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22/02/2012

Une expérience extraordinaire (Jan HEUFT) 3

Vivre ailleurs ( Fin du message )

 

Et voilà qu’à partir de septembre 2007 la page de l’Ecole de Sourds et Muets fut définitivement tournée pour ouvrir une nouvelle, douloureuse mais captivante, celle d’être présent auprès des Algériens en grande détresse et  des Migrants et Réfugiés subsahariens de passage ou vivant en Algérie. Une fois de plus c’est une expérience et une souffrance humaine qui dépasse l’imaginaire. Avec une bonne équipe d’Algériens et d’Étrangers, nous tâchons d’être à l’écoute ou de dépanner ceux et celles qui frappent à notre porte. Nous avons eu la joie d’assister à un grand nombre de naissances. Malheureusement, en trois ans nous avons aussi enterré 30 personnes dans l’âge de 0 à 35 ans, dont pas moins de 23 femmes  et 5 bébés ! Un drame et une détresse inhumaine insupportable de l’immigration clandestine ou légale (réfugiés reconnus) qui dépasse le descriptible. C’est la raison pourquoi nous sommes partis au Forum Social Mondial de Dakar au début du mois de février de cette année pour expliquer, haut et fort, ce qui se vit durant cette marche vers un  monde meilleur virtuel ou réel. En même temps, il était important de souligner durant ce forum, les méfaits de la mauvaise gouvernance, du manque de liberté et de démocratie, de certaines cultures agraires et de l’industrialisation sauvage. Ce ne sont pas pour nous des simples « slogans de gauche » mais des réalités qui se vivent tous les jours et à chaque moment. C’est pour cela que « le printemps arabe » actuel est plein d’espoir et de courage afin que les peuples puissent prendre leur propre destin en mains et créer ainsi un avenir meilleur pour Tous et pour Toutes.

 

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Alger : Rencontre et développement

(Photo FaithBookTour-Nov2011)

 

 

Alger, le 2 avril 2011.

Jan HEUFT.  

 

 

 

15/02/2012

Une expérience extraordinaire (Jan HEUFT) 2

Vivre ailleurs ( Suite )

 

En septembre 78 je commençais une nouvelle aventure à l’école paramédicale de Parnet à Alger et l’Ecole de Jeunes Sourds d’El Harrach. Quelle ne fut pas mon heureuse surprise en découvrant que mon premier responsable était Monsieur Bacha, cousin de notre célèbre Bacha Mustapha, ancien élève de Beni-Yenni et originaire de Bou Adenane. Après avoir obtenu le diplôme d’Etat de Maître Spécialisé pour Handicapés Auditifs, je me suis entièrement consacré à cette tranche de population. Ce fut un nouveau défi et une nouvelle aventure mais aussi riches que ma première étape dans les montagnes du Djurdjura. L’état Algérien m’a demandé, pendant plus de trente ans, de préparer des élèves, sourds et muets, aux examens du Certificat d’étude, de la sixième au Brevet, à l’entrée au Lycée et finalement au Bac et à l’entrée en Université. Un travail assidu, main dans la main avec les élèves et les parents. Ensemble nous avons donné espoir à une vie meilleure aux Handicapés ; ensemble nous avons ouvert les portes et les fenêtres pour qu’ils soient acceptés partout et qu’ils aient droit au travail et une vie digne, heureuse.

 

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( Ecole des Sourds de Mohamedia Ex-Lavigerie )

 

Les années du terrorisme aveugle ont donné une dimension encore plus profonde à cette vie partagée avec des personnes handicapées. En effet, comment expliquer aux élèves sourds que cette violence aveugle, que nous vivions dans toutes ces atrocités, ne venait pas de Dieu mais de l’intolérance des hommes de quel bord qu’ils soient. Combien de fois, dans cette période, dans mon lit le soir, que j’ai pleuré en revoyant devant moi ces images d’hommes, de femmes, d’enfants, de nos amis blessés ou assassinés brutalement sans aucune raison ! Même le traducteur en langue de signes pour les sourds à la Télévision fut tué.  Ce sont les élèves, les voisins, les amis, parfois des passants, qui m’ont permis de passer avec le Peuple Algérien tout entier ces moments d’énorme détresse et de désespoir ! 

Combien de fois me reviennent, encore aujourd’hui, dans mon esprit cette immense foule de la région de Tizi-Ouzou, assistant aux obsèques des Pères assassinés, frappant dans les mains et en clamant des youyous pour exprimer leur solidarité dans le malheur et leur foi dans un même Dieu unique.  

 

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 ( ALGER : Ecole de formation paramédicale de Parnet )

 

Alger, le 2 avril 2011.

Jan HEUFT.  

09/02/2012

Une expérience extraordinaire (Jan HEUFT) 1

 

Vivre ailleurs !

 

Un jour mémorable : le 21 septembre 1969 je passais la frontière d’Algérie avec ma petite Renault 4L pour y rester 42 ans, c'est-à-dire jusqu’aujourd’hui ! Cela fut une aventure hors pair. Tout d’abord cette rencontre avec des hommes et des femmes d’autre culture et d’autre religion ! Ces hommes et ces femmes, à peine libérés de plus de cent vingt ans  d’oppression coloniale, debout pour construire un nouveau pays moderne et libre !

 

Collège des Pères-Blancs (devenu Lycée)_ph-Beni Yenni - Ath Yenni.jpg

 

C’est  ainsi que je débarquais, un soir, dans un profond brouillard, dans la cour du Collège des Pères Blancs à Ath Larbaa d’Ath Yenni. J’y fus accueilli par des jeunes hommes en burnous, tous des élèves d’environ 18 à 20 ans, en retard dans leurs études à cause de la guerre d'Indépendance, mais déterminés à devenir, comme ils disaient eux-mêmes : « devenir  quelqu’un ». Jamais je n’oublierai leurs regards «  d’hommes libres » déterminés à se prendre en charge. Dans un coin de la cour, il y avait ce jeune garçon de Timéghras ; dans son village, tous les hommes avaient été tués par l’armée coloniale sur la place publique ; malgré cela, ses parents l’avaient envoyé étudier dans notre collège, sans rancune. Il n’y avait pas de lois de réconciliation mais elle existait, belle et bien, dans la pratique.

J’y suis resté sept ans jusqu’à la nationalisation au mois de juin 1976. Sept ans de partage de vie journalière avec 140 élèves internes, qui ne partaient que rarement chez eux. Les seules distractions du lieu étaient les matches de handball sous la direction du célèbre Père Gayet, les films culturels obtenus à l’Ambassade de France, projetés par le Père Dieulangard et commentés, puis travaillés en classe par les jeunes enseignants coopérants. Il y avait également une bibliothèque très riche qui permettait aux uns et aux autres d’élargir leurs pensées et regards sur le monde. Ce climat d’étude et de travail intellectuel ne pouvait qu’être favorable à des résultats extraordinaires aux examens où nous obtenions 100 % (ou presque) de réussites. Mais ce qui a été peut-être encore plus important c’est d’avoir formé des hommes capables de vivre ensemble et de se mettre au service des autres.  

 

Ce n’est pas sans regrets que j’ai quitté le Collège en octobre 76 pour me consacrer, à Rome, pendant deux ans, aux études de la Langue arabe et du Message coranique, mais en écoutant, toujours, pendant mes heures de recherches et les études, des cassettes de célèbres chansons d’Idir et d’Aït Menguellet ! Le pays m’avait marqué pour de bon !

 

… À suivre

 

 

 

HEUFT-Jan.jpg

Alger, le 2 avril 2011.

 

Jan HEUFT.