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25/11/2010

(Danse avec le siècle) Stéphane HESSEL

 

Il fait partie des rares hommes qui inspirent de l’admiration et du respect. Courageux, jamais découragé, enthousiaste mais lucide, Stéphane Hessel a « dansé » avec le XXème siècle et continue de se battre pour que le suivant soit meilleur. Un homme hors du commun.

 

Vous avez toujours été engagé. Parlez-nous de votre dernier engagement.

Avec Michel Rocard et Milan Kucan, premier président de la Slovénie ou encore Edgar Morin, Jürgen Habermas, Henri Atlan, nous avons fondé le « Collegium International » qui porte aussi le sous-titre « Ethique scientifique et politique ». Il s’agit de contribuer à identifier et de proposer des réponses aux défis à l’échelle du monde. Ils sont au nombre de trois : celui de la pauvreté face à la richesse, celui de la dégradation de la planète, celui de la violence et ses formes nouvelles (ethnique, tribale, intra étatique). Nous souhaitons que les recommandations du « Collegium » soient prises en compte par les Nations–Unies. L’un des premiers textes du « Collegium » est une « Déclaration universelle d’interdépendance ».

 

Quel avenir voyez-vous aux Nations-Unies ?

La Charte reste un instrument indispensable. Il faut renforcer le rôle des Nations Unies au moment où les Etats-Unis ont la tentation de créer un autre organisme. Il faut renforcer le rôle du Conseil de Sécurité et des instances chargées de rendre « opposables » les droits économiques et sociaux pour tous. Nous avons aujourd’hui besoin d’un « choc des consciences » devant les dangers comme le furent, pour ma génération, Auschwitz et Hiroshima. La violence des conflits et la question de l’environnement font partie de ce « choc ».

 

Quel est votre rapport à l’éducation ?

J’ai été fonctionnaire des Nations Unies à deux périodes : en 1946 et en 1970. Mais j’ai occupé aussi des responsabilités au ministère de l’Education nationale, à la Direction de la Coopération, de 1959 à 1964 au moment de la transition coloniale. J’ai aussi travaillé en Algérie de 1964 à 1969. Les défis étaient immenses : comment une ancienne métropole pouvait aider des pays qui accédaient à l’indépendance ? Quelles réformes de l’enseignement ? Je garde une vision critique de cette période : si les enseignants faisaient un formidable travail, les gouvernements n’ont pas agi suffisamment pour que ces pays changent. La France a joué les chefs d’Etat en place au lieu d’aider les jeunes générations de responsables.

 

Quel est votre regard sur les questions liées à l’immigration ?

L’immigration est une composante majeure de notre histoire. Une France en état de marche n’est pas trop préoccupée par ces questions, mais une France avec des problèmes d’emploi voit ressurgir les fantasmes et les peurs. Le choc pétrolier a rendu les Français craintifs, angoissés et la peur de l’étranger s’est installée. Soyons clairs : la délinquance est liée à la pauvreté, pas à l’immigration. Soyons tout aussi clairs : les flux migratoires sont souhaitables et bénéfiques. Mais il faut, à l’échelle de l’Europe, mettre en œuvre une réelle politique de co-développement et une lutte sans merci contre les filières mafieuses qui exploitent la détresse et contre les entreprises qui utilisent les clandestins de façon cynique. Il faut aussi mettre en œuvre une politique intelligente de régularisation comme ce fut le cas au temps de Jean-Pierre Chevènement. Le « collège des médiateurs » dont je faisais partie a fait aussi de bonnes propositions. Il faut régulariser avec des critères précis. L’immigration n’a pas à être choisie ; elle doit être concertée.

 

Quel rôle doit jouer l’Europe ?

L’Europe n’aurait-elle pas dû jouer la carte de l’approfondissement avant celle de l’élargissement ? A propos du référendum, la situation économique dégradée a fait peur. Il faut désormais reprendre la réflexion institutionnelle. Un nombre restreint d’Etats doit faire progresser l’Europe dans différents domaines comme l’immigration ou la recherche. Il faut recréer une dynamique. Mais pour cela, nous avons besoin de former des Européens dès le plus jeune âge. Le message est simple : les enfants sont les héritiers du formidable effort de leurs parents et nous sommes 450 millions d’Européens qui ont, dans ce monde, une responsabilité particulière. Il faut que s’installe un sentiment de citoyenneté européenne. La formation des enseignants doit aussi intégrer la dimension européenne : ils ne sont pas seulement des transmetteurs de savoirs, ils contribuent à la formation des esprits dont « l’esprit européen ».

 

HESSEL-Stéphane_Danse avec le siècle.jpg

 

« Danse avec le siècle » : le titre de l’autobiographie publiée par Stéphane Hessel en 1997 était bien choisi. Né en 1917, Stéphane Hessel saura faire preuve de courage très tôt. Il choisira De Gaulle, sera résistant. Puis déporté à Buchenwald et Dora. Diplomate, il participera à tous les grands moments de la vie internationale du XXème siècle. Il sera nommé ambassadeur de France en 1981. Né allemand, Stéphane Hessel est un homme de plusieurs cultures, un homme du Monde en quelque sorte. Fils de Franz et Helen Hessel qui formeront avec Henri-Pierre Roché le célèbre trio de « Jules et Jim », c’est un homme libre qui, à presque 90 ans, vient de publier un ouvrage de poésie, défend les sans-papiers et se bat pour l’avenir du monde au sein du « Collegium international » dont il est un des fondateurs.

 

 

Source : UNSA

 

 

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