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01/03/2012

LES DÉSILLUSIONS D'UNE « PIED-ROUGE » (ANNE ROGER BEAUMANOIR)

 

Les accords d'Evian? C'est à Tunis, où elle s'est réfugiée en 1960, que le docteur Anne Roger, mince Bretonne aux yeux turquoise, éminente neurophysiologiste et ancienne « porteuse de valises » du FLN, que la « doctoresse rouge », comme l'a surnommée un journal français, annonce à ses patients que l'heure du cessez-le-feu approche. Les djounouds, ces jeunes maquisards algériens dont elle soigne les troubles psychiques, l'ont-ils entendue? « Lorsque, le 18 mars, j'annonçais avec, jubilation aux pensionnaires des "maisons psychiatriques" du Bardo et de La Marsa que le lendemain serait une grande fête, la plupart restèrent cois. Il est vrai que par définition ils n'étaient pas très clairs du côté de la tête... », rapporte-t-elle avec humour dans son autobiographie, Le Feu de la mémoire, la Résistance, le communisme et l’Algérie, 1940-1965 (Bouchène, 2009).

 

Parmi les soldats algériens qu'elle visite, la plupart souffrent de « névroses de guerre », il y a quelques cas de « schizophrénies, déjà diagnostiquées par [Frantz] Fanon » — auquel elle a succédé — « beaucoup de névroses hystériques, pas mal de simulations ». Certains djounouds ont été les victimes de règlements de comptes au sein de l'ALN. Bien que son expérience tunisoise l'ait « pas mal refroidie », confie-t-elle, quand arrive l'indépendance, elle n'hésite pas : elle s'installe à Alger, rejoignant la cohorte hétéroclite de ceux qu'on baptisera les « pieds-rouges » — ces Européens, Français pour l'essentiel, venus aider à construire « l'Algérie nouvelle ». Sous Ben Bella, le docteur Roger deviendra membre du cabinet du ministre de la santé, directrice de la formation médicale et paramédicale, poste qu'elle occupera jusqu'au coup d'État du colonel Boumediene, en juin 1965. Mais c'est une autre histoire... En mars 1962, l'infatigable quadragénaire goûte la joie de la victoire. Celle des jeunes hommes de l’ALN, que la domination coloniale avait contraint à n'être que des indigènes ou des fellaghas : «Quand je voyais ces soldats... Ils avaient le droit d'avoir leur identité propre, leur nationalité. Ils avaient mérité d'être Algériens, je voulais les aider à ça », explique Annette Roger. «Il n'aurait pas fallu rêver plus loin », ajoute-t-elle aujourd'hui.

 

BEAUMANOIR_Carte-1962-01-29.jpg

Elle qui avait 18 ans, quand elle s'est engagée dans la Résistance, comprend sans doute  mieux que beaucoup les souffrances endurées par les maquisards et les combattants indépendantistes, contraints à la clandestinité ou à l'exil des maquis. Son expérience de résistante (qui lui a valu, à la fin des années 1990, d'être nommée Juste de France par le comité français pour Yad Vashem), son passage au Parti communiste (qu'elle quitte en 1955), puis son militantisme dans les réseaux d'aide au FLN ont affiné ses convictions politiques.

 

Antifasciste et antistalinienne, Annette Roger voit dans l'esquisse de la révolution algérienne l'espoir d'une « nation moderne et démocratique» : contribuer à son éclosion, c'est « participer à l'émanci­pation des peuples opprimés » et «aider au maintien de liens » entre le futur Etat algérien et la France. Tel était son état d'esprit, au début des années 1960. «Mirage sublime, désillusions en perspective », commente-t-elle aujourd'hui. Sans regret, pourtant : que pouvait-elle faire d'autre, elle à qui on a appris, dès l'enfance, que « brimer, asservir l'autre, surtout s'il est le plus faible, c'est renier son humanité » ?

 

CATHERINE SIMON

Le Monde Hors-Série

Guerre d’Algérie

Mémoires parallèles

2012

 

 

 

 

Commentaires

je viens de vous découvrir grace au documentaire sur les années pieds rouges , j'ai honte 50 ans aprés , en Algérie on nous a cacher votre combat et parcours y'compris chez les laïcs algériens . l'état de boumedienne était ingrat et hostile a votre égard . vous méritez vous et vos camarades un hommage de la part des algériens peuple et pouvoir

Écrit par : boukhelifa | 14/09/2013

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