30/04/2008
Alain COULON, en chômage technique à Annaba
René BARBIER _ Alain, tu as été élu récemment directeur de l'U.F.R.8 et tu es un enseignant de longue date dans ce département, le département des Sciences de l'éducation. Je te propose d'essayer de voir avec toi à la fois le passé, le présent et l'avenir des sciences de l'éducation à Paris VIII, à partir de ton propre itinéraire. La première question que je te poserais est : te souviens-tu à quel moment tu es arrivé à Paris VIII et surtout à partir de quelle trajectoire tu es arrivé à Paris VIII ? Comment cela s'est-il fait et Quelle était l'atmosphère de l'époque?
Alain COULON _ Je me souviens très bien. La première fois que je suis venu à Paris VIII, qu'à l'époque on appelait uniquement Vincennes, c'est en 1974. Probablement début juillet 1974, au moment où j'étais coopérant en Algérie. J'étais coopérant en Algérie entre 73 et 77, et je faisais une thèse de troisième cycle sur l'enseignement supérieur en Algérie, sous la direction de Lapassade. Une direction un peu à distance évidemment. Fin juin ou début juillet 74, lorsque je suis revenu pour passer l'été en France, Lapassade m'a demandé de venir faire un exposé. Ce que j'ai fait, devant des étudiants et des enseignants que je ne connaissais pas, qui étaient autant en Sciences politiques qu'en Sciences de l'éducation puisqu'à l'époque je crois qu'il avait, lui, un poste en Sciences politiques. Il y avait donc un public mélangé. On a discuté et j'ai commencé à connaître des gens de Paris VIII à ce moment là.
C'était mon premier contact. Ensuite j 'ai soutenu ma thèse à Paris VIII, cette thèse de troisième cycle, en juin 1975. J'ai rencontré ce jour-là, à la cafétéria, Patrick Boumard qui venait, je crois, de soutenir sa thèse le matin, tandis que moi, je l'a soutenais l'après-midi. Ce jour là aussi, j'ai rencontré René Barbier, chez qui, le soir, j'ai dû aller manger ou dormir, peut-être à Bry-sur-Marne ou à Villiers.... Bref, j'ai connu quelques têtes, aujourd'hui familières, et puis j'ai été, ce qu'on appelait à l'époque du point de vue administratif, rattaché pour gestion. C'est à dire que les coopérants étaient rattachés à une université, du point de vue de la gestion, pour qu'ensuite ils puissent y revenir en poste. Pour ce qui me concerne, mon histoire administrativo-politique a fait que je ne suis jamais revenu avec un poste. Je suis revenu sans poste, vidé d'Algérie après deux ans j'ai pu y rester jusqu'en 1977.
Après avoir été remis à disposition une première fois, en 76, je fus muté d'office en 77, muté disciplinaire on pourrait dire, à Annaba. J'hésite à dire muté disciplinaire parce qu'en général les mutés disciplinaires sont la plupart du temps des gens à qui on peut reprocher quelque chose, sur lesquels la discipline s'exerce. Or, pour ce qui me concernait, il n'y avait vraiment aucun problème en Algérie, seulement des rivalités locales... et des sortes de cabales politiques que je n'ai pas encore comprises aujourd'hui, c'est comme ça.
J'ai donc été muté à Annaba, en Sociologie. Si je dis que c'est disciplinaire, c'est parce que j'ai été muté en Sociologie à Annaba alors qu'il n'y avait pas de section francophone en Sociologie, mais seulement arabophone.
Par conséquent, je me trouvais théoriquement muté pour faire des cours de Sociologie, en français, à des arabophones. Ce qui évidemment était complètement impossible. Je n'ai donc pas travaillé. J'ai fait quelques cours d'alphabétisation à des Palestiniens et j'étais, grosso modo, au chômage technique. Après quoi, j'ai été remis totalement et définitivement à disposition de la France. Je suis arrivé à Vincennes, qui était mon université de rattachement, en Sciences de l'éducation parce que j 'avais soutenu ma thèse en Sciences de l'éducation, mais aussi parce que les sociologues, à l'époque, localement à Vincennes, étaient dans un état, je dirais... d'équilibre des tensions dans leur politique interne. Ils n'acceptaient personne venant de l'extérieur pour ne pas rompre cet équilibre fragile. J'ai donc été accueilli, un jour d'octobre 1977, en Sciences de l'éducation, non pas d'ailleurs par Lapassade qui je crois n'accueille pas beaucoup les gens, mais par Guy Berger qui était le responsable du département à l'époque ; par Michel Debeauvais qui avait été le président du jury de ma thèse et par Jacques Ardoino que je ne connaissais pas du tout physiquement. Tous les trois m'ont accueilli très chaleureusement et je m en souviens encore très bien!
Je suis arrivé le même jour que Philippe Soulez. Je m'en suis souvenu récemment puisque Philippe est mort il y a deux mois dans un accident de la route. Je me suis souvenu que nous étions arrivés le même jour tous les deux, dans ce collectif, moi venant d'Algérie, sans poste ; lui venant de Tunisie, sans poste. Des régulations administratives ont fait qu'il a pu en avoir un, partagé avec un autre coopérant.
…
C'est dans ce contexte que je suis arrivé à Paris VIII - Vincennes. Je me souviens aussi d'un détail, d'un souvenir plutôt : j'étais extrêmement frappé, à chaque fois que je venais à Vincennes, par la grande liberté d'esprit, la grande liberté intellectuelle qui y régnaient. Alors qu'en Algérie, c'était quand même la terreur. Ce n'était pas la même terreur que l'on connaît aujourd'hui, en septembre 94, mais c'était quand même l'empêchement de penser, c'était déjà de la surveillance. C'était la Sécurité Militaire qui allait dans les cours des coopérants.
R.B. _ Pas de la part des intégristes?
A.C. _ Pas de la part des intégristes, mais de celle du F.L.N.. Peut-être qu'après tout, cela donne la même chose. C'est peut-être équivalent du point de vue de la terreur intellectuelle, pas seulement intellectuelle... physique aussi.
…
"LES SCIENCES DE L'ÉDUCATION À L'UNIVERSITÉ DE PARIS VIII"
Entretien avec Alain COULON, propos recueillis par René BARBIER Octobre 1995
10:04 Publié dans 2-SOUVENIRS, SOUVENIRS ... | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook
Commentaires
Bonjour
Est-ce que Monsieur Coulon vous connaissiez à Tiaret, Francis Barry qui était moniteur technique et sa femme qui était enseignante de français? Il avait une voiture de sport rouge. Je suis Sandie sa fille. Mes parents étaient coopérants entre 64 et 73. Merci pour votre réponse
Écrit par : BARRY | 15/01/2012
Bonjour Sandie,
Je tombe sur ce site un peu par hasard, d'où cette réponse bien tardive !
Non, je n'ai pas connu vos parents à l'époque. Je ne suis jamais allé à Tiaret.
Merci au responsable de ce site de transmettre mon message.
Bien cordialement,
Alain Coulon
Écrit par : Alain Coulon | 28/02/2013
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