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27/12/2007

Un Belge à Khemis-Miliana : Michel Van Muylem (2)


 Au fil des premiers mois, je m'habitue peu à peu à ma nouvelle vie. Les cours, bien sûr, mais aussi le quotidien. Les magasins, le marché, la nourriture. Je fais ainsi une grande découverte : les légumes changent très fort selon les saisons ! Lorsque c’est la saison des tomates, il n’y a pratiquement que des tomates, la saison des haricots, que des haricots. Il y a aussi des pénuries de certains produits, comme le fromage, les piles,…  

En face de l'hôtel Univers, se trouve l'épicerie Chabanne. On y trouve un peu de tout. Un peu plus bas du carrefour avec la route vers Miliana, une jolie petite ville située dans la montagne, il y a un marchand mozabite de couvertures de couleur. J’en achète plusieurs. Elles vont me servir de tentures et de couvre-lit.  Encore un peu plus bas, se trouve le restaurant, où, au début, je vais souvent manger. Ah ! La "chorba" !

Il y a aussi dans la rue principale, mais plus vers la gare, la librairie où parfois je peux trouver un journal belge, le marchand de meubles Kouidmi où j'ai acheté une belle table ovale en acajou, le salon de thé, le marchand de « gazouz » Belkacem ... Je vois encore tous ces lieux avec précision.  

Je vois aussi, près de la petite place, cette grande église en béton transformée en réfectoire. Il y a parfois des projections de films pour les internes. Ces élèves dont les familles habitent dans des villages assez éloignés d’El Khémis.

Mes soirées, je les passe à préparer les cours du lendemain. Parfois, je suis invité à manger chez l'un ou l'autre coopérant français avec lesquels j'ai sympathisé, par exemple les «De Frémont » et les «Picon». Ils se moquent parfois de mon accent et de certaines expressions typiquement «belges» ! Pour son boulot, Bernard Picon passe ses journées à creuser des trous un peu partout dans la plaine de Chélif...! C'est d'abord assez surprenant. Par après, il m’expliquera !  

Pour faire le ménage et le repas du midi, j’aurais vite une femme de ménage. Il est vrai que dès qu’un nouveau arrive, toutes sonnent à la porte pour être engagées. Parfois, je la croise en ville. Comme la plupart des femmes portent un voile blanc, j’ai du mal à la reconnaître. Alors, j’ai trouvé un truc : je la repère par ses chaussures !

Un soir, en rentrant de l’école, je découvre qu’elle a utilisé mon rasoir électrique…! Parfois je vais au cinéma. Il y a deux salles. Les films changent chaque semaine. Ils sont souvent pleins. Durant les séances, les spectateurs réagissent bruyamment à certaines scènes projetées. Je ne suis vraiment pas habitué !  

J'écoute aussi souvent à la radio, la chaîne "Alger 3", un programme en français qui passe de la chanson, avec aussi ses célèbres émissions de dédicaces ! Un jour, j’en entends une qui m’est adressée. Elle vient de mes élèves !

Un soir, j’entends un long grondement sourd, puis les volets de la chambre commencent à trembler. Le voisin frappe à la porte et me crie de descendre très vite les escaliers ! Plus de peur que de mal. Il est vrai que 15 ans auparavant toute la ville d’El Asnam, située à 80 km de là, avait été entièrement détruite par un tremblement de terre. D’ailleurs, elle le sera à nouveau à la fin des années 90. Le lendemain, j’apprends que l’autre Belge, originaire du fin fond des Ardennes et professeur au collège agricole, pris de panique, s’était engouffré dans sa grosse Mercédès après l’avoir bourrée de provisions. Il s’était enfui dans la montagne par  la route de Miliana ! 

 

 

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

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Ecole et église au temps de AFFREVILLE

19/12/2007

Un Belge à Khemis-Miliana: Michel Van Muylem (1)

Préambule : Cela fait des années que j'essaye de renouer avec Khemis-Miliana et tout ceux que j'y ai connus en 1970-72. C'était toujours avec émotion et nostalgie que j'y pensais. Et voilà qu'aujourd'hui, j'y suis enfin arrivé, grâce à Internet! Alors, j'ai eu envie de raconter ma petite aventure.  

La voici, mais commençons par le début :

Je viens d’avoir 23 ans et je sors de l'Université Libre de Bruxelles où j’ai étudié le Droit.

Je dois maintenant faire mon service militaire !! Comme je n’en ai vraiment, mais alors vraiment, aucune envie, je choisis d’opter pour un service civil à l’étranger. Partir. Vivre dans un autre pays, faire cette expérience. Mais dans quel pays ? Un précédent voyage jusqu’en Afghanistan et tout ce que j’y ai vécu orientent mes choix vers un pays plutôt musulman ou «arabisant». L’Iran me tenterait bien, la Tunisie et l’Algérie également. Et pourquoi pas aussi la Turquie ? J’ai aussi envie de servir à quelque chose, d’être utile. Après avoir envoyé ma candidature pour ces différents  pays, seule l’Algérie me répond favorablement. Rendez-vous est donc pris à l’ambassade, avenue Molière à Uccle.

Dans un grand salon, je me trouve face à une commission de sélection venue spécialement d’Alger. Les membres sont quatre ou cinq. Très sérieux. «Nous pouvons vous proposer un poste de professeur d’anglais ou de mathématique ». Je suis assez surpris ! Cela tourne dans ma tête. « Je préfèrerais l’anglais » dis-je. Mais ayant perçu une certaine hésitation, un des membres me demande si je connais l’anglais ! Panique à bord. Je cherche un soutien autour de moi. Je rencontre le regard de la secrétaire de l’ambassade avec laquelle j’avais sympathisé. D’un léger mouvement de la tête, elle m’encourage à répondre positivement. Donc je réponds : « Oui ! ». Et voilà, c’est dans la poche.

Deux mois plus tard, je pars pour l’Algérie pour enseigner l’anglais. Heureusement, il s’agira d’une première année d’anglais !

Je comprendrai plus tard les raisons de cette alternative assez étonnante.

Après l’indépendance et le départ des Français en 1962, presque tous les postes d’enseignants sont vacants. Il y aura d’ailleurs pénurie pendant plusieurs années. Des professeurs vont donc être recrutés un peu partout. D’abord dans les pays francophones, mais aussi dans les pays de l’Est. Le fait de posséder un diplôme universitaire est déjà suffisant en soi, à la limite quelle que soit la matière à enseigner. Pour l’enseignement de l’arabe, les enseignants viennent d’Irak, de Syrie, d’Egypte,… On chuchotera que plusieurs d’entre eux n’ont aucun diplôme. L’un d’eux aurait même été chauffeur de taxi au Caire. 

Nous sommes à la mi-septembre. Mon avion décolle de l’aéroport de Zaventem. Une Caravelle. Après le survol de la France et de la Méditerranée, j’entrevois la côte algérienne par le hublot. Lors de mes nombreux allers-retours, j’aurai souvent cette image impressionnante, chargée d’émotion. L’aéroport de Dar el Beida grouille de monde. Je cherche un bus qui m’emmène à Alger. Je me sens un peu perdu. Arrivé dans le centre, il me faut chercher un hôtel pour passer la nuit. Les rues sont très animées. Finalement, j’en trouve un dans une des rues principales, juste au dessus d’un restaurant.

Le lendemain matin, direction la gare. Un petit train à vapeur doit m’emmener à El Khémis, la petite ville où je suis affecté. Le trajet est lent et long : 120 km. Je découvre les paysages, ils sont très beaux : la plaine de la Mitidja, les montagnes,…

Arrivé en gare d’El Khémis, je descends du train avec, dans les mains, mes deux valises et un gros sac.

Chargé comme un mulet, j’emprunte la rue principale. Au fur et à mesure que j'avance, il y a de plus en plus de monde. Les gens me regardent passer. Il fait fort chaud. Je découvre peu à peu la ville. Et dire je vais y vivre pendant deux ans ! Presque au bout de cette rue, je trouve enfin un hôtel. Il s’appelle l’«Univers». Tout un programme ! Il y fait fort sombre. C'est presque même sinistre !

J'ai rendez-vous avec l'Inspecteur de l’enseignement, le lendemain. Il s’appelle Mr Yahi. Il me fait visiter l'école où je serai professeur. Les bâtiments sont très vieux, mais juste à côté, de nouveaux sont en construction et ils seront terminés pour la rentrée scolaire prochaine.

J'aurai un logement à la Cité Emir Abdelkader qui se trouve un peu plus loin, en contrebas. Elle est dirigée par un gros monsieur qui a plein d'enfants et qui crie très fort ! On y arrive par un chemin poussiéreux, plein de pierrailles. Au cinquième étage, de la terrasse de mon appartement, la vue sur la plaine du Chélif est superbe. Ce pays inconnu me fait un peu peur.

Les jours suivants, je fais rapidement connaissance avec le «Cheik» Zerhouni (le directeur) et les autres enseignants du Collège Ben Badis : Lavallée, Bardot, Ménard et un «vieux» prof de français, Mr Orretégui. Il me parait vieux, mais c’est sans doute parce que je n'ai que 23 ans ! En fait, il n'a peut-être que 40 ou 45 ans.

Ils me parlent de la vie ici, ils m'expliquent les classes, les cours, comment cela se passe.

J'aurai environ 200 élèves ! Je suis un peu inquiet car je n’ai pas d’expérience et je ne me suis jamais trouvé face à autant d'élèves !

Première leçon, j'ai fort le trac. Comment cela va-t-il se passer? Il faut utiliser un ancien livre d'anglais qui n'est pas du tout adapté. Plus tard, il y aura un autre livre plus amusant : "Martin and Jillian". Certains s'en souviennent sans doute !

Donc, première leçon : Nr one is a..., Nr two is a... (je ne me rappelle plus) et Nr three is a bee (prononcé Zebee). Eclats de rire dans la classe. Je ne comprends pas. Plus tard, on m'expliquera pourquoi !! Ah! La langue anglaise est bien traître avec ses mots qui ressemblent parfois à certains vilains mots algériens ! Mais moi, je l'ignorais. Le lendemain, pour éviter, par la suite, de mauvaises surprises, j'ai donc appris toutes les expressions vulgaires en algérien !!

Parmi les élèves, je repère rapidement ceux qui sont sérieux et studieux et ceux qui sont dissipés et bavards. Mais dans l’ensemble, ils sont plutôt fort sympathiques. J'y reviendrai plus loin.

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

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Gare de Khemis-Miliana (Affreville)

12/12/2007

LA FAMILLE DU DR CAPPADORO A COLLO

 

« Chers amis Colliottes.

 

Depuis fin novembre 1964 et jusqu'au 15 octobre 1965, j'ai été médecin coopérant à COLLO et mon épouse Martine, enseignante à l'école de commerce pour les filles.

 

Nous habitions avec notre fils Gilles qui avait un an et quelques mois dans une villa-dispensaire face à l'ancienne gendarmerie française qui avait été transformée en Hôpital-Maternité là où je m'occupais de la trentaine de patients alités.

 

Né en Tunisie et y ayant exercé comme médecin-coopérant hospitalier pendant un an avant notre arrivée à COLLO, je parlais assez bien votre langue et cela avait encore plus facilité le contact avec toute la population et en particulier avec les patients que je recevais au dispensaire tous les matins dans la villa où nous étions logés.

 

Avec Monsieur GATI, présent dès le matin pour organiser, orienter les nombreux consultants et mon ami TOUTA infirmier, Louisa infirmière, deux stagiaires sages-femmes de Constantine, l'infirmier-secrétaire du dispensaire, très sérieux mais dont le nom hélas ne me revient pas, et quelques autres, nous avions essayé de faire face aux besoins de santé de la population.

 

En 65, Pierre et A-M TUBERI tous deux médecins coopérants nous avaient rejoint avec leurs trois enfants et s'occupaient surtout des communes environnantes.

 

Beaucoup de bébés sont nés à cette époque et malgré tout sans gros problèmes.

 

Les Colliottes nous avaient accueillis très chaleureusement et une famille m'avait même prêté un piano pour la durée de notre séjour en échange de quelques cours de musique pour le fils de la maison.

 

SALAM ALIKOUM. »

 

 

Dr.CAPPA

 

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Témoignage publié sur le VraiForum de Collo

(le 17 Déc. 2006) 

05/12/2007

Témoignage de Henri AMADÉI

Vos informations sont justes, j'ai été "coopérant civil" à l'Université d'Alger de septembre 1969 à juillet 1979, pendant dix années universitaires :

  • en faculté de Médecine-Pharmacie (en 1ère année de médecine puis en 1ère et 2ème année de Pharmacie - chimie et chimie organique)*
  • en faculté des Sciences,
  • à l'ENP Ecole Nationale Polytechnique d'El Harrach (département Génie Chimique, cours de Chimie Organique)*
  • occasionnellement à l'USTA Université des Sciences et Techniques d'Alger (dans la Mitidja) pour suppléer au départ d'enseignantEs algérienNEs appeléEs sous les drapeaux juste après la rentrée universitaire (armée toute puissante en Algérie)

 

Pédagogiquement, j'ai souvent tiré de grandes satisfactions d'étudiantEs souvent très motivéEs, acceptant volontiers des exigences de travail importantes : souci d'avoir des diplômes ayant une validité comparable à celle des diplômes de pays dits développés (le nif , fierté ...), mais aussi perspectives d'emplois dans un pays manquant cruellement de diplômés.

 

Syndicalement, j'ai exercé des responsabilités dans l'APES Association Professionnelle de l'Enseignement Supérieur (SNESup en Algérie) à partir de 1972 ou 73 environ. J'ai eu l'occasion d'être témoin de grèves importantes (d'étudiantEs dans l'université, journée(s) de grève totale de tous les transports en commun de l'agglomération d'Alger, tracts et AG des personnels de l'université d'Alger, interdiction de la FTEC-UGTA Fédération des Travailleurs de l'Enseignement et de la Culture de l'Université d'Alger, ... dont nous connaissions évidemment des militantEs - avec des précautions).  

 

En 1975 et 76, par exemple, à l'occasion des débats sur un bilan d'une réforme universitaire (semestrialisation, découpage en modules semestriels, répétés à plus faibles effectifs l'autre semestre, avec prérequis ou non, ...), nous avons vivement été sollicités de participer aux discussions (tout particulièrement par des représentantEs étudiantEs qui souhaitaient la participation d'enseignantEs osant porter un regard critique, positif et négatif, sur ces réformes, sur le bilan de divers enseignements, y compris les nôtres, ... ).

 

Suite à l'incendie du bâtiment de Chimie de l'USTA (conçu par un prestigieux architecte international, à grands frais et en dépit du bon sens), nous avons été invités à examiner attentivement les conditions de sécurité des bâtiments d'enseignement supérieur où nous exercions, et l'avons fait sans aucune réserve.

 

Dans l'APES, d'autres camarades nous reprochaient un manque d'indulgence "pour un jeune pays" . Les collègues algérienNEs avaient heureusement un point de vue différent, nous disaient qu'ils appréciaient nos critiques (positives et négatives d'ailleurs), et n'auraient pas aimé une pseudo-indulgence teintée de paternalisme.

 

Nous avons, à plusieurs reprises, organisé des manifestations suivis d'occupations de locaux dépendant de l'ambassade de France (mission culturelle, paierie générale de France) sur diverses revendications :

  • contre l'interruption des processus de titularisation en coopération (textes non respectés, commissions interministérielles non réunies pour examiner les dossiers),
  • droit au logement (Coopérants civils, mais aussi VSNA et contractuelLEs non-algérienNEs),
  • salaires versés trop tardivement aux contractuelLEs étrangerEs (des collègues algérienNEs, payéEs plus tard encore, assistaient avec intérêt à ces AG - mais nous ne pouvions pas, nous non plus, intervenir pour elles et eux : FTEC-UGTA, dissoute à une époque).
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Ayant la chance d'habiter dans un immeuble d'Alger occupé majoritairement par des algérienNEs (rue Didouche Mourad, ex rue Michelet), j'ai participé aux réunions d'habitantEs de l'immeuble (80 logements), ai même fait partie du conseil d'immeuble (sollicité : volonté d'au moins un membre étranger - succédant à un Égyptien dans le même esprit) et connu des relations de voisinage normales.

 

Dans l'ensemble, j'ai gardé de mes dix années de travail et vie en Algérie d'excellents souvenirs sur le plan des relations humaines et d'un esprit d'hospitalité et de fierté.

 

Amitiés. Henri Amadéi

 

* Des fascicules de cours, de travaux dirigés et de travaux pratiques ont été tapés, reproduits et diffusés aux étudiantEs par mes soins : de mes enseignements en pharmacie, mais aussi à l'ENP d'El Harrach.

 

Par la suite, les deux tomes de mon cours de Chimie Organique à l'ENP (dépt. Génie Chimique) ont été édités par la SNED (Société Nationale d'Edition et de Diffusion) pendant des années : je l'ai appris indirectement par des doctorantEs algérienNEs venuEs compléter leurs recherches au laboratoire de l'UJM St Etienne, qui voulaient voir "l'auteur" de ces livres (la SNED ne m'en avait pas avisé).

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