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13/04/2008

Les droits et les devoirs de chacun selon Marc BROUSSAUDIER

1610467203.jpgInsultes, menaces, vols, bagarres : pas un jour ne passe sans qu’un principal de collège ne doive faire la paix dans les couloirs ou la cour de son établissement. Marc Broussaudier a dirigé de 1989 à 2005 un collège de Saint-Nazaire. Pour déminer les conflits, il a sa méthode: tout noter sur un carnet.

Des enfants de Doisneau balisent le chemin jusqu’à son bureau. Dans un cendrier, deux mégots montent la garde. Quand Marc Broussaudier n’est pas là, sa porte reste ouverte. Le principal du collège Pierre-Norange, à Saint-Nazaire, est un Limousin de 57 ans, de lignée «prolo», ex-coopérant en Algérie et Maroc. Un ancien professeur d’histoire-géo qui, lorsqu’il devient chef d’établissement en 1982, est «gaucho écolo, un peu antitout». Sur la route des vacances, il est tombé amoureux de la région. II demande sa mutation, mais en collège difficile: «Je n’avais pas envie de m’ennuyer.» Défenseur d’une école participative à la Savary, militant qui ne compte pas son temps, il place «l’enfant au coeur du système éducatif».

L’homme arpente le couloir à grands pas, rassure la jeune femme blonde qui trotte à ses côtés: « Pour le projet avec les 4e, c’est d’accord. » Un élève veut des photocopies: il s’en occupe, puisqu’il est là. À peine s’est-il assis qu’un autre pointe le nez, « ils me foutent la honte, lance le gosse à propos de deux comparses, ils disent que c’est mon vélo.» Pas compréhensible, a priori. Mais le principal essaie de disséquer l’affaire puis, devant le peu de temps qu’il peut lui consacrer, fixe un rendez-vous à l’élève.

«Depuis ce matin, j’ai déjà eu trois problèmes de ce type à régler. » Certains jours, c’est six, voire une vingtaine si on ajoute ceux rapportés par l’adjointe et par la conseillère d’éducation. Ces incidents -insultes, menaces, parfois des bagarres et quelques vols - forment le gros du bataillon des violences recensées dans ce collège de 570 élèves, classé en Zone d’éducation prioritaire (Zep).Exemple type: «Des élèves jouent. Un coup de poing. La victime vient se plaindre.» C’est là qu’il ne faut pas rater le coche. Appeler les deux protagonistes et, selon la méthode Broussaudier, «démonter» soigneusement l’événement, chercher la vérité derrière «les exagérations». Qui a dit quoi? Est-ce une insulte, une moquerie, a-t-on le droit de proférer ça, est-ce que ça relève de la justice? Faire la part des choses. II montre le travail réalisé par des 6èmes sur le règlement intérieur: les droits et, dans la colonne d’en face, les devoirs de chacun, connus de tous, intégrés par tous. «C’est quand il y a incompréhension que cela dégénère.»

L’ancien élève se rappelle qu’autrefois, on réglait nos problèmes nous-mêmes, entre enfants». II sourit:«Aujourd’hui, il faudrait un chêne et, comme Saint-Louis, en permanence écouter et trancher. » C’est ce qu’il fait Marc Broussaudier. Ses élèves n’attendent que ça, que l’on tranche. Qu’on les aide à maîtriser des règles que leurs parents ne leur donnent pas toujours. Qu’on leur enseigne ce que la famille affaiblie, les voisins absents, les villages dissous et les curés disparus ne transmettent plus: une méthode pour vivre en société.

II pense aussi que les profs, «surchargés, isolés et inquiets», ces profs qu’il retrouve parfois en larmes dans son bureau, ne sont pas préparés à tout cela. Et que l’école est la première des violences imposées aux enfants : «Elle les sanctionne, les soumet, les oriente souvent plus selon leur comportement que leurs compétences. Les contraint à supporter des remarques publiques désobligeantes à leur égard. Par exemple, «À quoi servent les allocations familiales?» lancé à un enfant venu sans matériel scolaire à la rentrée.»

Violence «scolaire»? II réfute cette spécificité: « Nous sommes dans une société violente, partout, dans les stades, dans les quartiers.» Et l’école n’en est que le reflet.

Claire THEVENOUX, Ouest France du 7 février 2002

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