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04/05/2012

Louis-Pierre LE MAÎTRE, historien de CONCARNEAU

 

Nécrologie : 6 février 2009

L'historien Louis-Pierre LE MAÎTRE s'est éteint mercredi soir, à l'âge de 59 ans. Ancien professeur à Saint-Joseph, il a écrit plusieurs ouvrages de référence sur l'histoire de Concarneau, sa ville natale, et de sa région.

Il est l'un de ceux qui a le mieux raconté le Concarneau d'autrefois, avec un mélange inimitable de passion et de rigueur: Louis-Pierre Le Maître est décédé mercredi soir, à son domicile du Passage. Il aurait eu soixante ans le 18 de ce mois-ci. Né en Ville close, il aimait à rappeler, comme pour expliquer son goût pour l'Histoire, que ses grands-parents, habitant la maison du gouverneur, étaient gardiens des remparts. Il est devenu l'un des plus grands spécialistes du passé de Concarneau et de sa région, avec un intérêt particulier pour le patrimoine religieux, artistique et les aspects maritimes.

 

«D'une fiabilité totale»

Il y consacra de nombreuses études, publiées notamment dans les colonnes du Progrès de Cornouaille, dont il fut le correspondant durant une vingtaine d'années, ainsi que du Télégramme. Louis-Pierre Le Maître est aussi l'auteur de nombreux ouvrages, le premier étant, en 1975, «Les Sillons de Beuzec». Certains de ses livres sont devenus des références. C'est notamment le cas de «Matelots de Concarneau», paru en 1978 et première collaboration avec un autre historien concarnois, Michel Guéguen. Aujourd'hui introuvables, ces «Matelots» sont cités comme ouvrage de référence pour les agrégations d'histoire-géographie. Les deux hommes publièrent ensuite «Le Cercle de Mer», en 1981, avant de se lancer dans une grande trilogie sur le Concarneau des années 1939-45: «L'Aigle sur la mer», paru entre1985 et1988.

 

«D'un naturel discret, Louis-Pierre possédait énormément de connaissances, on pouvait toujours compter sur lui et ses écrits: il était d'une fiabilité totale», confie Michel Guéguen. Membre de la société d'archéologie du Finistère et un temps correspondant à Concarneau des Monuments Historiques, Louis-Pierre Le Maître a également sorti trois beaux livres aux éditions Palantines. Le premier, «Concarneau, histoire d'une ville», qui date de 2003, est aux dires de beaucoup l'ouvrage qui manquait sur la ville bleue.

 

Louis-Pierre Le Maître_ph-Ouest-France-2005.jpg

Photo Ouest-France 2005

 

«Les Concarnois perdent quelqu'un d'important»

Suivirent «Les Glénan, histoire d'un archipel» en 2005, puis son ultime livre, «Locronan au pays du Porzay», en 2007. «Ce qui ressortait chez lui, c'est son amour profond pour son pays, se souvient Henri Belbéoc'h, directeur des éditions Palantines. Ajoutez à cela la qualité de son travail d'historien, vous avez là un homme de base: les Concarnois perdent quelqu'un d'important.» Le métier de base de Louis-Pierre Le Maître était l'enseignement. Après un début de carrière dans le Nord-Finistère, en 1970, puis deux ans de coopération en Algérie (1971-1973), il sera professeur, d'histoire durant seize ans au collège Saint-Gabriel de Pont-l'Abbé. C'est en 1989 qu'il rejoint le collège Saint-Joseph. Il y restera jusqu'en juin 2007, où des ennuis de santé l'empêcheront de poursuivre. Son départ à la retraite sera effectif l'année suivante. Outre ses qualités d'enseignant, le lycée se souvient de lui pour son gros travail dans la mise en place d'échanges scolaires.

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Source Le Télégramme

20/12/2009

Le Père François Dornier à Bordj-Mira

 

Le Père François Dornier va poursuivre son activité ailleurs (qu’au domaine agricole de Thibaren Tunisie). Il est nommé à la communauté de Bordj-Mira, en Algérie, dans les gorges de Kherrata, non loin de Sétif, en Petite Kabylie. C’est encore le lieu d’une exploitation agricole, mais de bien moindre importance. En fait, le P. Louis Juguet, son prédécesseur, y avait installé et lancé un centre de formation professionnelle agricole pour les jeunes adultes de la région. Avec le même allant et le même enthousiasme, mais surtout avec sa compétence confirmée, François Dornier retrouve une responsabilité de formation professionnelle au bénéfice de jeunes futurs techniciens agricoles de l’Est algérien. Durant 9 années, aidé en particulier par le Frère Gérard, et avec la collaboration de jeunes français de la D.C.C (Direction catholique de la coopération), il y coule des jours heureux. Il aime en particulier assurer aux jeunes les cours de formation humaine. Il noue de nombreux contacts avec la population environnante et les responsables des services agricoles. Seule, vint assombrir cette période, la noyade accidentelle de son confrère le P. Maurice Cuchet en 1972, lors d’une sortie sur la côte, avec le groupe des stagiaires.

En 1976, l’Algérie nationalise tous les établissements privés, les écoles, les centres de formation professionnelle ou d’action sociale. La maison va fermer. La communauté se disperse en diverses directions.

François Dornier retourne alors dans sa Tunisie et rejoint la communauté de La Marsa, tout heureuse de le retrouver. Il aura œuvré 30 années pour le développement rural.

 

Bordj-Mira vu d'Ait Idriss.jpg
Bordj-Mira vu de Aït-Idriss

06/12/2009

SE PLAINDRE, ALGÉRIE (André CORTEN) extrait 5

Un jour, face à ce mal-être, la guerre a éclaté. Des massacres ténébreux ont aspiré la population dans une spirale démentielle, sur fond de manipulation de services secrets et de retour d'Afghanistan. Au moins toute la décennie 1990. En 1975, ce mal-être était déjà là, mais il ne portait pas encore de nom. Objet de plaintes et de lamentations, il avait cependant un débouché. La société était corps caporalisé ; chacun de ses membres avait droit à une demande. L'ancien combattant (le moud­jahid) pouvait se plaindre et demander ; le travailleur rural, certes déraciné mais attaché à la ferme « autogérée », avait en principe voix au chapitre ; l'étudiant avait son déversoir d'idéal dans l'encadrement de la révolution agraire ; le travailleur d'usine revendiquait à travers son syndicat. Jusqu'aux femmes, à qui était donné un espace de parole pourvu qu'elles s'expriment comme mémoire de la terre et du sang. Le manque du citadin comme le dénuement du travailleur rural, le suprême horloger les assemblait dans un rouage du parti, de la wilaya*, de l'État, de la charte**, de la Constitution***, des syndicats, des organisations de masse. Avant même que ce mal-être ne soit identifié, il était formulé par un responsable du parti ou de l'État. Les Algériens n'avaient pas eu le temps de donner à ce manque un nom. Un nouvel État s'était constitué, il distribuait de l'emploi sous-payé et souvent peu productif, mais il en distribuait beaucoup, il mettait dans la bouche de chacun une demande toute faite. Pas plus qu'au père nourricier on ne reconnaît à l'État nourricier l'autorité de la loi. On s'attend néanmoins qu'il vous entretienne.

 

À l'époque, l'enseignant étranger se voyait refuser le droit de faire une quelconque recherche de terrain, il ne pouvait pas non plus consulter des statistiques de première main. Il assistait aux réunions de département, mais sans prendre part aux décisions. Il n'était pas rare qu'un agent de la sécurité militaire assiste à ses cours. Légère paranoïa. À vivre jour après jour, saison après saison — humidité des logements en novembre, neige mythique sur la montagne escarpée de l'Aïdour, matins de ramadan aux haleines rêches, aridité estivale et poussière de terre rouge —, on restait l'étranger. Chez l'autre, on ne sentait pas non plus d'apaisement poindre. Au contraire, montait lentement, mais avec âpreté, le mouvement islamiste. Celui-ci aura finalement raison de l'enseignement des sciences sociales en français (et des enseignants francophones, qui partiront) après la mort de Boumediene en 1978. Ainsi l'observation participante se fait, mais elle se fait dans une constante étrangeté. À la réflexion, celle-ci traduit ce rapport d'exil chez soi qu'on remarque auprès des étudiants, auprès des collègues algériens, auprès des commerçants qu'on côtoie... Et de quelques connaissances faites au hasard, malgré la ségrégation imposée. À force de vivre avec eux. Cinq années.

 

 

*. Division administrative de l'Algérie (NdE).

 

**. Le président Houari Boumediene et le Front de libération nationale (FLN, parti unique) suscitent, dans les organes officiels, un grand débat autour d'une charte nationale, adoptée finalement par référendum le 27 juin 1976.

***. La deuxième Constitution de l'Algérie est adoptée par référendum le 10 décembre 1976.

 

 

Planète Misère (André CORTEN)

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L'Aïdour vu du large

01/12/2009

SE PLAINDRE, ALGÉRIE (André CORTEN) extrait 4

 

Oran l'hiver : pluie, grisaille, suintement. Mais dès février, la lumière prend l'éclat de promesses sans fin. Couleurs surexposées. Clarté plus crue qu'à Tipaza. À Arzew, odeur tenace d'hydrocarbures. Le ciel est d'une blancheur opaque. À Oran, des tas d'ordures brûlent. Depuis longtemps, la saleté urbaine n'est plus mélangée à la senteur de l'anisette. Les façades ne laissent même pas filtrer le vin qu'on boit en cachette et les bars clandestins ne se laissent pas facilement débusquer, même à Oran, ville pourtant réputée moins sévère. La rudesse est là, qui tranche avec le charme ondoyant du Maroc voisin. Rudesse qui trouve un équivalent dans la crudité de la lumière. Équivalent dénaturé. Les genêts fleurissent sur écran d'azur, mais s'y accrochent des papiers, des déchets qui virevoltent dans l'air sec. Les noces entre le soleil et la mer célébrées jadis ressemblent désormais à une carte postale salie par les intempéries. L'imaginaire des « noces » qui pouvaient motiver au départ le coopérant n'est plus. Il a quitté son univers fait d'emploi du temps routinier. Il n'est pas non plus celui du vieil Oranais ni celui du nouveau venu, encore encombré dans ses valises en carton. Le fantasme de douceur infinie est définitivement révolu. Comme si l'Algérien nouveau était en porte-à-faux avec la splendeur du paysage. Ce qui fait sa nature, c'est le manque, le manque d'espace pour se loger, le manque de produits de la terre, le manque de produits manufacturés. Le manque d'intimité des corps entassés. Dans La Chute, Camus parlait de « malconfort ».

 

 

Planète Misère (André CORTEN)

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Ancienne maison coloniale

 

 

25/11/2009

SE PLAINDRE, ALGÉRIE (André CORTEN) extrait 3

 

Quand on sort d'Oran, qu'on longe la corniche et le port de Mers el-Kébir, on arrive aux plages – les femmes s'y baignent tout habillées. On peut aussi se rendre à Tlemcen et sa mosquée du XIIIème siècle. De couleur ocre, le sanctuaire garde dans ses ruines la lumière des oliviers. On peut aussi emprunter la route de l'Algérie en modernisation. La ville d'Arzew, port gazier et pétrolier, est mangée par l'immense zone industrielle et par les HLM en construction. À perte de vue, une forêt de tuyauteries cyclopéennes ! Grâce aux explications fournies par le journal El-Moudjahid, je distingue dans ce débordement de métal et de fumée les grandes composantes du site : les trois complexes de GNL (gaz naturel liquéfié), les deux complexes de séparation du GPL (gaz de pétrole liquéfié) ainsi que la raffinerie et le combinat pétrochimique de méthanol et de résine. Dans cet alignement de réservoirs et d'installations de liquéfaction, de raffinage et de transformation, l'Algérie se profile déjà comme le grand exportateur mondial de gaz, desservant l'Europe et les États-Unis. Arzew est devenu un des plus grands ports méthaniers du monde. Sur l'ancienne route nationale 4, les usines manufacturières sortent de terre. L'Algérie est un immense chantier de l'« industrie industrialisante »*

 

Tel s'exprime l'imaginaire de l'Algérie socialiste : construire des usines, rassembler les travailleurs récemment arrachés à leurs champs, les mettre en contact avec les machines. Le travailleur stakhanoviste va sortir tout cuirassé de la rencontre entre machines et bras ! Machines encore importées, mais que l'industrie industria­lisante va bientôt dessiner et fabriquer sur place, bras encore noués au labeur de la terre et qu'on croit pouvoir fixer du jour au lendemain en prolongement des pistons et des cylindres. À défaut d'avoir pensé aux nouveaux rapports sociaux, l'espace est prévu pour le travail, les hangars sont pimpants. Pour l'après-travail, c'est moins certain. Le parti FLN** ne laisse néanmoins pas les bidonvilles ronger l'accès aux boulevards. Les travailleurs doivent se loger là où on a prévu de les placer. Mal prévu. Résultat, ils sont cinq par chambre.

 

Une nouvelle fois, peut-on dire qu'on souffre ? Tout s'est passé tellement vite. On manque de tout, mais avec la « révolution agraire », on s'est convaincu que l'avenir n'est plus dans les campagnes. On arrache les vignes... L'Algérie qui vivait naguère selon les usages du nomadisme vit désormais selon les usages du convoi de personnes déplacées. Beaucoup d'hommes célibataires, les femmes sont restées derrière. Ce n'est pas l'émigration en France, où la coupure est plus radicale en même temps que plus chargée d'imaginaire. Même si rapidement vient se coller à la peau l'étoile du paria. Pour le migrant de l'intérieur, vient s'infiltrer dans l'odeur des vêtements humides la sensation d'un exil chez soi.

 

* L'expression a été popularisée, à partir de 1966, par l'économiste français, Gérard Destanne de Bernis, un des conseillers les plus écoutés des planificateurs algériens.

 

** Front de libération nationale, fondé en 1954 (NdE).

 

 

 

Planète Misère (André CORTEN)

 

 

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