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27/01/2008

Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (6)

 

Puis, un jour, quelques années après, j’ai envie de revoir le pays.

En octobre 1976, je décide de faire un voyage éclair d’une semaine. Arrivé à Dar El Beida, je prends un bus jusque Blida où je vois un copain, qui était déjà venu me rendre visite à Bruxelles, ensuite le petit train jusque El Khémis. Je loge chez un autre ami à Djendel, Rachid Benaziza. Après une courte visite chez Mr Macoin, l’ancien curé et le seul français que je connaisse encore, un ancien élève, Zémouri, m’accompagne en train jusqu’à Oran où d’autres anciens élèves poursuivent leurs études : Ouali, Maghraoui, Bel Hadj, Meghatria, Méhabi,… Tous semblent aussi heureux que moi de se retrouver. Mais comme le temps passe vite, je dois revenir à El Khémis où, je m’en souviens très bien, la famille Yamouni m’accueille comme un prince ! Partout, je suis d’ailleurs reçu avec énormément de chaleur. C’est Mahfoud Yamouni qui m’accompagnera ensuite jusqu’à l’aéroport en compagnie d’un autre ancien élève, Ben Mokadem.

 

Un an après, j’ai la surprise de recevoir à Bruxelles la visite de l’un deux, Youcef Maghraoui. Un de ceux avec lequel j’avais le plus d’affinités. Assis à une terrasse sur la Grand’Place, tandis qu’il regarde déambuler les gens, il me dit : « J’ai l’impression de ne pas être dans la réalité, mais d’être au cinéma et d’assister à la projection d’un film ! ». Je l’emmène aussi voir Bruges. Il repartira ensuite visiter Amsterdam et Londres. 

En 1986, je reviendrai encore passer quelques jours en Algérie. Un séjour nostalgique à Tipasa. Une visite à El Khémis. L’occasion de retrouver encore avec beaucoup de plaisir certaines anciennes connaissances et d’apprendre, également avec plaisir, que nombre de mes anciens élèves a fait de solides études. Certains sont devenus ingénieur, professeur, médecin, juge, avocat,…! Lorsque j’en rencontre certains, je ressens quelque chose d’étrange. Je vois le visage inconnu d’un adulte de 25-30 ans, et en filigrane, en arrière plan, je revois le visage connu d’un gamin de 15 ans !

Une fois encore, je suis reçu comme un prince, cette fois-ci par la famille Ouali.

A Alger, je ressens comme une certaine agressivité vis-à-vis de l’étranger que je suis. Je ne m’y sens pas bien du tout.  

Ensuite…, ce fut le silence…, mises à part les terribles informations et les reportages bouleversants à propos des massacres qui ont lieu dans les années 90 et que je découvre sur les télévisions belges et françaises…

Je constate aujourd’hui que je reste marqué à jamais par ce séjour. La nuit, je rêve encore régulièrement que je me trouve en Algérie ! Je me pose néanmoins une question : Au-delà de cette nostalgie de l’Algérie, n’est-ce pas également la nostalgie d’une jeunesse passée ?

De toutes façons, je les remercie tous, quels qu’ils soient, de m’avoir permis de vivre tout cela.

FIN

Michel Van Muylem (2006)

 

Post-Sciptum : Ce texte est dédié à la mémoire de YOUCEF MAGHRAOUI.

J’ai appris que cet ancien élève avait été tué, pendant les événements des années 1990, sur la route de Tipasa - Hammam Riga, alors qu’il franchissait un barrage….

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Photo de Khemis-Miliana (MERCI SCAFF)

21/01/2008

Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (5)

 

En classe, ce n’est pas toujours facile. Les élèves sont souvent bruyants ! Il est vrai que, pour certains d’entre eux, rester assis pendant des heures à devoir écouter des choses qui ne les intéressent pas nécessairement, ce n’est pas évident. Ils sont donc parfois très agités et bavards. J’avoue que je ne suis pas sévère et que je n’ai pas beaucoup d’autorité. Sans doute, suis-je un peu trop gentil !

Parfois, lorsqu’ il y a trop de chahut dans une classe, le surveillant général fait sortir tous les élèves dans la cour. Placés les uns à côté des autres, chacun tend les mains, les paumes tournées vers le haut. Il commence alors à frapper avec sa règle. Les innocents comme les coupables doivent subir le châtiment. Les élèves rentrent ensuite dans la classe en se frottant les mains meurtries par les coups. Une affreuse méthode disciplinaire qui date d’un autre âge. Un souvenir marquant et douloureux.

Fort de mon expérience théâtrale, j’ai envie de proposer, à ceux qui le désirent, de travailler l’une ou l’autre petites scènes de Molière. Le directeur est d’accord. C’est une chouette idée, mais elle se révèlera vite tout à fait irréaliste. Molière !! C’est tellement étranger à eux, beaucoup trop. Pourquoi n’y avais-je pas pensé ? 

Pour l’organisation des cours, c’est un véritable casse tête. Comme il y a pénurie de locaux, une même classe doit être occupée alternativement par plusieurs groupes d’élèves différents. Par conséquent, ils n’ont qu’un horaire réduit.

Parmi mes élèves, je me rappelle surtout de ceux que j'ai conservés pendant les deux années. Il y a surtout les bons, mais aussi ceux qui se sont fait remarquer d’une façon ou l’autre. En voici quelques uns : Mohammed Ouali, Youcef Maghraoui, Mahfoud Yamouni, Les frères Benbrik, Ahmed Kebaïli, Mustapha Mehabi, Abderrahmane Boudoumi, Brahim Cherfaoui, Chehat, Ali Nasri, Trikaoui,…

J’ai repris mon vieux carnet de notes du cours d’anglais, mais je m’y perds un peu. Il y a tellement de noms ! Petite anecdote: Certains m’ont surnommé «Boualem» faisant référence à «Muylem». Cela sonne plus algérien !

Puis, petit à petit, lentement mais sûrement, mon séjour à El Khémis arrive bientôt à sa fin. Au bout de ces deux années, je n'ai pas du tout envie de retourner en Belgique. Je resterais bien encore dans ce pays où tout est encore à refaire et aimerais bien y rester quelques temps. Pourtant, je me dis que ma future vie, c’est, malgré tout, à Bruxelles que je dois la faire. Alors, comme je ne parviens pas à quitter ce pays, je décide de ne repartir que le plus tard possible et d’y rester tout l'été. Finalement, c’est avec beaucoup de regrets que je partirai, juste la veille de la rentrée scolaire de mi-septembre. Je n’aurais pas supporté de voir les cours recommencer sans que je puisse être présent.

L'année suivante, la nostalgie de ma vie en Algérie est telle que j’y retourne pour des vacances pendant tout le mois de juin. J’y retrouve avec énormément de plaisir le pays ainsi que mes amis algériens et français. C’est vrai : Je suis chez moi !

La réadaptation à la Belgique est très difficile, d’ailleurs, elle durera plusieurs années.

Pendant un certain temps, des contacts épistolaires sont entretenus avec certains anciens élèves et des amis d’El Khémis.

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

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14/01/2008

Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (4)

La Cité, où la majorité des coopérants habitent, est composée de trois grands HLM hauts de cinq étages, sans ascenseur. Elle a été construite par les français pour y loger les CRS. On l’appelle d’ailleurs encore « La Cité CRS ».

La distribution d’eau y est irrégulière, parfois, seulement quelques heures par jour. Logeant au cinquième, la première année, il me faut souvent beaucoup de courage pour monter les victuailles, surtout les bacs d’eau minérale et de bière. Et en été, je ne vous dis pas ! A cette époque de l’année, durant les grosses chaleurs, l’atmosphère est suffocante, principalement lorsque souffle le vent qui vient du désert. Il est chargé de sable. On est obligé de fermer les fenêtres. Sinon, le système est d’ouvrir les fenêtres durant la nuit pour que l’air frais puisse pénétrer dans l’appartement et ensuite les refermer, en même temps que les volets, durant la journée. 

Certaines nuits, il est très difficile de dormir. Alors j’ai trouvé un truc : Chaque fois que je me réveille à cause de la chaleur, je vais me plonger dans la mini baignoire que je n’ai pas oubliée de remplir d’eau durant les bonnes heures. Ensuite, je me recouche tout mouillé et j’essaye de me rendormir avant d’avoir séché !!

Il y a aussi d’autres désagréments dans la Cité. Les cafards. Surtout la nuit. Ils courent dans tous les sens sur le sol en faisant un petit bruit bien désagréable. Pour éviter qu’ils ne grimpent dans le lit, j’ai mis des journaux sous chaque pied. C’est efficace, mais lorsqu’ils courent dessus, le bruit augmente !  

Dans la cage d’escaliers, je croise parfois aussi un rat ! Mais de tout cela, je m’habitue assez vite !

Pendant les jours de congé, je visite parfois les environs d’El Khémis : Le barrage du Ghrib où on peut faire de super pique-niques, Miliana, aux pieds de la montagne du Zaccar,...

Je me rappelle que dans les champs, le long de la route vers Médéa, je crois, on pouvait trouver de très belles huîtres fossilisées. Y en a-t-il encore ?

Question voyages, il y a aussi ceux, moins agréables, à El Asnam, le chef lieu de la Willaya, pour surveiller les épreuves du bac ou pour obtenir les visas de sortie du pays. Parfois j’étais obligé d’y retourner le lendemain car le seul fonctionnaire qui pouvait mettre le cachet ad hoc était absent ce jour-là.      

En hiver, le temps est un peu comme en Belgique, il fait humide, il pleut, il fait froid, parfois même il neige. Et le petit chauffage au gaz de l’appartement ne suffit pas. Le sommet du Zaccar reste tout blanc pendant des semaines. Régulièrement, il y a des inondations.

Quand viennent les beaux jours, il y a Tipaza que l’on peut atteindre par la fort belle route qui passe par Hammam Riga… Le cadre de ses ruines romaines est une merveille avec cette vue sur le Chenoua décrite par Albert Camus ! Il y a aussi une très belle plage où des gosses essayent de vendre des poteries. D’ailleurs, j’ai toujours, ici à Bruxelles, des photos des ruines de Tipaza sur les murs de mon salon et des poteries sur la cheminée !

 

 

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

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07/01/2008

Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (3)

 

Certains jours, l’atmosphère de la grande ville avec son animation et ses magasins me manque. Alors, je me rends à Alger. D’abord, le col du Kandek, un ou deux tunnels creusés dans la montagne, quelques tournants, puis la plaine. La route est pleine de nids de poule ! C’est super pour les amortisseurs !

Enfin, Alger, surnommée la Blanche. Une très belle ville ! L’occasion de se promener, d’aller au restaurant, d’acheter du jambon et une côte de «halouf » (porc) !!

Mais, malgré tout, en ce début de première année, je ressens souvent le "manque" de Bruxelles et de certains amis. Si bien, qu'aux premières vacances, celles de Noël, je prends l'avion pour rentrer en Belgique. L’aéroport de Dar el Beida. La grande salle noire de monde. L’avion décolle.

À Bruxelles, je me sens un peu perdu. Tout va si vite. Le stress. Et puis, tous ces magasins débordant de marchandises, cette publicité envahissante, tout ce luxe, cette consommation effrénée… Cela m’écoeure. Bien sûr, au début de mon séjour à El Khémis, j’étais parfois frustré par certaines privations, mais peu à peu je m’y étais habitué. Je me rends compte que, tout compte fait, plein de choses ne me sont pas indispensables. J’ai découvert de nouvelles valeurs plus importantes à mes yeux : les relations, prendre le temps, être satisfait avec ce que j’ai et ce que je vis…Depuis lors, je n’ai plus jamais été un «Consommateur». Je ne prends aucun plaisir à « acheter » !

À mon retour, je me sens déjà «entre deux». D’un côté, l’Algérie, mon nouveau pays d’adoption et de l’autre, la Belgique où j’ai grandi et ai étudié.

Durant les mois qui suivront, je me sentirai de mieux en mieux en Algérie. Autant en Belgique, j’ai l’impression que tout est acquis, autant ici, tout est à construire. Et le gouvernement algérien déploie tous ses moyens pour essayer d’y arriver. 

J’aime de plus en plus ce pays et la façon d’y vivre. Elle devient un peu ma seconde patrie !

À l’école, je sympathise avec des collègues algériens, Rachid Benaziza, Maamar Beghdad et le prof de math, Mohamed Bessakria qui vient de Aïn Defla. Ils deviennent peu à peu des amis. Je me rappelle d’une virée mémorable en voiture avec eux à Oran. C’est que la deuxième année, j’avais ramené de Belgique une vieille Volkswagen Coccinelle de couleur jaune. Elle ne passait pas inaperçue ! Elle me permettra après de découvrir ce merveilleux pays : Ghardaia, la Kabylie, Biskra et les Aurès. Je me souviens avoir été bloqué par un vent de sable, je ne sais plus très bien où, sans doute au sud de Biskra, El Oued ?

Durant la période du Ramadan qui tombe, à cette époque-là, en été, j’entends chaque jour les sirènes. Elles annoncent la fin du jeûne. La première fois, je suis fort surpris : tout le monde se presse, commence à courir dans les rues. Puis, la ville est, tout d’un coup, complètement vide et silencieuse.

 

Lors de la fête du mouton, c’est la stupéfaction lorsque je découvre que des moutons sont égorgés juste en bas de mon immeuble. 

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

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La Salle de cinéma : VOX (photo Scaff récente)