17/11/2010
Pour qui sonnait le gaz ? (JACQUES BERTHOMEAU)
… Moi je n’ai jamais porté l’uniforme mais j’ai effectué mon Service National comme VSNA, 18 mois à l’Université de Constantine comme maître de conférences. J’ai donc vécu deux années en Algérie sous le régime « socialiste » du colonel Boumediene affligé de toutes les tares de la bureaucratie et de la toute puissance des militaires. Comme dans tous les régimes dictatoriaux à discours marxisant la dérision entre 4 murs était le seul oxygène de mes étudiants et étudiantes ( parmi lesquelles il y avait la petite fille de Ferrat Abbas le pharmacien de Sétif) : la plaisanterie la plus prisée étant, lorsque nous faisions la queue pour obtenir une bouteille de gaz, « pour qui sonnait le gaz ? » en référence à la Société Nationale en charge du Gaz : la Sonelgaz qui, dans un pays recelant de fabuleuses ressources de gaz naturel trouvait le moyen de créer la pénurie. Pour mettre un peu de gaîté dans l’atmosphère pesante il nous restait plus qu’à faire partager à nos invités le verre de l’amitié en débouchant une bouteille de cuvée du Président achetée chez le seul entrepositaire de Constantine qui ne pouvait le vendre qu’aux coopérants. Pourquoi me direz-vous revenir sur cette histoire douloureuse en y rajoutant des souvenirs personnels ? Tout simplement pour ne pas verser dans un penchant bien français de réécrire l’Histoire ou de porter sur des évènements, encore tout proches, un regard contemporain. Dans l’histoire du vignoble français, le vignoble algérien des années coloniales a joué un rôle capital dans l’émergence d’un grand négoce assembleur, embouteilleur, à Paris tout particulièrement. La « saga du gros rouge » s’appuyant sur un vignoble moderne, industriel, une sorte de préfiguration du vignoble du Nouveau Monde, est une réalité qui a modelé l’image du vin dans notre pays en créant une césure, que nous n’avons pas encore effacée, entre le litre syndical 6 étoiles et la bouteille de vin bouché, les Vins de Consommation Courante et les Vins Fins. Nos concurrents du Nouveau Monde et les consommateurs qu’ils ont créés n’ont pas eu à surmonter ce handicap. N’oublions pas que dans Mythologies lorsque Roland Barthe écrit « le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre. » il fait référence au vin de tous les jours « pour le travailleur, le vin sera qualification, facilité démiurgique de la tâche (« cœur à l’ouvrage »). Pour l’intellectuel, il aura la fonction inverse : « le petit vin blanc » ou le « beaujolais » de l’écrivain seront chargés de le couper du monde trop naturel des cocktails et des boissons d’argent. » Réduire ce « vin populaire » à une affreuse piquette relève de l’erreur historique ; il était dans sa grande majorité d’une qualité correspondant aux attentes de ses consommateurs. Vin de tous les jours et Vin du dimanche et fêtes, l’examen des magnifiques Catalogues de la maison Nicolas montre qu’à cette époque les marchands de vin vendaient du Vin, des Grands, même des très Grands et des Petits, sans se prendre le chou...
07:15 Publié dans 6-CONFRONTATION d'idées | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook
Commentaires
Ferhat Abbas le pharmacien de Sétif n'avait d'enfants!!! de là à avoir une petite fille?!
Écrit par : fifine | 26/11/2010
Cette "petite fille" de Ferhat ABBAS l'était sans doute de coeur
" En abordant, en 1939, la question de la scolarité des petites filles, femmes de demain, Ferhat Abbas pouvait-il ne pas se laisser déborder par sa propre douleur, celle de ne pas avoir eu une fille ? En homme sensible, il ne le pouvait pas. Il dit que si Dieu enrichissait son foyer d’une fille (il avait alors 40 ans) il l’élèverait avec l’instruction, l’éducation et la morale. « Ferai-je son bonheur ou son malheur ? Je ne sais. » Mais là où Ferhat Abbas n’a aucun doute c’est que « cette éducation est devenue, dit-il, une nécessité sociale » " (El Watan)
Écrit par : GéLamBre | 28/11/2010
Les commentaires sont fermés.