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08/09/2011

Pierrot de MAGNONNET à BISKRA et DJELFA

 

Une fois ordonné prêtre en Tunisie chez les Pères-Blancs, je pris la décision d'apprendre l'arabe à TUNIS, de 1960 à 1962, et ai passé un diplôme d'arabe littéraire à l'Institut pontifical des langues orientales, comprenant une formation à la civilisation et religion musulmanes.

Je rentrai en Algérie au lendemain de l'indépendance, appelé par Mgr Mercier, évêque du Sahara.

J'ai été envoyé à Biskra, pour transformer la vieille bibliothèque des Pères-Blancs en une salle d'animation culturelle. Le soir de mon arrivée, un ingénieur des Ponts et Chaussées avait été assassiné  dans l’enceinte de la chapelle de Ouled Djellal, à la suite d’une dispute avec un soldat de l'Armée de libération nationale, car il avait empêché son âne de brouter l'herbe de l'enceinte de la chapelle.

Je me suis rendu dans les endroits les plus pauvres de Biskra, en uniforme de Père-Blanc (gandourah, burnous et rosaire). J'y ai été agressé à coup de pierres. D'un commun accord avec le Supérieur, je décidai de ne plus ponter l'uniforme des Pères-Blancs, obstacle à mon désir d'aller vers les plus pauvres. L'esprit d'ouverture, prélude au Concile Vatican II qui s'ouvrirait quelques années plus tard, avait permis cette première victoire contre le dogmatisme.

 

Je commençai à engager un combat contre les structures et institutions ecclésiastiques, que j’estimais obsolètes dans l'Algérie indépendante. Il a fallu se battre contre les conservateurs intégristes Pères-Blancs, heureusement peu nombreux, contre le clergé pied-noir où grenouillaient, tant en Algérie qu'en Tunisie, des sympathisants de « l'Action française », embrigadés par la revue « Verbe » et sa défense de l'Occident contre l'Islam.

J'ai laïcisé la bibliothèque pour la rendre accessible aux Arabes, et répondre à leurs besoins du moment, dans un contexte de naissance de l'Algérie indépendante. Les ouvrages religieux ont été transférés à la paroisse. Cette ouverture au monde arabe m'a été reprochée, mais la majeure partie de mon équipe était sur cette ligne. Nous avons réalisé l'évolution adaptée aux circonstances du moment : être arabe avec les Arabes. J’ai contribué à la restauration de la dignité des Algériens, au développement du pays, à l'aide humanitaire aux plus pauvres.

L'Eglise, et notamment les Pères-Blancs, avaient rompu avec le colonialisme, et de ce fait, nous étions bien acceptés par la population, à cause des services que nous lui rendions ; notre place de chrétiens était là, pas ailleurs.

Laïcisation et ouverture sur la civilisation arabe, l'Islam, les enseignants laïcs de la coopération, baignés d'anticléricalisme. En ouvrant les locaux de la mission, je cassai de cette manière, l'image trop cléricale de la mission: façon d'entrer dans VATICAN Il avec Jean XXIII.

Je participai au développement de l'Algérie indépendante, en devenant Vice-Président de l'Université Algérienne Populaire de Biskra (1964), un mythe de la nouvelle idéologie socialiste.

Malgré ma bonne volonté d'intégration au monde algérien et musulman, j'ai été mis en cause par la jeunesse du Front de Libération Nationale. J'ai ressenti qu'il y avait une tendance du pouvoir algérien qui tentait d'éliminer tout ce qui était français, même « pied-rouge », qui voulait participer au développement de l’Algérie indépendante. Il aurait fallu rentrer complètement dans le nouvel ordre : être algérien, socialiste, autogestionnaire et membre du Front de Libération Nationale...

 

BISKRA_Formation professionnelle.jpg

On m'a demandé de donner des cours au Centre de formation professionnelle de Biskra, nouvellement créé, puis de devenir Directeur-Adjoint en l'absence de Directeur. Comme souvent dans ma vie, j'ai eu l'impression qu'il fallait dire non. Au fond de moi, j'étais opposé à toute action missionnaire à travers l'enseignement et des structures diverses (centre de formation professionnelle d'adultes, école primaire et secondaire libres), disons des « institutions », coûteuses à tout niveau, et qui empêchaient l'annonce de l'Évangile par contact personnel et vie en proximité des gens. Je pensais que ma vocation, c'était le contact avec la population, et non pas une position d'autorité. Toutefois, j'ai fini par obéir par réalisme. J'ai accepté, parce que la structure dans laquelle, je me trouvais n'avait personne d'autre que moi à mettre à ce poste.

 

Ensuite, je fus nommé directeur du Centre de Formation Professionnelle de Djelfa. J'y suis resté quatre ans. Modernisant le centre, je l'ai fait rentrer dans l'autogestion pratique, en conformité avec les directives du pouvoir algérien. Suite au mouvement de mai 1968, je suis allé plus loin ; je réalisais moi-même ma propre perestroïka dans ma manière de diriger le Centre, en harmonie avec mes orientations tiers-mondistes et de partage des richesses.

En 1972, la Direction Départementale du Travail de Médéa m'informe que je ne peux pas rester directeur, parce que je ne suis pas algérien. Elle me propose une formation. J'ai moi-même dû former mon successeur

 

 

BRAND Philippe_Des prêtres épousent leur humanité_2007.jpgTémoignage extrait du livre :

 

Des prêtres épousent leur humanité

 

de Philippe BRAND

 

L'Harmattan, 2007

 

Commentaires

Quelle tristesse de lire ce raccourci de votre investissement algérien. Malgré votre soumission aux nouveaux pouvoirs de l'Algérie, ceux qui sont toujours en place et affament et désespèrent leur peuple, malgré votre croisade anti-colonialiste, vous avez été rejeté par cette Algérie là.
Quelle ingratitude à votre égard, vous qui étiez en renoncement permanent, au service d'une idéologie d'exclusion ( l'Algérie est un pays islamique soumettant à contrôle et rejet les autres religions) !
De cette Algérie française dont vous n'avez rien connu, vous devriez être plus prudent dans le jugement. Quant à votre appréciation sur les Pieds-Noirs, peut-être devriez vous être plus en comprehénsion, sinon en compassion.
Le renoncement ne paie pas. Dommage pour vous!

Écrit par : perez | 08/09/2011

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