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30/04/2008

Alain COULON, en chômage technique à Annaba

René BARBIER _ Alain, tu as été élu récemment directeur de l'U.F.R.8 et tu es un enseignant de longue date dans ce département, le département des Sciences de l'éducation. Je te propose d'essayer de voir avec toi à la fois le passé, le présent et l'avenir des sciences de l'éducation à Paris VIII, à partir de ton propre itinéraire. La première question que je te poserais est : te souviens-tu à quel moment tu es arrivé à Paris VIII et surtout à partir de quelle trajectoire tu es arrivé à Paris VIII ? Comment cela s'est-il fait et Quelle était l'atmosphère de l'époque?

Alain COULON _ Je me souviens très bien. La première fois que je suis venu à Paris VIII, qu'à l'époque on appelait uniquement Vincennes, c'est en 1974. Probablement début juillet 1974, au moment où j'étais coopérant en Algérie. J'étais coopérant en Algérie entre 73 et 77, et je faisais une thèse de troisième cycle sur l'enseignement supérieur en Algérie, sous la direction de Lapassade. Une direction un peu à distance évidemment. Fin juin ou début juillet 74, lorsque je suis revenu pour passer l'été en France, Lapassade m'a demandé de venir faire un exposé. Ce que j'ai fait, devant des étudiants et des enseignants que je ne connaissais pas, qui étaient autant en Sciences politiques qu'en Sciences de l'éducation puisqu'à l'époque je crois qu'il avait, lui, un poste en Sciences politiques. Il y avait donc un public mélangé. On a discuté et j'ai commencé à connaître des gens de Paris VIII à ce moment là.

C'était mon premier contact. Ensuite j 'ai soutenu ma thèse à Paris VIII, cette thèse de troisième cycle, en juin 1975. J'ai rencontré ce jour-là, à la cafétéria, Patrick Boumard qui venait, je crois, de soutenir sa thèse le matin, tandis que moi, je l'a soutenais l'après-midi. Ce jour là aussi, j'ai rencontré René Barbier, chez qui, le soir, j'ai dû aller manger ou dormir, peut-être à Bry-sur-Marne ou à Villiers.... Bref, j'ai connu quelques têtes, aujourd'hui familières, et puis j'ai été, ce qu'on appelait à l'époque du point de vue administratif, rattaché pour gestion. C'est à dire que les coopérants étaient rattachés à une université, du point de vue de la gestion, pour qu'ensuite ils puissent y revenir en poste. Pour ce qui me concerne, mon histoire administrativo-politique a fait que je ne suis jamais revenu avec un poste. Je suis revenu sans poste, vidé d'Algérie après deux ans j'ai pu y rester jusqu'en 1977.

Après avoir été remis à disposition une première fois, en 76, je fus muté d'office en 77, muté disciplinaire on pourrait dire, à Annaba. J'hésite à dire muté disciplinaire parce qu'en général les mutés disciplinaires sont la plupart du temps des gens à qui on peut reprocher quelque chose, sur lesquels la discipline s'exerce. Or, pour ce qui me concernait, il n'y avait vraiment aucun problème en Algérie, seulement des rivalités locales... et des sortes de cabales politiques que je n'ai pas encore comprises aujourd'hui, c'est comme ça.

J'ai donc été muté à Annaba, en Sociologie. Si je dis que c'est disciplinaire, c'est parce que j'ai été muté en Sociologie à Annaba alors qu'il n'y avait pas de section francophone en Sociologie, mais seulement arabophone.

Par conséquent, je me trouvais théoriquement muté pour faire des cours de Sociologie, en français, à des arabophones. Ce qui évidemment était complètement impossible. Je n'ai donc pas travaillé. J'ai fait quelques cours d'alphabétisation à des Palestiniens et j'étais, grosso modo, au chômage technique. Après quoi, j'ai été remis totalement et définitivement à disposition de la France. Je suis arrivé à Vincennes, qui était mon université de rattachement, en Sciences de l'éducation parce que j 'avais soutenu ma thèse en Sciences de l'éducation, mais aussi parce que les sociologues, à l'époque, localement à Vincennes, étaient dans un état, je dirais... d'équilibre des tensions  dans leur politique interne. Ils n'acceptaient personne venant de l'extérieur pour ne pas rompre cet équilibre fragile. J'ai donc été accueilli, un jour d'octobre 1977, en Sciences de l'éducation, non pas d'ailleurs par Lapassade qui je crois n'accueille pas beaucoup les gens, mais par Guy Berger qui était le responsable du département à l'époque ; par Michel Debeauvais qui avait été le président du jury de ma thèse et par Jacques Ardoino que je ne connaissais pas du tout physiquement. Tous les trois m'ont accueilli très chaleureusement et je m en souviens encore très bien!

Je suis arrivé le même jour que Philippe Soulez. Je m'en suis souvenu récemment puisque Philippe est mort il y a deux mois dans un accident de la route. Je me suis souvenu que nous étions arrivés le même jour tous les deux, dans ce collectif, moi venant d'Algérie, sans poste ; lui venant de Tunisie, sans poste. Des régulations administratives ont fait qu'il a pu en avoir un, partagé avec un autre coopérant.

 

C'est dans ce contexte que je suis arrivé à Paris VIII - Vincennes. Je me souviens aussi d'un détail, d'un souvenir plutôt : j'étais extrêmement frappé, à chaque fois que je venais à Vincennes, par la grande liberté d'esprit, la grande liberté intellectuelle qui y régnaient. Alors qu'en Algérie, c'était quand même la terreur. Ce n'était pas la même terreur que l'on connaît aujourd'hui, en septembre 94, mais c'était quand même l'empêchement de penser, c'était déjà de la surveillance. C'était la Sécurité Militaire qui allait dans les cours des coopérants.

R.B. _ Pas de la part des intégristes?  

A.C. _ Pas de la part des intégristes, mais de celle du F.L.N.. Peut-être qu'après tout, cela donne la même chose. C'est peut-être équivalent du point de vue de la terreur intellectuelle, pas seulement intellectuelle... physique aussi.

 

"LES SCIENCES DE L'ÉDUCATION À L'UNIVERSITÉ DE PARIS VIII"

 

Entretien avec Alain COULON, propos recueillis par René BARBIER Octobre 1995

 

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24/04/2008

Jean-François COFFIN, des coopératives algériennes au commerce équitable

 

1. Quel a été votre parcours professionnel jusqu'à aujourd'hui ?

J'ai fait des études de droit et d'économie, avec une spécialisation agricole et rurale. Peu attiré par la vie militaire, j'ai pu effectuer mon service au titre de la Coopération en Algérie où j'assurais la formation de directeurs de coopératives agricoles. J'ai ensuite travaillé dans des groupes de l'agroalimentaire où d'ingénieur d'études j'ai progressivement glissé vers ce qui est devenu une passion : la communication. Aujourd'hui, je suis journaliste indépendant pour la presse agricole et de l'environnement. Membre du conseil d'administration d'Artisans du monde, je collabore tout naturellement à sa stratégie de communication.

 

2. Comment êtes vous tombés dans le commerce équitable ? y a-t-il eu un déclic, quelqu'un, un événement, une rencontre ?

Je suis « tombé » dans Artisans du monde il y a plus de 15 ans en aidant mon meilleur ami qui en était le président. Déjà la communication était une préoccupation d'Artisans du Monde et la Fédération voulait organiser une conférence de presse pour mieux se faire connaître. Comme mon métier était attaché de presse à l'époque, ils m'ont demandé un coup de main. Le coup de main dure toujours car je partage la manière concrète et positive d'Artisans du Monde pour aborder les problèmes de relation Nord/Sud. 

 

3. Qu'elle a été votre plus grande satisfaction sur ce parcours ?

La rencontre avec nos partenaires qui témoignent de la réelle importance du commerce équitable. Si notre action peut sembler une goutte d'eau dans la mer, le passage d'une utopie il y a 25 ans à cette prise en compte aujourd'hui est encourageant. 

 

 

13. Quel avenir selon vous pour le commerce équitable ?

Je pense que le bond en avant que nous connaissons aujourd'hui vient d'un travail en profondeur qui a été fait notamment par Artisans du monde. Nous avons préparé le terrain. Le commerce équitable a encore toute sa place et l'avenir devant lui. Mais attention au phénomène de mode, aux récupérations !

Les pouvoirs publics s'intéressent aussi à ce phénomène et apportent un certain nombre d'aides.

 

 

14. Et pour Artisans du Monde, des projets pour l'avenir ?

Développer la présence d'Artisans du monde en province mais aussi dans le « désert » parisien qui ne compte que 3 boutiques. Multiplier les relations avec nos partenaires, comme prévu dans notre plan triennal, développer notre travail d'éducation au commerce équitable. 

Autre projet, adapter les produits à la demande. Des tentatives ont été faites. Ainsi, nous avons fait intervenir un designer dans une coopérative de Madagascar lors d'un stage de créativité de 15 jours avec les artisans. Le but était de varier le type de produits (besoin de nouveautés) avec une qualité correspondant à la demande de la clientèle. Résultat : des sacs splendides, avec un design inspiré des motifs locaux ! Chacun a su exploiter son savoir-faire. Ce stage a même révélé des talents chez certains artisans. C'est ça le commerce équitable : l'échange, le partage des compétences, le respect de chacun.

 

Interview intégral ici

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Ecole régionale d'Agriculture de SIDI-BEL-ABBES

19/04/2008

Damien GELDREICH avec les sans-papiers d’Algérie

 

1706918458.jpg« Déjà presque un an que je reçois chaque jour de la semaine ces hommes et ces femmes qui ont quitté leur pays pour atteindre cette fameuse Europe ou tout du moins une terre où tout brille de mille lumières, où il paraît qu'il règne la paix, la justice et la prospérité, apanage d'une minorité d'habitants de cette planète qui ont eu un peu plus de chance que les autres de naître dans cet endroit. Et pourtant il m'a fallu tout ce temps pour sentir en moi la légitimité de réagir sur le sujet de la migration que nous, européens, jugeons clandestine et donc illégitime.

 

… je vais me limiter à la description de ma visite dans les rochers de Tamanrasset au sud de L'Algérie, de la description du quotidien de ceux qui se mettent en route pour rejoindre l'Europe. Si, pour les Européens, Tamanrasset signifie les grands espaces montagneux et désertiques, les plus beaux couchers de soleil, pour la plupart des Africains subsahariens en route vers l'Europe, Tamanrasset est un point de passage obligatoire durant la traversée du désert du Sahara ; les rochers de Tamanrasset, il s'agit de l'expression que l'on utilise pour désigner les collines rocailleuses où se réfugient ces voyageurs pourchassés par la Police. On m'avait déjà alarmé sur la misère de ces gens. Je voulais voir ce qu'il en était.

 

Vers 16h j'accompagne donc Sœur Martine, Française vivant là-bas et deux Pères, Anselm et Guy, respectivement  tanzanien et burkinabé, à la rencontre des migrants de Tamanrasset. Nous n'avons pas encore complètement quitté la ville que nous apercevons déjà ces fameux rochers parmi lesquels se dessinent quelques silhouettes humaines. Mais Martine nous invite à continuer. Nous suivons l'oued, qui fait malheureusement office de décharge. Nous marchons ainsi plusieurs kilomètres parmi les tas de gravats et de détritus en tout genre, mais le chemin que nous empruntons serpente très nettement jusqu'à l'horizon parmi ce fourbi. Jusqu'à ce qu'apparaisse, s'avançant dans notre direction une première silhouette ; il nous faut quelques minutes pour arriver à sa hauteur. Nous essayons de rentrer en contact, ce qui se fait finalement assez facilement. Il s'agit d'un Nigérian. Après la présentation de chacun d'entre nous, nous entamons la discussion. Déjà 10 mois qu'il habite dans les rochers, parce qu'il n'a pas d'argent pour continuer ou rentrer chez lui. Sa veste en sky est déchirée au niveau d'une manche, ses chaussures de sports sont trouées et son jean est passé de mode depuis bien longtemps. Il se rend en ville pour acheter quelque chose à manger, à la tombée de la nuit, il se fait moins remarquer en ville. Quel est son projet ? "J'attends que ma famille m'envoie de l'argent"… Déjà 10 mois qu'il attend. Nous lui demandons notre route. Il nous invite à continuer le long de l'Oued, "là-bas nous sommes très nombreux, il y a le camp des Libériens, le camp des Nigérians et celui des Ghanéens." Nous lui souhaitons bonne chance et chacun continue sa route. 

 

Nous croisons ainsi de nombreux jeunes, les uns à Tamanrasset depuis peu de temps, certains depuis plus d'un an. Des Ghanéens nous racontent qu'ils se sont fait rouler par les passeurs qui devaient les conduire en Libye où ils sont autorisés à travailler : ils les ont abandonnés à Tamanrasset (qui n'est pas sur le chemin de la Libye d'ailleurs). Au détour d'un méandre de l'oued nous arrivons enfin près de ce qui semble être un premier campement. Nous sortons de l'oued, notre arrivée a déjà été annoncée, la communauté s'est regroupée pour nous recevoir. "Bonjour", ils nous répondent, les regards sont méfiants, nous nous présentons comme des membres de l'Eglise. Celui qui tient le rôle de chef nous questionne un peu tandis que les autres attroupés derrière lui nous déshabillent du regard. Ils parlent français, mais ne nous révèlent pas leur nationalité. Des échanges entre eux se font en dialecte, Guy le Père Burkinabé qui nous accompagne ne s'y trompe pas: il s'agit de Sénégalais.

 

La confiance s'installe très vite finalement et chacun est heureux de pouvoir raconter son histoire. Le chef nous raconte qu'il est ici depuis 3 mois, il a des amis en France qui l'ont persuadé de faire le voyage. Nous leur demandons s'ils ont des problèmes avec la Police: "Quelques fois il y a des descentes, ils viennent avec des chiens, ils ramassent tout le monde et nous emmènent jusqu'à Tinzaouaten à la frontière malienne (ces déportations se font dans des conditions très difficiles, debout dans des camions sur plusieurs centaines de kilomètres sur les pistes chaotiques et la chaleur du désert. Il y a déjà eu des accidents graves, des morts, enterrés à la va-vite au bord de la route ; c'est la hantise de tous les migrants, car ce village à la frontière est en plein désert et il n'y a presque rien. Ces gens sont lâchés là sans aucune ressource, toute nationalité confondue, il y a même eu des Pakistanais récemment) – "Certains d'entre vous on déjà été déportés ?" Plusieurs me répondent que oui, l'un déjà à deux reprises: "Là-bas c'est la mort". – Et, ici, comment vous faites pour trouver à manger ? "Quand tu vas en ville il faut faire très attention" Celui qui fait office d'Imam nous raconte que le matin même son ami a été attrapé et que lui-même a pu fuir de justesse. "Quand on va en ville, dans les boutiques, il y en a un qui reste dehors pour surveiller la rue". "Mais comment vous trouver de l'argent ? "_ "C'est très difficile, parfois on travaille, mais il faut faire très attention, on est payé 250 dinars par jour (environ 2€20, une misère même en Algérie), mais une fois sur deux le patron nous dit à la fin de la journée de dégager car il n'a pas d'argent. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse, on est clandestin ! Alors des fois on est obligé de vendre notre passeport. On mange un petit pain par jour, c'est tout" Martine s'inquiète des possibilités de trouver de l'eau "on a creusé au pied d'un rocher où l'eau suinte". Ils nous mènent jusqu'à cet écoulement "On a dû changer d'endroit car le premier est souillé""Et vous n'êtes pas malades ?" – "Les nouveaux sont malades et couchés pendant deux ou trois jours après ça va à peu près." Nous croisons ici des Nigérians qui viennent puiser un peu d'eau. Leur camp est un peu plus loin. L'un d'eux semble très malade, mais ne le reconnaîtra que bien plus tard lors d'une discussion seul à seul avec le Père Anselm. 

 

Le ciel commence à s'assombrir, à l'horizon des nuages cachent le soleil couchant. J'ai quelques légers frissons, même si mon pull est assez épais. Je me rends alors compte que la plupart sont en T-shirt, ils n'ont même pas de veste. Je me rends compte que certains sont tremblants de froid. La plupart portent des habits crasseux et déchirés. Ils portent presque tous ces fameuses sandales en plastiques fabriqués en Asie, très bon marché mais dont la résistance est lamentable: chez certains il manque un morceau, chez d'autres elles sont rafistolées avec du scotch… Une misère comme je n'en avais jamais vu auparavant."Vous n'avez pas pensé à rentrer chez vous avec toute cette souffrance ?" – "Si, mais avec quel argent ? De toute façon on est plus loin de chez nous que de l'Europe." Lorsque nous leur annonçons qu'il reste plus de 2000 km à parcourir, ils sont surpris, mais ils ne changent pas d'avis: "Moi, j'ai une femme et trois enfants au pays, pour faire le voyage j'ai dû vendre la vache que j'avais, alors si je rentre, on sera plus pauvre qu'avant, plutôt mourir ici !" "La saison des pluies a encore été mauvaise cette année, je ne peux pas rentrer."

 

Cette dernière phrase m'a beaucoup marqué. Je crois qu'elle montre tout l'étendue de cette folie : des hommes de la terre, des petits paysans, dans le sens noble du terme, qui certainement ne sont jamais allés au-delà de la petite ville la plus proche de leur village, qui certainement ont entendu des échos d'anciens membres de leur communauté ayant réussi, il y a quelques années à atteindre l'Europe, qui ont dû voir quelques images de l'Europe à la télé, se sont lancés sur la route avec les économies de leur famille parfois de leur village sans trop savoir ce qui les attendait. Ils ont parcouru des kilomètres à travers le désert, connaissant très mal l'itinéraire à suivre, assis à plus de 20 à l'arrière d'un pick-up (il faut l'avoir vu pour le croire), pris en otage par les passeurs qui font constamment monter les prix sous menace de les abandonner dans le désert. En repartant nous croiserons deux Libériens qui nous racontent être presque devenus fous lorsqu'un des leurs s'est laissé mourir durant la traversée, trop fatigué. Tout ça pour en arriver là. Certains parleront de camps ou de bidonvilles, voire de grottes, je crois que ces termes sont bien optimistes, car je n'y ai vu ni tente ni taule ondulée ni autres matériaux que l'on a coutume d'employer pour s'abriter. Parfois quelques morceaux de plastique, au mieux une bâche déchirée et quatre bâtons. Lorsque nous sommes repartis, il faisait nuit et le froid nous faisait accélérer le pas pour rentrer. Nous avons croisé des gens jusqu'à l'entrée de la ville. Les derniers nous saluèrent avec cette phrase "Merci pour votre considération pour nous".

 

Damien GELDREICH 

 

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Voir la situation début 2008 sur le site du CCFD :

300 000 Africains bloqués en Algérie

13/04/2008

Les droits et les devoirs de chacun selon Marc BROUSSAUDIER

1610467203.jpgInsultes, menaces, vols, bagarres : pas un jour ne passe sans qu’un principal de collège ne doive faire la paix dans les couloirs ou la cour de son établissement. Marc Broussaudier a dirigé de 1989 à 2005 un collège de Saint-Nazaire. Pour déminer les conflits, il a sa méthode: tout noter sur un carnet.

Des enfants de Doisneau balisent le chemin jusqu’à son bureau. Dans un cendrier, deux mégots montent la garde. Quand Marc Broussaudier n’est pas là, sa porte reste ouverte. Le principal du collège Pierre-Norange, à Saint-Nazaire, est un Limousin de 57 ans, de lignée «prolo», ex-coopérant en Algérie et Maroc. Un ancien professeur d’histoire-géo qui, lorsqu’il devient chef d’établissement en 1982, est «gaucho écolo, un peu antitout». Sur la route des vacances, il est tombé amoureux de la région. II demande sa mutation, mais en collège difficile: «Je n’avais pas envie de m’ennuyer.» Défenseur d’une école participative à la Savary, militant qui ne compte pas son temps, il place «l’enfant au coeur du système éducatif».

L’homme arpente le couloir à grands pas, rassure la jeune femme blonde qui trotte à ses côtés: « Pour le projet avec les 4e, c’est d’accord. » Un élève veut des photocopies: il s’en occupe, puisqu’il est là. À peine s’est-il assis qu’un autre pointe le nez, « ils me foutent la honte, lance le gosse à propos de deux comparses, ils disent que c’est mon vélo.» Pas compréhensible, a priori. Mais le principal essaie de disséquer l’affaire puis, devant le peu de temps qu’il peut lui consacrer, fixe un rendez-vous à l’élève.

«Depuis ce matin, j’ai déjà eu trois problèmes de ce type à régler. » Certains jours, c’est six, voire une vingtaine si on ajoute ceux rapportés par l’adjointe et par la conseillère d’éducation. Ces incidents -insultes, menaces, parfois des bagarres et quelques vols - forment le gros du bataillon des violences recensées dans ce collège de 570 élèves, classé en Zone d’éducation prioritaire (Zep).Exemple type: «Des élèves jouent. Un coup de poing. La victime vient se plaindre.» C’est là qu’il ne faut pas rater le coche. Appeler les deux protagonistes et, selon la méthode Broussaudier, «démonter» soigneusement l’événement, chercher la vérité derrière «les exagérations». Qui a dit quoi? Est-ce une insulte, une moquerie, a-t-on le droit de proférer ça, est-ce que ça relève de la justice? Faire la part des choses. II montre le travail réalisé par des 6èmes sur le règlement intérieur: les droits et, dans la colonne d’en face, les devoirs de chacun, connus de tous, intégrés par tous. «C’est quand il y a incompréhension que cela dégénère.»

L’ancien élève se rappelle qu’autrefois, on réglait nos problèmes nous-mêmes, entre enfants». II sourit:«Aujourd’hui, il faudrait un chêne et, comme Saint-Louis, en permanence écouter et trancher. » C’est ce qu’il fait Marc Broussaudier. Ses élèves n’attendent que ça, que l’on tranche. Qu’on les aide à maîtriser des règles que leurs parents ne leur donnent pas toujours. Qu’on leur enseigne ce que la famille affaiblie, les voisins absents, les villages dissous et les curés disparus ne transmettent plus: une méthode pour vivre en société.

II pense aussi que les profs, «surchargés, isolés et inquiets», ces profs qu’il retrouve parfois en larmes dans son bureau, ne sont pas préparés à tout cela. Et que l’école est la première des violences imposées aux enfants : «Elle les sanctionne, les soumet, les oriente souvent plus selon leur comportement que leurs compétences. Les contraint à supporter des remarques publiques désobligeantes à leur égard. Par exemple, «À quoi servent les allocations familiales?» lancé à un enfant venu sans matériel scolaire à la rentrée.»

Violence «scolaire»? II réfute cette spécificité: « Nous sommes dans une société violente, partout, dans les stades, dans les quartiers.» Et l’école n’en est que le reflet.

Claire THEVENOUX, Ouest France du 7 février 2002

06/04/2008

René GAQUIÈRE (17 ans en Afrique)

 

49455867.jpgOriginaire d’un village d’Artois. Professeur de lettres, il part faire sa coopération en Algérie. Puis ce sera le Burundi, la République Centrafricaine, l’Angola. Directeur de l’Alliance Française au Zaïre. Il a exercé dix-sept ans en Afrique. Il est aujourd’hui installé au pays Basque.

Il a reconstitué en une chronique saisissante la vie d’un village d’Auvergne au XVIIème siècle (Le Chauche-Vieilles ou le Dit de Vitale - 2002 – Ed Créer).

Il publie des nouvelles dans diverses revues : Brèves, Sol’Air, Les hésitations d’une mouche.

Également auteur de nombreuses pièces de théâtre.

 

   

Ouvrages :

LE CHAUCHE VIEILLES

LE CARROUSEL DES DUPES

Au début des temps, il y eut sans doute un trompeur et un trompé. Les choses étaient claires alors. Mais bientôt tout se compliqua. Vinrent l’arroseur arrosé, les apprentis sorciers de tous crins, plus ou moins adroits, plus ou moins pervers, les charlatans, bonimenteurs, illusionnistes, faiseur de miracles, le bon docteur Freud, le fameux « à l’insu de mon plein gré », les petites combines, les mensonges anodins et les grosses arnaques. On finit même par découvrir que le propre de l’homme n’était peut-être pas tant le rire que cette prodigieuse faculté qu’il a à se mentir à lui-même.

Qui dupe qui ? Est-ce toujours par intérêt personnel ? Quelle est la part du ludique dans la tromperie ? Le ciel lui-même, le destin, ne seraient-ils pas, au bout du compte, les plus grands arnaqueurs ? etc. Autant de questions auxquelles ces courts récits ne prétendent certes pas répondre. Du moins jettent-ils un éclairage contrasté sur la risible vanité de l’humanité, cet immense « Carrousel des dupes ».

Que la fête commence donc ! Tournez les pages, tournez manège.

***

  

 Anglet Magazine: Dans votre recueil "Au petit bonheur la mort", ce sont des nouvelles que vous regroupez. Est-ce le genre qui vous correspond le mieux?

René Gaquière : Aussi loin que je me souvienne, j écrivais et je me racontais des histoires... Comme les enfants.... Mes histoires étaient d'abord destinées à moi-même. Vous savez, quand on se raconte des histoires avant de s'endormir, il est évident qu'il ne faut pas qu'elles soient trop longues sinon, on s'endort avant.. Et puis j'ai des piles de carnets de route et les notes que je prenais étaient forcément brèves. J'ai voyagé par la force des choses et j'ai sollicité cette force-là. J'ai rassemblé ces nouvelles dont le dénominateur commun est l'insouciance par rapport à la mort. Elles s'inscrivent dans un parcours de trente ans de ma vie, mais il y a aussi des fictions comme celle que j'ai imaginée quand j'avais 16 ans. 

 

SOURCES : Editions CREER  et   Ville d’ANGLET  (page 33)