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20/11/2009

SE PLAINDRE, ALGÉRIE (André CORTEN) extrait 2


Entassement dans des logis suffocants, terreur de l'enfermement, étiolement de l'âme. Ville asphyxiée dans ses hautes bâtisses d'inspiration haussmanienne. En 1941-1942, au moment de l'épidémie de typhoïde, Oran comptait deux cent mille habitants. Aux pieds-noirs, souvent séfarades et d'origine espagnole, s'ajoutait déjà une population algérienne nombreuse. En 1962, rares sont les Européens qui résistent au vent de panique : quelques religieuses, quelques commerçants. En 1975, Oran, devenue Wahran, compte désormais six cent mille habitants, pour le même bâti, à peu de chose près. Au-delà de l'odeur de la macération des corps, la pénurie des logements est visible dans l'envahissement des rues. Invasion des cafés où l'on sirote un thé ou une « gazouse* », jusqu'aux murs où s'adossent les bandes de jeunes hommes désœuvrés. À la fin des années 1970, on ne se presse pas encore dans les mosquées. Mais déjà des jeunes filles non voilées sont vitriolées à la cité universitaire. Viendront d'autres sauvageries.

La pénurie ne se limite pas aux logements. Dans les magasins d'État s'alignent des bidons d'huile de cuisine au goût de moteur, des conserves rouillées, toutes identiques, symbole de l'austérité « socialiste ». Les arrivages subits provoquent des queues interminables. Les ruptures de stock sont constantes. Les étals du marché sont maigres : légumes rabougris, amoncellements toujours identiques de pastèques et de melons d'eau, prix inaccessible de l'agneau. Les petites échoppes n'ont que quelques produits : du lait, des pois chiches, des allumettes...

Souffre-t-on de ces pénuries ? A l'aéroport, les passagers arrivent de Marseille ou de Paris encombrés de volumineux colis : coupons d'étoffe, jeans de marque, électroménager. Filières interstitielles à un commerce d'État prêchant l'austérité. Cette sévérité n'est pas encore vraiment étrillée car elle est le reflet d'une consommation très frugale par nécessité. Les centaines de milliers de nouveaux urbains comptent leurs emplettes aux centimes de dinars. Les sociétés d'État ont créé beaucoup d'emplois, mais le salaire condamne encore au dénuement. Le couscous est aux légumes, et la harissa cale les estomacs malmenés. On garde les burnous rêches des campagnes. Sous la pluie d'hiver, les vêtements superposés s'alourdissent d'un séchage impossible.

*Limonade.


Planète Misère (André CORTEN)

ORAN_Rue des Aurès.jpg
Rue des Aurès à Oran

13/11/2009

SE PLAINDRE, ALGÉRIE (André CORTEN) extrait 1

C'était il y a longtemps déjà. Au temps de l'Algérie du milieu des années 1970, du socialisme à la Boumediene. Mon premier contact concret avec ce pays se fait avec l'obtention d'un poste de maître de conférences à l'université d'Oran. Un quatre pièces dans une HLM. Je suis là avec des coopérants français, mais également égyptiens ou syriens. Quelques collègues algériens aussi. En mémoire de Le Corbusier, le gros bloc d'une centaine d'appartements est nommé « Cité radieuse ». On est loin de l'inspiration mozabite et de l'âpreté du désert. Il y a des années que les ascenseurs ne fonctionnent plus, les escaliers et les couloirs sentent l'urine. Le vent déplace des papiers sales sur un terre-plein en friche. En face, un quartier de classes moyennes – on y construit quelques villas. Des favoris du régime ou des hommes du bazar ? Peut-être les deux à la fois. En général, les logements sont modestes. Dans le bus, odeur surie de seins abondants et de corps mal lavés. Les pudeurs sont mal gérées dans le surpeuplement des logements. En moyenne, trois personnes dans la même pièce.

 

Fondée au Xème siècle, espagnole à partir du XVIème siècle, Oran est devenue française en 1831. C'est une ville couturée de cicatrices. Aujourd'hui encore, pour le vieil Oranais coincé dans une habitation exiguë et délabrée, le souvenir du séisme de 1790 persiste comme un millénarisme. Les nuits de ramadan, on veille ; on raconte l'histoire d'un nouveau cataclysme inévitable. Dans l'imaginaire francophone, Oran est la ville de la peste. On est face à la mort en attente : sensation d'enfermement, d'étouffement, d'exil, d'« exil chez soi ». Que la population algérienne occupe les appartements français, les tours les plus récentes ou les gourbis de banlieue, elle ressent partout l'exil chez soi. Sentiment partagé par les jeunes. jeunes hommes d'un côté, jeunes filles de l'autre. Avenir vide, présent vide, ennui. Pour les filles, enfermement. Pour tous, vacuité nettoyée par la lumière éclatante du soleil. Vacuité renvoyée cruellement à la face de chacun. Seule plénitude : la mer, les vignobles, la douceur des champs de blé dur. Ils narguent la souffrance au quotidien.

 

Planète Misère (André CORTEN)

 

 

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Est-ce la "Cité Radieuse" ?

08/09/2009

Hamid Ghidouche ancien élève de Claude Bardos.

Hamid Ghidouche est décédé d’un cancer le mardi 16 juin à l’âge de 54 ans. Il était le fils aîné d’une famille de paysans de Kabylie. Il suit des études secondaires à Bougie (Bejaïa) et les hasards de la guerre d’indépendance de l’Algérie l’amènent un moment à Grenoble.

 

Plus tard il fait des études supérieures à Alger et c’est là que Claude Bardos, coopérant en Algérie, le convainc de venir travailler en France. Il arrive à Paris en 1969 et passe son DEA puis sa thèse de troisième cycle, en collaboration avec N. Point, sous la direction de C. Bardos et S. Ukaï.

 

Docteur d’état il a contribué en particulier à l’analyse numérique et au calcul scientifique de problèmes de changement de phase dans les milieux poreux avec applications à la mécanique des sols. Sa collaboration avec M. Frémond et le LCPC a été durable et fructueuse. Travaillant à l’université Paris XIII dès la création de celle-ci, il y deviendra Maître de Conférences Hors Classe. Hamid Ghidouche a joué à Paris XIII un rôle fondamental dans le développement et l’animation des enseignements d’analyse numérique et de calcul scientifique, d’abord dans la MST puis dans le diplôme d’ingénieur MACS. Toujours disponible pour un conseil ou un service, il était très apprécié des étudiants et de tous ses collègues. Son courage et sa lucidité face à sa maladie forcent notre admiration. Toute notre sympathie va à son épouse Danielle et à ses enfants Gaël et Maïwenn.

 

Claude Basdevant

 

SMF – Gazette-78, Octobre 1998

 

 

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Claude BARDOS à Toronto

 

18/06/2009

"Alger, mon amour" par Bernard Batais


À propos de l'auteur :
Après des études de météorologie, Bernard Batais occupe différentes fonctions au sein de l’administration, dans l’Armée de l’air et au titre de la coopération en Algérie. En 1973, il embrasse la carrière de journaliste d’entreprise. Il devient rédacteur en chef d’un magazine de prestige, poste qu’il occupera jusqu’en 1994. Depuis, devenu indépendant, il travaille comme pigiste pour différents magazines spécialisés dans la photographie.
En 2002, il publie un premier ouvrage aux Editions Grandvaux, Monsieur Michel a disparu, roman policier où il se livre à une satire féroce des multinationales.


Notre avis :
Un témoignage poignant sur ce que fut la vie des européens et pieds-noirs aux derniers temps de l’Algérie Française. Cette histoire donne à voir toute leur douleur et résonne comme un cri d’amour pour ce pays.

Résumé :
Février 1962. Fabrice retrouve Alger, une ville qui lui est chère et qu’il a bien connu, quelques années auparavant lorsqu’il était militaire. Le pays s’achemine inexorablement vers l’indépendance et sa capitale s’apprête à endurer une longue agonie. C’est cette atmosphère de fin du monde qui est retracée dans cet ouvrage. Au milieu des crimes, des attentats, des massacres, des enlèvements de toutes sortes, Fabrice rencontre l’amour. Un amour incongru, quasi-impossible, dans cette ville en folie, mais auquel il va s’accrocher… désespérément.

Un extrait :
Alger mon amour Bernard BATAIS (Extrait chapitre 2)

" Ce fut le soleil qui me réveilla. Je n’avais fermé les volets qu’en partie et un large rayon de lumière vint baigner le lit. Une douce chaleur envahit mes cuisses et mon ventre, comme si une main chaude s’était posée là pour me rappeler qu’il était temps de revenir à la vie. Je restai quelques minutes sans bouger, savourant cette caresse inattendue comme annonciatrice d’une journée bienheureuse. J’avais ouvert les yeux et je contemplais la chambre au décor banal où m’avaient installé mes cousins. À part le lit, elle n’était meublée que d’une armoire hideuse qui avait dû être qualifiée de moderne entre les deux guerres. Pas de tapis, pas de rideaux, pas de tableaux aux murs. On était loin de l’intérieur cossu de l’appartement parisien de mes parents, où foisonnaient les meubles de style et les objets d’art. Il y avait une telle débauche de luxe qu’il était devenu pour moi comme un étalon à partir duquel je jugeais de la richesse des gens lorsque j’entrais chez eux pour la première fois.
Aujourd’hui, je n’avais pas besoin de cela. Mes cousins, je le savais, n’avaient jamais roulé sur l’or. Félicien n’avait été tout au long de sa vie qu’un modeste fonctionnaire et Solange avait rarement travaillé. À Alger, ils n’avaient vécu que dans des habitations à bon marché. Mais peu importait pour moi, ils avaient le coeur sur la main. Trois ans plus tôt, ils m’avaient accueilli à bras ouverts, me considérant comme leur fils. Grâce à eux, je gardais de ces mois passés sous l’uniforme un excellent souvenir. Cette fois encore, ils m’offraient l’hospitalité sans discuter, j’étais chez eux, je pouvais rester des mois, ils ne me demanderaient pas un sou. Et puis dans cet appartement régnait la paix, je ne les avais jamais entendus se quereller. C’était un couple simple, sans histoires. Quelle transition avec l’atmosphère conflictuelle qui régnait chez moi en permanence!
Je me levai et allai sur la loggia d’où l’on dominait Alger. Vu de là, tout paraissait calme, et pourtant, je le savais, les passions dans cette ville étaient déchaînées et le drame permanent.
Je retrouvais cette cité magnifique qui m’avait tant impressionné lors de mon premier voyage. "

BATAIS-Bernard_Alger-mon-amour.jpg



Ce livre est en vente ici :

 

04/06/2009

Les voyages de Bernard DIMET

 

" La passion des voyages m'est sans doute venue tout petit, entretenue par la lecture des livres et les récits de voyageurs célèbres parus dans des bandes dessinées comme Tintin ou Spirou ou dans des livres comme ceux d'Alain Gerbault, à moins que ce ne soit l'Iliade et l'Odyssée.

 

 Ce n'est que plus tard, en classe de troisième, que le projet d'un grand voyage a vu le jour : des amis de mon père qui travaillaient et vivaient au Sénégal, m'ont invité à passer des vacances à Dakar.

 

Mon père répondit d'un air solennel : « Mon fils ira à Dakar s'il est reçu à son B.e.p.c. »

 

En juillet de l'année suivante, temps nécessaire pour réunir le prix du voyage, environ 900 francs de l'époque, je partis en train jusqu'à Marseille puis pris l'Ancerville, paquebot de la compagnie Paquet (en classe standard, celle juste au-dessus de la classe cale).

Après 7 jours de voyage, la ville de Dakar était en vue.

 

Ce voyage était plus qu'un simple voyage : il fut LE voyage initiatique, déclencheur d'un processus de départs et de retours.

 

Puis ce fut la coopération en Algérie avec des nombreux voyages dans le désert algérien, un des plus beau à mon goût : les sept cités de Ghardaïa, El Goléa et le plateau du Tadémaït, Ouargla, In Salah, Tamanrasset, Djanet, Timimoun la rouge, Beni-Abbes et Taghrit, ...

 

Ensuite, le désir de partir a été très fort. Ce fut le grand voyage, celui que j'intitule (livre en préparation) : Des déserts de l'Afrique aux montagnes de l'Amérique du sud - itinéraire de deux citoyens à la découverte du monde.

 

Bilan : entre les accompagnements de voyages pour Nouvelles Frontières et les voyages personnels, j'ai effectué près de deux cents voyages et visité (pas « fait » !) environ 90 pays, certains m'ayant vu plusieurs fois : la Grèce et en particulier la Crète, le Sénégal, le Népal, l'Inde, etc.

 

Algérie, Allemagne, Angleterre, Argentine, Australie, Belgique, Bénin, Birmanie, Bolivie, Brésil, Bulgarie, Burkina-Faso, Cameroun, Canada (en particulier Québec), Canaries, Chine (dont Tibet), Colombie, Corée (Sud), Cuba, Danemark, Égypte, Équateur, Espagne, Finlande, Grèce, Hong-Kong, Inde, Indonésie, Italie, Israël, Japon, Jordanie, Kenya, Laos, Luxembourg, Macao, Malaisie, Mali, Malte, Maroc, Mauritanie, Mexique, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Paraguay, Pérou, Panama, Pays-Bas, Pakistan, Philippines, Rio-del-Oro (pays disparu), Roumanie, Sénégal, Singapour, Suède, Thaïlande, Togo, Turquie, Tunisie, USA, Venezuela, Viêt-Nam, Yémen, Yougoslavie.

 

J'ai également créé des circuits pour Nouvelles Frontières : Louisiane, Sénégal (Pays Bassari), Chine, Tibet. "

 

 

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