Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/12/2007

Un Belge à Khemis-Miliana: Michel Van Muylem (1)

Préambule : Cela fait des années que j'essaye de renouer avec Khemis-Miliana et tout ceux que j'y ai connus en 1970-72. C'était toujours avec émotion et nostalgie que j'y pensais. Et voilà qu'aujourd'hui, j'y suis enfin arrivé, grâce à Internet! Alors, j'ai eu envie de raconter ma petite aventure.  

La voici, mais commençons par le début :

Je viens d’avoir 23 ans et je sors de l'Université Libre de Bruxelles où j’ai étudié le Droit.

Je dois maintenant faire mon service militaire !! Comme je n’en ai vraiment, mais alors vraiment, aucune envie, je choisis d’opter pour un service civil à l’étranger. Partir. Vivre dans un autre pays, faire cette expérience. Mais dans quel pays ? Un précédent voyage jusqu’en Afghanistan et tout ce que j’y ai vécu orientent mes choix vers un pays plutôt musulman ou «arabisant». L’Iran me tenterait bien, la Tunisie et l’Algérie également. Et pourquoi pas aussi la Turquie ? J’ai aussi envie de servir à quelque chose, d’être utile. Après avoir envoyé ma candidature pour ces différents  pays, seule l’Algérie me répond favorablement. Rendez-vous est donc pris à l’ambassade, avenue Molière à Uccle.

Dans un grand salon, je me trouve face à une commission de sélection venue spécialement d’Alger. Les membres sont quatre ou cinq. Très sérieux. «Nous pouvons vous proposer un poste de professeur d’anglais ou de mathématique ». Je suis assez surpris ! Cela tourne dans ma tête. « Je préfèrerais l’anglais » dis-je. Mais ayant perçu une certaine hésitation, un des membres me demande si je connais l’anglais ! Panique à bord. Je cherche un soutien autour de moi. Je rencontre le regard de la secrétaire de l’ambassade avec laquelle j’avais sympathisé. D’un léger mouvement de la tête, elle m’encourage à répondre positivement. Donc je réponds : « Oui ! ». Et voilà, c’est dans la poche.

Deux mois plus tard, je pars pour l’Algérie pour enseigner l’anglais. Heureusement, il s’agira d’une première année d’anglais !

Je comprendrai plus tard les raisons de cette alternative assez étonnante.

Après l’indépendance et le départ des Français en 1962, presque tous les postes d’enseignants sont vacants. Il y aura d’ailleurs pénurie pendant plusieurs années. Des professeurs vont donc être recrutés un peu partout. D’abord dans les pays francophones, mais aussi dans les pays de l’Est. Le fait de posséder un diplôme universitaire est déjà suffisant en soi, à la limite quelle que soit la matière à enseigner. Pour l’enseignement de l’arabe, les enseignants viennent d’Irak, de Syrie, d’Egypte,… On chuchotera que plusieurs d’entre eux n’ont aucun diplôme. L’un d’eux aurait même été chauffeur de taxi au Caire. 

Nous sommes à la mi-septembre. Mon avion décolle de l’aéroport de Zaventem. Une Caravelle. Après le survol de la France et de la Méditerranée, j’entrevois la côte algérienne par le hublot. Lors de mes nombreux allers-retours, j’aurai souvent cette image impressionnante, chargée d’émotion. L’aéroport de Dar el Beida grouille de monde. Je cherche un bus qui m’emmène à Alger. Je me sens un peu perdu. Arrivé dans le centre, il me faut chercher un hôtel pour passer la nuit. Les rues sont très animées. Finalement, j’en trouve un dans une des rues principales, juste au dessus d’un restaurant.

Le lendemain matin, direction la gare. Un petit train à vapeur doit m’emmener à El Khémis, la petite ville où je suis affecté. Le trajet est lent et long : 120 km. Je découvre les paysages, ils sont très beaux : la plaine de la Mitidja, les montagnes,…

Arrivé en gare d’El Khémis, je descends du train avec, dans les mains, mes deux valises et un gros sac.

Chargé comme un mulet, j’emprunte la rue principale. Au fur et à mesure que j'avance, il y a de plus en plus de monde. Les gens me regardent passer. Il fait fort chaud. Je découvre peu à peu la ville. Et dire je vais y vivre pendant deux ans ! Presque au bout de cette rue, je trouve enfin un hôtel. Il s’appelle l’«Univers». Tout un programme ! Il y fait fort sombre. C'est presque même sinistre !

J'ai rendez-vous avec l'Inspecteur de l’enseignement, le lendemain. Il s’appelle Mr Yahi. Il me fait visiter l'école où je serai professeur. Les bâtiments sont très vieux, mais juste à côté, de nouveaux sont en construction et ils seront terminés pour la rentrée scolaire prochaine.

J'aurai un logement à la Cité Emir Abdelkader qui se trouve un peu plus loin, en contrebas. Elle est dirigée par un gros monsieur qui a plein d'enfants et qui crie très fort ! On y arrive par un chemin poussiéreux, plein de pierrailles. Au cinquième étage, de la terrasse de mon appartement, la vue sur la plaine du Chélif est superbe. Ce pays inconnu me fait un peu peur.

Les jours suivants, je fais rapidement connaissance avec le «Cheik» Zerhouni (le directeur) et les autres enseignants du Collège Ben Badis : Lavallée, Bardot, Ménard et un «vieux» prof de français, Mr Orretégui. Il me parait vieux, mais c’est sans doute parce que je n'ai que 23 ans ! En fait, il n'a peut-être que 40 ou 45 ans.

Ils me parlent de la vie ici, ils m'expliquent les classes, les cours, comment cela se passe.

J'aurai environ 200 élèves ! Je suis un peu inquiet car je n’ai pas d’expérience et je ne me suis jamais trouvé face à autant d'élèves !

Première leçon, j'ai fort le trac. Comment cela va-t-il se passer? Il faut utiliser un ancien livre d'anglais qui n'est pas du tout adapté. Plus tard, il y aura un autre livre plus amusant : "Martin and Jillian". Certains s'en souviennent sans doute !

Donc, première leçon : Nr one is a..., Nr two is a... (je ne me rappelle plus) et Nr three is a bee (prononcé Zebee). Eclats de rire dans la classe. Je ne comprends pas. Plus tard, on m'expliquera pourquoi !! Ah! La langue anglaise est bien traître avec ses mots qui ressemblent parfois à certains vilains mots algériens ! Mais moi, je l'ignorais. Le lendemain, pour éviter, par la suite, de mauvaises surprises, j'ai donc appris toutes les expressions vulgaires en algérien !!

Parmi les élèves, je repère rapidement ceux qui sont sérieux et studieux et ceux qui sont dissipés et bavards. Mais dans l’ensemble, ils sont plutôt fort sympathiques. J'y reviendrai plus loin.

Michel Van Muylem (2006)

À suivre

1a418031b8d591e1645df8aea033c6bd.jpg
Gare de Khemis-Miliana (Affreville)

Les commentaires sont fermés.