètent parfois et, quoi qu'en ait dit Marx, ce n'est pas toujours sous forme de comédie (J'interprète à ma façon la célèbre phrase du 18 Brumaire). Le professeur d'histoire (dont je tairai le nom, arrivait régulièrement en retard car il enseignait également dans le privé. Comme nous avions un jour décidé de tous partir, nous eûmes droit (toute la classe!) à une exclusion temporaire et à un discours du proviseur expliquant que le lycée de Bergson et de Proust n'était pas «l'abbaye de Thélème» O tempora, o mores!
À cette époque, aucun professeur n'aurait écrit un plan air tableau noir.
En khâgne, au lycée Lakanal, professait un enseignant de philosophie, positiviste convaincu, dont personne n'écoutait les cours mais qui écrivait des ouvrages fort sérieux au demeurant sur «l'autorité du maître» (Gloire soit cependant rendue à Auguste Comte, (dont j'ai depuis visité la maison). Puis je passai en Sorbonne où je ne rencontrai malheureusement ni Piaget ni Merleau-Ponty. Je parle ailleurs de Jankélévitch et ne une répéterai donc pas ici. L'antique université ne représentait plus la même orthodoxie qu'autrefois (face à l'esprit de libre examen que défendait le collège de France) mais l'enseignement qu'on y donnait reposait sur le triptyque Platon-Descartes-Kant. (Je connus ensuite en Ecole Normale Piaget-Freud-Wallon). On avait certes droit à un détour par Plotin, à une once de moyen âge, un soupçon de Hegel... Bachelard passa un jour pour un clochard venant se chauffer au collège de France.
Je connus ensuite l'Université de Nanterre et, avec son profil aquilin, Henri Lefebvre dont la présence subjuguait étudiantes et étudiants. Dans un cours sur « l’aliénation » où il commentait un tract du Club Méditerranée. Monde de signes offerts à nos yeux étonnés! L'université passait, c'était notre illusion, du monde clos à l'univers infini... (À travers les bidonvilles de banlieue...)
Coopérant en Algérie, je remplaçai à Mascara une collègue qui avait commis le crime d'expliquer en classe, l'histoire du Petit Hans de Freud. Pauvre enfant qui ne sut jamais les victimes de son propre «cas»! Je connus pratiquement dans ce pays mes premières classes mixtes!
Avant les conseils de classe, des élèves compréhensifs nous offraient parfois, malgré nos rétractations, poulet ou bouteille de vin (du moins une fois!).
Lorsque je repris plus tard mes études à Nancy pour un DESS de Sciences de l'Education, nous provoquâmes un jour une intervention de Lapassade que l'Institution craignait à ses heures, comme le roi ses bouffons subtils. Se retrouver étudiant. provoque un renversement comique de situation. Mais l'université de Saint-Denis où je m'inscrivis pour une thèse était suffisamment différente de la Sorbonne pour que je n'aie pas l'impression de «recommencer» (comme naguère en 6ème) un cursus antérieur. D'autant que les Sciences de l'Education me faisaient découvrir les Philosophes sous un jour nouveau ; le monde n'avait pas changé de base mais mon regard sur lui! Y compris, plus irrespectueux, sur mes enseignants, mes collègues.
Puisse ce livre aider le lecteur et l'auteur à prendre conscience de leur propre clown pour ne plus l'être mais le jouer avec la «maitrise» des metteurs en scène!
Savoir(s) en rire 3
Rire à l'école ?
(Expériences tout terrain)
Pages 121-122
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30/12/2009
Lettre de Gilles C. "fils de coopérant"
Bonjour Monsieur,
Un simple bonjour d’un Français expatrié aux États-Unis, perdu vers les Rocheuses.
Je suis (enfin j’étais) français. Je vis aux Etats-Unis depuis 20 ans, où je suis maintenant traducteur. Je ne suis pas algérien, ni kabyle, ni arabe, ni musulman, ni juif, ni pied-noir, (même si je suis un peu "oriental" dans mon genre par ma grand-mère, la France étant une terre de brassage depuis longtemps) simplement quelqu’un pour qui l’Algérie est souvent dans ses pensées, et souvent avec tristesse, en constatant ce que peut faire l’histoire à un pays.
Pour la petite histoire, mon père était officier de l’armée française, et a participé à la guerre d’Algérie de 1956 à 1960. J’étais petit à l’époque et ma famille vivait à Hussein Dey. Mes frères allaient au pensionnat des Frères à El Biar. Mon père était gaulliste. Il a été muté avant la phase finale des "événements". Le gaullisme m’est passé depuis.
En 1970, mon père, à sa retraite, avait accepté un job d’encadrement aux Entreprises Maschat à Constantine. Les autorités algériennes savaient qui il était (capitaine à l’époque de la guerre) mais ce n’était pas un problème pour eux. J’avais 15 ans et passai une année au Lycée Victor Hugo de Constantine. Nous rentrâmes plus tôt que prévu pour des raisons financières. Mais bien sûr cela m’avait marqué. Par la suite, ici aux USA, j’ai écrit un pensum sur la littérature algérienne contemporaine que bien sûr quasiment personne n’a lu.
Bref, pourquoi Tamazgha est-il (est-elle ?) présente dans mes pensées ? Pour les visages, les souvenirs, la musique (Aït Menguellat, Lounès Matoub, Idir, etc), et aussi et surtout pour la tristesse de voir combien votre peuple s’en prend toujours plein la gueule, et les Français ont bien sûr participé à ce traitement inique, d’une façon qui me fait honte en rétrospective, à bien des égards.
Et puis les difficultés de l’intégration en France, avec tout cet enchaînement de politiques qui ont mené à ces situations de haine et d’incompréhensions et à toutes ces violences passées et peut-être à venir. Beaucoup de Français n’ont jamais entendu parler des héros berbères, de Kateb Yacine, d’Abane Ramdane ; ils ont oublié tous ces soldats qui ont combattu pour la France dans les guerres mondiales et que l’on jeta en prison quand ils revendiquèrent leur dignité.
Ils ne savent même pas pour la plupart sans doute que les Bugeaud et consorts ont entrepris d’arabiser les Kabyles, même par leurs noms. Et puis le rouleau compresseur arabo-islamiste s’est installé en Algérie, depuis longtemps, et tous ces gens liquidés, assassinés, parce qu’ils voulaient créer quelque chose d’autre, et remplacés par tous ces profiteurs faisant plus ou moins allégeances aux rois du pétrole qui envoient en Europe leur prêcheurs salafistes et leur pognon pour construire des mosquées tout en sirotant des scotchs aux bras de putes à Marbella.
Comme disait Lou Reed je crois, "It takes a busload of faith to get by", dans ce monde pourri.
Enfin, c’est tout. Je pourrais en écrire beaucoup encore, mais vous avez une idée. Je souhaiterais, avant la fin, visiter la Kabylie libre, autonome ou juste un peu plus « respirable », selon les possibilités, et ces villages perchés, symbole de l’empreinte millénaire d’une civilisation unique, et manger quelques olives à l’ombre avec un coup de raki ou autre chose en bavardant avec les vieux. Je souhaiterais que Français et Algériens puissent dépasser les ornières et les œillères de l’histoire, et simplement coopérer dans l’amitié. J’en souhaite beaucoup...
Bonne chance dans toutes vos entreprises.
Gilles C.* le 1er décembre 2009
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24/10/2009
LETTRE OUVERTE de Gilbert ARGELES
À Abdelkader DJEGHLOUL, animateur du groupe des « intellectuels algériens nationaux »
Suite à un échange téléphonique du 30/06 /2001
… Je pense que la situation algérienne, dans sa complexité, appelle des intellectuels algériens d'autres analyses et engagements que le seul soutien au pouvoir algérien et à ses appareils d'Etat. Je pense, dans le même temps, que les médias français jettent de l'huile sur le feu de façon irresponsable, en attisant les divisions au sein de ton pays, sur la base d'informations fausses ou biaisées, et qui ne sont pas dues à leur naïveté. Et je pense profondément que personne, de l'étranger, n'a le droit de s'immiscer dans vos affaires : c'est pourquoi mon aide se voulait sans arrière pensée et simplement amicale, ce qui ne m'empêchait pas d'exprimer, en homme libre, mes propres points de vue.
Je te rappelle enfin, que j'ai été, dès l'âge de 22 ans, un farouche opposant à la guerre d'Algérie, et que j'en ai payé le prix dans ma carrière professionnelle, que j'ai été sanctionné, puis emprisonné et « malmené » par le D.O.P. durant mon service militaire. Et que, depuis, j'ai profité de toutes les occasions pour témoigner contre les tortures durant la guerre, dans la presse, dans le film de Bertrand Tavernier, dans le livre de P. Rotman, de même que je viens de le faire sur la chaîne Odyssée (chaîne uniquement câblée hélas)
Je te rappelle que j'ai été, durant les deux ans sous l'uniforme en Kabylie, victime de vexations, de menaces et d'atteintes volontaires à ma santé, et que j'en subis encore aujourd'hui les conséquences.
Certes, le passé n'est jamais le garant du présent. Mais ce passé, qui m'a meurtri, je pensais le surmonter en m'étant porté volontaire pour travailler comme coopérant psychologue à Oran, durant les années 1970-74, période durant laquelle j'ai essayé de donner le meilleur de mes compétences au service des enfants inadaptés et dans la formation des personnels algériens les ayant en charge. J'avais fait le choix de m'immerger dans la société algérienne, et non pas dans les cercles de coopérants que je trouvais trop souvent insipides ou porteurs de thèses néo-colonialistes. Et que ce choix m'a valu d'être isolé, déjà critiqué de part et d'autre, et finalement incité à mettre fin à mon travail…
Je considère donc que tes propos sur de soi-disant « attaches » aux « services secrets » sont une insulte gratuite, sans fondement évidemment, qui portent atteinte définitivement à notre ancienne et longue amitié, mais sans que cela n'influe sur mon respect du peuple algérien ou mon admiration pour son courage.
Et que ces propos, de mon point de vue, jettent un doute évident sur la qualité de tes engagements actuels et de ton expression publique. Cela m'est dur de te le dire : j'ai toujours eu une autre conception de l'amitié et de la confiance réciproque entre deux êtres qui avaient eu le sentiment, jadis, d'être sur « la même longueur d'onde ».
Ressaisis-toi, Kader ! Tu as certainement en toi les compétences et les ressources pour sortir de ton schéma unique de pensée, pour mieux entendre les appels de nombre de tes concitoyens, pour mieux introduire ton pays à sa place réelle dans le « concert » des nations, tout en y faisant respecter son identité.
Pourra-t-on redevenir amis un jour prochain ?
Gilbert ARGELES
07:47 Publié dans 6-CONFRONTATION d'idées | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook
28/09/2009
Témoignage de Jean-Pierre JOURDAIN
J'ignorais la disparition de M. Paillard dont je garde un excellent souvenir. Ayant perdu le contact avec l'IHPOM (j'avais déposé un sujet de thèse sur Léon Cayla à Madagascar en 1988, mais je n'ai pu mener à bien ce projet), c'est donc par vous que j'apprends son décès.
J'étais coopérant en Algérie quand je rencontrai le fils de Léon Cayla qui y travaillait. Il me parla de son père et me proposa de consulter ses archives à son domicile à Saint-Germain-en-Laye. Je fis part à M. Paillard de cette découverte, et il me conseilla vivement d'en tirer parti. J'avais soutenu une maîtrise avec Jacques Valette sur l'Algérie en 1983 à Poitiers, mais M. Valette n'était pas intéressé par Léon Cayla.
Il m'accueillit à Aix avec la plus grande cordialité, et me donna tous les conseils nécessaires pour ce travail. Les archives étaient très importantes, je mis du temps à les dépouiller. Il y avait un très grand nombre de photos notamment, la correspondance avec Lyautey, dont Cayla était le disciple et l'ami, etc.
Je rencontrai M. Paillard à plusieurs reprises avant la soutenance du DEA, notamment au cours d'un colloque à Aix en 1988 à l'IHPOM dirigé par Jean-Louis Miège, et il fit preuve à chaque fois de la même gentillesse, et j'avais besoin d'être rassuré car M. Miège était impressionnant...
Après la soutenance (le jury était composé de Miège et lui-même), il m'encouragea à poursuivre mon travail et me parla de Madagascar où il avait enseigné, et dont il gardait un souvenir enthousiaste.
Jean-Pierre Jourdain
(Montgeron, Essonne)
Site Etudes coloniales
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