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13/07/2009

Jo Briant De retour de Kabylie et d’Algérie (1)

 

Jo Briant président du CIIP Grenoble demande des actions de solidarité et de lobbying

Ex-militant engagé dans les années 58-62 contre la sale guerre coloniale en Algérie, ex-coopérant dans ce pays nouvellement indépendant, en 1962, je suis retourné récemment - après 25 années d’absence !- pour voir sur place où en est ce peuple algérien qui sort à peine de cette sinistre " décennie noire " au cours de laquelle au moins cent mille personnes ont été tuées ou ont " disparu ". Quinze années, déjà, depuis les fameux événements d’octobre 1988. Que sont devenus les rêves et les espoirs d’une vie meilleure qui poussèrent la jeunesse algérienne à s’exprimer dans le rue en octobre 1988 ? Une alternative au " système " clanique, dirigé en sous-main par les militaires, est -elle perceptible ? Et qu’en est-il du mouvement citoyen berbère, que j’ai rencontré à Tizi-Ouzou, au cœur de la Kabylie, deux ans après les massacres où sont tombés 130 jeunes ? Et tant d’autres questions que je me posais avant de partir, alors même que tant de malheurs multiples ont submergé ce pays depuis une quinzaine d’années...

 

Place au récit de voyage en Algérie en octobre 2003 de Jo Briant, président du Centre d’Information Inter Peuples (CIIP) de Grenoble.

 

Un terrible isolement...

L’hospitalité algérienne n’est pas un mythe. J’ai été chaleureusement accueilli partout où je me suis rendu, à Tizi-Ouzou, à Bordj-Ménaïel (Kabylie), à Constantine, à Alger. Une soif de contact, d’autant plus grande que l’Algérie a été littéralement isolée du monde depuis les " événements " de 1991-92. Un cycle de violences et de massacres qui a généré automatiquement un véritable " cordon sanitaire et sécuritaire " autour de l’Algérie. Un cordon toujours très étanche, même si quelques hommes d’affaires et autres touristes osent maintenant s’aventurer. Mais j’en ai entrevu si peu... Des groupes (de jeunes, d’élus...) commencent à venir. Par exemple, une délégation de la Ville de Grenoble m’a précédé à Constantine, ville jumelée avec la capitale des Alpes. Mais ces groupes sont étroitement encadrés et s’aventurent bien peu en dehors des sentiers balisés et sécurisés... Le tourisme est quasiment inexistant, même si les hôtels commencent à fleurir, notamment à Alger. Un signe positif cependant : le retour progressif des compagnies aériennes internationales qui desservent ou sont sur le point de desservir de nouveau Alger, comme Alitalia, Air France ou British Airways

 

Un pays riche, un peuple pauvre... l’opulence insultante d’une minorité

Une image parmi tant d’autres : sous les arcades de l’avenue Che Guevara, tout près du port, à Alger, j’aperçois soudain une femme qui s’installe pour la nuit avec ses deux enfants, emmitouflés dans une couverture... La même scène cent mètres plus loin. L’ami algérien qui m’accompagne me glisse : " une telle situation était impensable il y a quelques années , surtout en période de Ramadan ". Un signe parmi tant d’autres d’une misère qui croît chaque jour. Le taux de chômage dépasserait les 30%, et de larges pans de la population ne survivent que grâce à la vitalité du secteur informel (de 22 à 27% du PIB), tandis que certains s’enrichissent sans limite en échappant au fisc et à la réglementation , libéralisation et privatisation obligent ! Ce désordre néo-libéral favorise la précarité et les écarts de revenu (un quart de la population vit dans la pauvreté et 5,7% dans la misère, avec moins de 50 dinars par personne et par jour, c’est à dire 50 centimes d’euro...). Une situation d’autant plus choquante que le pouvoir algérien a accumulé 30 milliards de dollars de réserves de change, grâce principalement à ses recettes pétrolières. Manne qui profite surtout à une minorité dont l’opulence est ressentie comme intolérable et insultante...A la faveur de pratiques peu licites et d’une libéralisation sauvage, une faune d’opportunistes sans scrupules - comment ne pas penser à Khalifa - s’est considérablement enrichie et constitue actuellement une classe arriviste qui choque et frustre un petit peuple de plus en plus pauvre dont le nombre ne cesse de croître...Les couches moyennes disparaissent peu à peu car leur pouvoir d’achat s’érode quotidiennement. Un exemple parmi d’autres : un professeur de lycée débute avec un salaire de 13 à 15 000 dinars (environ 125 euros...). Ce qui peut explique la grève générale, largement suivie, dans l’enseignement secondaire, depuis la rentrée... Même si bien d’autres causes expliquent cette grève dans ce secteur littéralement sinistré. Quant au salaire minimum, il s’élève à 10 000 dinars (100 euros), somme que ne touchent pas tous les travailleurs, loin de là.. Quand on sait que le montant moyen du loyer d’un F3, dans une ville comme Tizi-Ouzou, varie de 10 000 à 20 000 dinars (c’est beaucoup plus cher à Alger), on mesure l’extrême précarité à laquelle doit faire face la majorité de la population. En période de Ramadan, le prix du kilo de viande s’élevait à 500 dinars...

 

Pénurie d’eau, décharges sauvages, privatisation du système de santé : une régression inquiétante...

Partout où je me suis rendu, j’ai pu constater les obsédantes coupures d’eau à laquelle sont confrontés quasiment tous les Algériens. Coupure quotidienne allant de 10 à 15 heures...Les causes : la sécheresse qui affecte l’Algérie depuis plusieurs années. Mais aussi la grave imprévoyance du pouvoir algérien qui a construit trop peu de barrages et de retenues. A quoi il faut ajouter la conception et la pose gravement déficientes des conduites d’eau : on estime que sur dix litres coulant dans les conduites, à peine la moitié parvient aux usagers. Les fuites sont innombrables, inondant chaussées et caves... Un environnement profondément dégradé par les décharges sauvages. Déchets et ordures sont jetés et éparpillés partout, défigurant et salissant les centres urbains où prolifère une noria d’insectes, de moustiques et autres rongeurs...Une collecte des ordures très insuffisante, un cahier des charges bien peu contraignant pour les sociétés, publiques ou privées, de construction, une culture " écologique " encore naissante...Une situation déplorable qui explique une régression inquiétante de l’hygiène et la réapparition de maladies ou d’épidémies qui avaient largement disparu : typhoïde, diphtérie, méningite, gale, et tout dernièrement la peste dans la périphérie d’Oran. Cette régression est aussi le résultat de la libéralisation du système de santé. Il reste certes des hôpitaux publics, mais ils sont trop souvent démunis de matériel médical ou para-médical. Il n’est pas rare que les malades doivent apporter avec eux couvertures et draps, voire leurs propres médicaments. Quant au personnel, il est de plus en plus contractuel, sans garantie d’emploi durable. Résultat : de nombreux médecins, notamment les spécialistes, quittent l’Algérie et vont se " vendre " en France ou aux Etats-Unis... Quant aux cliniques privées, elles sont certes très bien équipées, mais réservées à une classe privilégiée.

 

 

Jo BRIANT (octobre 2003)

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05/07/2009

Le communiqué de Georges BERTIN

  

 

″Chers collègues et amis,

 

Pour poursuivre l'entreprise d'échanges internationaux sur les sciences sociales et l'intervention sociale entreprise depuis 6 ans par une équipe bénévole enthousiaste, laquelle a abouti à faire de la revue Esprit Critique la première revue gratuite en ligne de ce type, j'ai accepté d'en prendre la direction à la suite de notre fondateur Jean François Marcotte, lequel demeure dans l'équipe.

 

Vincent Baholet, directeur régional du CNAM des Pays de la Loire, a bien voulu nous apporter le concours technique et administratif  du CNAM, ce qui permettra également de créer des synergies avec les réseaux du Conservatoire. Ceci correspond d'ailleurs à l'une des missions du CNAM : la diffusion de la Culture Scientifique et Technique.

 

En parcourant le site de la revue:

http://www.espritcritique.org

vous pourrez juger du sérieux avec lequel nous avons conduit nos travaux: en témoignent 250 articles disponibles en ligne.

 

Aussi, pour poursuivre l'œuvre entreprise, si vous souhaitez rejoindre cette belle aventure humaine et scientifique, soit pour participer à la rédaction de la   revue, soit pour proposer un article ou un numéro thématique, soit pour nous apporter vos compétences techniques et littéraires, ou encore participer à la diffusion d'Esprit Critique et assurer son rayonnement, n'hésitez pas à nous contacter, nous reprendrons très vite langue avec vous.

 

Si la mission de la revue vous interpelle et que vous avez quelques heures à investir, nous avons toujours besoin d'aide pour assurer le développement de la revue: mise en page, révision linguistique, rédaction, promotion, etc. Parlez en aussi autour de vous. Vous trouverez en pièce jointe un descriptif de la revue, n'hésitez pas à nous contacter.

 

Bien cordialement.″

 

 

Biographie de Georges BERTIN (par les éditions Trédaniel)

 

Georges Bertin est, au Conservatoire National des Arts et Métiers, à Angers, directeur général de l'Institut de Formation et de Recherches en Intervention Sociale (IfoRIS).

 

Il est docteur en Sciences de l'Education et Habilité à diriger les recherches universitaires en sciences sociales, chevalier dans l'Ordre National du Mérite et dans l’Ordre des Palmes Académiques. Ancien professeur d'enseignement général puis animateur, il a dirigé, 15 ans, l'Office départemental de la Culture de l'Orne et son Université Rurale.

 

Maître de conférences en sociologie de l'UCO, il a enseigné aux Université de Paris 8, Caen, Angers, le Mans, Pau, a été directeur de l'Institut de Psychologie et Sociologie Appliquées à l’Université Catholique de l’Ouest d'Angers et Vice-Recteur de cette université.

 

Il est membre du GRECO CRI (groupement européen de recherches coordonnées des centres de recherches sur l'imaginaire fondé par le professeur Gilbert Durand), directeur exécutif de la revue /Esprit Critique, et /de la revue /Herméneutiques sociales/, directeur de recherches associé au laboratoire /Processus, accompagnement, formation /de l'Université de Pau.

 

Il est aussi membre du bureau international de l'association francophone internationale de recherches scientifiques en Education (AFIRSE), membre de la Société Internationale arthurienne et de la Société de Mythologie Française. Ancien Conseiller économique et social de Basse Normandie, il est chevalier dans l'Ordre National du Mérite et dans l'Ordre National des Palmes Académiques.

 

 

 

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30/05/2009

Longtemps, j’ai voulu écrire... (Anna ALTER)



J’ai commencé à écrire quand je suis devenue journaliste. J’en avais envie, je voulais le faire depuis bien plus longtemps mais je ne pouvais pas : c’était le domaine réservé de mon frère Christophe. Il était très doué, il avait un style classique, très travaillé. Enfant, j’étais très admirative, il savait faire des phrases avec des mots compliqués, montrer qu’il était fort en écriture. D’ailleurs, il avait toujours le premier prix de français.

J’en ai eu un moi aussi, en première, et j’ai dédicacé mon livre à ma professeure de l’époque. L’année suivante, en terminale, j’étais dernière… L’expérience a été si traumatisante que, depuis, je doute et me pose régulièrement la question : suis-je dans une phase « première » ? Ou « terminale » ? C’est pourquoi j’ai toujours besoin d’être entourée par des gens en qui j’ai confiance et qui me rassurent lorsque je leur donne à lire mon travail. Je suis très désarçonnée lorsqu’on me dit que c’est mauvais et je choisi mes lecteurs avec soin, de préférence parmi les bonnes copines qui savent prendre des gants.

J’ai donc laissé l’écriture à mon frère pour investir un autre territoire, celui des sciences. Je m’y sentais bien, il était à moi, rien qu’à moi et même si je ne pense pas avoir eu un don particulier pour les sciences, pas plus que pour l’écriture, mes efforts dans ce domaine donnaient rapidement de bons résultats. Je prenais plaisir aux sciences, un plaisir sensuel, et je suis devenue "doktorr astrophysik". Puis je suis partie en coopération en Algérie et, à mon retour, j’ai rompu avec elles. Je suis devenue journaliste. Avec, toujours, quelque part en moi, cette idée qu’un jour j’écrirais pour de vrai. Le journalisme aussi me demandait beaucoup d’efforts mais ce n’était pas un aboutissement, pas une vocation. J’ai fait des livres de journaliste par la suite, que je considère comme des gammes avant le « vrai » livre. Christophe me gênait et je n’ai pu écrire autre chose, ce dont j’avais envie, qu’après sa mort. J’ai pu alors braver l’interdit

Le roman, une réinvention du monde.

Je n’ai jamais eu envie d’inventer un personnage, parce que cela n’a aucune importance pour moi. Qu’il soit fictif ou réel, un personnage ne devient un personnage que par la manière dont il est raconté, grâce au relief que lui donne l’écriture. Ecrire est une interprétation de la réalité, et le roman commence dès qu’on a un regard sur les choses. Un grand romancier n’est pas nécessairement celui qui bâtit des intrigues, mais celui qui pose sur le monde, sur son monde, sur ces contemporains, sur lui-même, un regard particulier. Cela n’a rien à voir avec l’auto-fiction, le « moi-je », bien au contraire ; c’est un regard distancié.
Je vis ma vie à plat, et je lui donne du relief par l’écriture. Un relief biaisé, parce que je la vois à travers d’autres yeux que les miens : ceux d’une petite fille dans mon premier roman, d’une adolescente dans le second et d’une adulte dans le troisième, pas forcément celle que je suis maintenant. C’est de la réinvention plutôt que de l’invention. J’aime regarder les choses à distance, de très loin, puis relier entre eux des évènements qui n’ont peut-être aucun lien dans la réalité. Le monde est une voûte céleste piquetée d’étoiles que j’assemble les unes aux autres par la pensée pour former des constellations qui n’existent que pour moi. C’est cela, avoir un regard. Les données de la vie sont exceptionnelles, je n’ai pas besoin d’en rajouter de nouvelles avec mon pauvre cerveau. A moi de savoir faire partager.


Je ne regrette pas de l’avoir fait, même si c’est beaucoup d’énergie dépensée pour un résultat, en termes de ventes, assez médiocre. Mon livre n’est pas encore mort, il court toujours, deux ans après. Mais a-t-on vraiment envie de se vendre ? Pour moi, le plus important a été de pouvoir rencontrer des gens qui l’ont lu, l’ont aimé, sont en osmose avec lui. Puis il y a toujours l’espoir que le temps décante, que mon livre soit considéré comme « quelque chose » par rapport aux « riens » vendus à 300 000 exemplaires. Il est aujourd’hui plus facile de vendre du vent, mais ce n’est pas une raison pour faire du vent.

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16/05/2009

Torture : Le péché originel (Georges APAP)


Ancien magistrat, Georges Apap est l’un des témoins de la thèse de Sylvie Thenot, " L’armée et la torture dans la guerre d’Algérie ". Né en 1926, licencié en droit de la faculté d’Alger, il est, en 1951, avocat à Philippeville. En pleine guerre, il se retrouve en 1957 juge d’instance à Ain Beïda, où il occupe de fait les fonctions de juge d’instruction et de procureur de la République. Après 1962, il retourne en Algérie comme coopérant au titre de l’aide technique.
C’est une opinion, fruit de toute cette expérience, qu’il livre ici.

" Philippeville porte aujourd’hui le beau nom de Skikda, héritage de la " Rusicada " romaine. Posé sur la mer au nord de Constantine, il rayonne sur une plaine fertile bordée à l’ouest par la petite Kabylie et ses chênes-lièges. Beaucoup de Français d’Algérie, dont je suis, considèrent, sans vouloir jouer les historiens, que la guerre d’Algérie a véritablement commencé dans ce cadre, le 20 août 1955. Confusément, intuitivement, ils ont senti que tout basculait vers quelque chose d’irrémédiable ce funeste samedi et les jours qui suivirent. À midi précis, éclatèrent de façon programmée et simultanée des émeutes sanglantes qui virent le massacre de nombreux Français, notamment à la mine d’El Halia où vivaient quelques familles isolées qui furent exterminées dans des conditions effroyables. Ces exactions entraînèrent dès le lendemain une répression aveugle, qui s’exerça contre certaines populations musulmanes, faisant des victimes dont on peut penser que la plupart, et peut-être aucune, n’étaient pour rien dans les émeutes de la veille.

Cela n’est qu’un constat, qui résume des faits vérifiables, et qui ne veut juger personne, mais surtout à travers lequel on ne veut pas prétendre que les exactions justifiaient les abus de la répression. Ils étaient injustifiables. Simplement, il eût fallu brider l’émotion et l’exaspération des militaires et les contraindre, au prix même de certaines impunités, à demeurer dans l’État de droit. Cela n’a pas été fait. Plus nombreux qu’on ne pense furent les Français d’Algérie à le déplorer, car ils savaient bien que les exécutions sommaires, collectives et arbitraires, contribuaient à distendre les liens qui s’étaient noués entre les deux communautés et ruinaient les chances qu’ils avaient de demeurer dans leur pays. Cette clairvoyance n’a pas été partagée par ceux qui avaient en charge le " maintien de l’ordre ", terminologie de l’époque pour une guerre qui n’osait pas dire son nom, terminologie qui, prise dans son sens intégral et précis, aurait dû justement inspirer le respect de la légalité.

Peu après ces faits, j’ai quitté Philippeville pour exercer les fonctions de juge dans une petite ville entre les Aurès et la frontière tunisienne. J’ai vu, là, d’autres horreurs perpétrées par les uns et les autres avec une brutalité comparable, et j’ai dans mes souvenirs la trace profonde de barbaries dont le récit pourrait meubler bien des pages. Mais il vient un moment où, sans perdre de vue leur dimension tragique, il faut considérer ces choses en prenant de la hauteur. Le débat d’aujourd’hui a pris naissance avec la dénonciation de la torture par douze personnes de haute stature morale. J’ai pour ces personnes le plus grand respect, et je voue à Germaine Tillion depuis toujours une profonde admiration. Je salue leur démarche. Mais je ne m’y associe pas, car je crains en effet qu’à stigmatiser la torture, on laisse entendre que, sans elle, la guerre eût été acceptable. Or la guerre, c’est le mal absolu, avec sa vigilante escorte de crimes. Il suffit, encore aujourd’hui, de regarder autour de soi.

Pourtant, dans l’état des choses de l’époque, la guerre était devenue inévitable, et il est vain de rechercher les responsabilités immédiates des uns ou des autres : à l’échelle de l’histoire, elles sont microscopiques. Car il y avait, en Algérie, deux légitimités qui s’affrontaient, irréductibles. Celle, d’abord, d’un peuple colonisé qui revendiquait le droit indiscutable de retrouver sa dignité dans l’indépendance. Celle, d’autre part, de Français issus d’une immigration européenne remontant à plusieurs générations et qui exigeaient avec un droit également incontestable de demeurer sur la terre où ils étaient nés et dans laquelle reposaient leurs ancêtres. Entre ces deux légitimités, il appartenait à l’autorité supérieure de l’État de trancher. L’une des deux devrait être sacrifiée à la paix. Ce fut la nôtre. Il m’a fallu longtemps pour comprendre que ce choix était le bon. En disant cela, je ne prétends pas m’exprimer au nom de tous les Français d’Algérie. Je sais que beaucoup partagent mon sentiment. Je sais aussi que d’autres ne se résigneront jamais. Je serai le dernier à leur jeter la pierre.

Pourtant, tout cela n’est pas arrivé par hasard. L’enchaînement des effets et des causes conduit à remonter dans le temps jusqu’à l’erreur initiale qui a pour moi la portée dramatique d’une sorte de péché originel : le débarquement des soldats français sur la plage de Sidi-Ferruch le 14 juin 1830. Reçu en son temps comme un titre de gloire, cet acte souffre d’un autre regard à la fin de ce siècle. Mais qui devrait être recherché comme coupable aujourd’hui ? Voilà pourquoi M. Jospin a bien raison de dire que ces événements relèvent désormais du domaine de l’histoire. Après plus de quarante ans, chacun, dans cette affaire, est porteur de sa propre vérité - le fellagha révolté, le politicien dépassé, le Français chassé de son pays, le harki maltraité d’un côté et injustement oublié de l’autre, le militaire répressif, et même aussi ce général qui revendique avec courage des actes d’une autre époque et d’un autre contexte.

Personne n’a le droit de juger personne. Quant à nous, prétendument rapatriés, la souffrance, comme une expiation, nous accompagnera jusqu’au bout, encore avivée par les nouvelles qui nous arrivent de notre malheureux pays. Mes enfants, heureusement, ne la connaîtront pas. Mes petits-enfants n’en entendront même pas parler. D’ailleurs, ils ont l’accent de Béziers, comme pour remercier ce pays de nous avoir accueillis. "

Georges APAP
Journal l'Humanité
Rubrique International
Édition du 5 janvier 2001

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Louis TARDI un des rares enfants rescapés d'El-Halia


30/04/2009

Hervé SARD, auteur de Polars


"Quarante-quatre ans, marié et père de trois enfants. Ingénieur de formation, j'ai débuté par deux ans de coopération en Algérie. Beaux souvenirs !
Retour en France, orientation vers l'informatique puis à nouveau l'expatriation, cette fois-ci direction la Hongrie. Merveilleux pays.
Je vis maintenant en région parisienne et travaille dans une banque, domaine sécurité. Vaste sujet. Mais l'été : cap sur la montagne ! Les Alpes, les Pyrénées. J'aime la randonnée, le calme et les grands espaces.
Premier essai d'écriture en 2001 : un pavé qui n'a pas trouvé preneur. Je navigue depuis entre polar, SF et une série à mi-chemin qui se veut rigolote. Et tout plein de projets."


Commentaire par Patrick Galmel le 31 octobre 2005
Beaucoup de sensibilité et beaucoup d'interrogations dans cet auteur. Hervé Sard ne se contente pas de traverser l'époque et ceux qui la composent ; il aimerait bien aussi la comprendre, les comprendre...
Il est des écrivains qui vous sautent à la gorge, celui-ci pratiquerait plutôt une écriture pleine de finesse et de distance, mais qui n'en oublie pas pour autant d'atteindre sa cible.

 

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Commentaire par Le Cafuron, le 7 Février 2007
Les morts s'accumulent dans deux bourgs ardéchois. Des crises cardiaques, ce sont des choses qui arrivent. Mais là, il commence à y en avoir beaucoup de ces morts "naturelles". Le livre d'Hervé Sard nous narre l'enquête menée par une ex-star de la crim' aidée d'un adjoint finaud mais rustique, l'un des régionaux de l'étape. Le moins que l'on puisse dire est qu'on ne s'ennuie pas ! On passe même un très bon moment tant les talents de conteur de l'auteur sont une fois de plus mis en valeur. L'humour, à coup de pointes jamais grossières et un rythme trépident vous conduiront sans encombre du début à la fin. Le seul petit regret réside, pour moi, dans le traitement même de l'intrigue. On était presque dans un univers chabrolien, et le dénouement, traité peut-être un peu trop rapidement, enlève une touche de noirceur à l'ensemble.

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