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24/09/2010

Pas de repentance pour Daniel CABUZEL (1)

  

Colonisation : faut-il culpabiliser ?

La réponse est non, surtout pour les Français d’aujourd’hui. La colonisation a revêtu bien des aspects militaires, économiques, sociaux, philosophiques, etc.

Les uns sont négatifs, même très négatifs, sur fond de conquêtes et de massacres, d’exploitation et de racisme, d’évangélisation musclée, de recrutement de chair à canon.

Les autres, plus ambigus, reposent sur des concepts civilisateurs, les apports culturels, la mobilité (immigration dans la métropole), le développement économique grâce entre autres aux infrastructures publiques, la rationalisation administrative, la fin des guerres intestines et des razzias esclavagistes, essentiellement arabes à cette époque.

Quand on essaie de faire un bilan, il est bien difficile de se prononcer en toute objectivité tant ce problème reste passionnel, surtout après les guerres d’indépendance. Bien difficile de faire un bilan comparatif, tant les puissances coloniales étaient omniprésentes dans le monde entier. Que serait devenue la Chine sans les enclaves occidentales ? Que serait aujourd’hui le Japon sans la guerre mondiale, l’occupation et l’aide américaine ?

Toutefois, pour s’en tenir à la colonisation française, force est de constater une grosse différence entre les colonies de peuplement, essentiellement l’Algérie, et les possessions d’Afrique noire qui ont accédé à l’indépendance sans effusion de sang ou presque.

Des générations entières de Français ont été envoyées sur place pour pacifier, moderniser, construire, administrer, guérir, enseigner. Il est tout à fait injuste de les mettre dans le même panier que les exploiteurs de tout poil. J’ai passé personnellement trois ans de coopération en Algérie, et je ne me sens pas du tout concerné par la repentance préconisée par les « Indigènes de la République. » Tous les « Français » d’Algérie n’étaient pas partis : j’y ai rencontré de nombreux enseignants pieds-noirs qui n’avaient rien à se reprocher et à qui on ne reprochait rien.

J’ai bien connu, pour des raisons familiales, les milieux coloniaux africains, essentiellement fonctionnaires ou assimilés. Certes, les conditions de vie étaient, à qualification égale, bien plus faciles qu’en métropole, climat excepté. La nombreuse domesticité à moindre coût n’y était pas pour rien, sans compter les avantages spécifiques comme le « tiers colonial ». On sait aussi que l’économie était essentiellement primaire (plantations, extraction, exploitation forestière, transports, etc.), confiée à des entreprises métropolitaines employant la main d’œuvre locale encadrée par des contremaîtres coloniaux, sans investissements lourds. Les investissements publics étaient certes d’abord destinés à cette économie coloniale, mais elle a profité et profite encore aux populations locales.

Le départ des coloniaux n’a pas posé pour eux de problèmes graves. Les entreprises sont d’ailleurs souvent encore en place.

Il en a été tout autrement en Algérie. …

 

lundi 23 novembre 2009, par Daniel Cabuzel

 

 

Claude Liauzu_Dictionnaire de la colonisation française.jpg

 

Source

 

 

14/09/2010

M Raymond Alexis JOURDAIN, ancien sous-préfet d'Alençon

 

Le Secrétaire Général de la préfecture et sous-préfet de l'arrondissement d'Alençon

M Raymond Alexis JOURDAIN

En poste depuis le 31/03/2008

 

Biographie

Né le 13 février 1949 à Fleurigné (35)

 

1er Septembre 1969 : Ouvrier, employé de bureau, enseignant en coopération en Algérie et Zambie

 

1er Janvier 1979 : élève attaché à l'IRA de Nantes

 

1er Janvier 1981 : Attaché de Préfecture à Niort (Deux Sèvres), chef du bureau des affaires communales, mis à disposition du Conseil Général dans le cadre de la décentralisation

 

1er Septembre 1984 : Conseiller d'Administration Scolaire et Universitaire au rectorat de l'Académie d'Orléans Tours

 

1er Septembre 1986 : Directeur Général Adjoint du Conseil Général des Deux Sèvres, et direction à titre bénévole à sa création, d'une SEM d'aménagement compétente en matière hydraulique, construction de grands barrages notamment

 

1er Novembre 1991 : Directeur Général des Services de l'OPDHLM de Vendée

 

1er Décembre 2002 : Directeur Général des Services de l'OPDHLM de Seine et Marne

 

1er Octobre 2005 : Sous Préfet de Cosne Cours sur Loire

 

31 Mars 2008 : Secrétaire Général de la Préfecture de l'Orne

 

ALENCON_Inauguration de La Providence par M Raymond Alexis JOURDAIN_2009-12.jpg

 ALENCON : Inauguration de "La Providence"

par M Raymond Alexis JOURDAIN

Décembre 2009

 

07/09/2010

La caméra, une arme « pacifique » (René VAUTIER) extrait 2

 

René Vautier : … Je me suis donc évadé, puis je suis revenu après avoir été téléphoner d’une ferme à côté à des responsables tunisiens. Je ne savais pas qu’il y avait des conflits internes dans la révolution algérienne et je suis tombé sur un gars qui est devenu un bon copain ensuite, qui m’a dit « On ne savait pas que tu étais là, on croyait que tu étais prisonnier des Égyptiens. » Puis ça s’est mal passé, on avait dit aux gardiens algériens que je m’étais évadé, que j’allais me rendre à l’ambassade de France, que la prison allait être bombardée… Donc, on m’a, pas scientifiquement, mais c’est vrai qu’on m’a torturé. Je pouvais difficilement râler, parce que les gars m’ont dit qu’ils avaient appris à torturer à la bonne école, dans l’armée française en Indochine. Donc on sait torturer les gens, et on va te faire parler, mais ils n’ont pas réussi.

 

A. Doinel : À ce moment-là, vous ne doutez pas ? Vous gardez la foi, l’espoir dans le combat anticolonialiste ?

René Vautier : Oui, toujours ! J’ai pu par l’intermédiaire d’Algériens qui étaient aussi en prison, mais qui avaient le droit de voir leur famille, sortir une lettre pour mes enfants. Parce que le problème, c’est que je ne pensais pas que je m’en sortirais. Et je ne voulais pas que mes enfants deviennent racistes. C’est une révolution qui a des problèmes et si je ne rentrais pas, il ne faudrait pas qu’ils deviennent anti-algériens. La lettre existe toujours, c’est devenu un truc historique ! Finalement, j’ai été libéré et c’était en 1960 ; les Algériens ont organisé une diffusion du film en Tunisie en disant « c’est le Français qui l’a fait, c’est notre frère, c’est notre camarade », et je suis resté faire des films sur les enfants orphelins de guerre algériens et former des opérateurs algériens, à la frontière algéro-tunisienne.

Ensuite, en 1962, entre le cessez-le-feu et l’indépendance, je suis rentré en Algérie et on a décidé de créer un centre de formation audiovisuelle, avec les copains algériens qui avaient été au maquis avec moi en 1957-58, pour promouvoir un dialogue en image entre Français et Algériens. Ça a donné un film qui s’est appelé Peuple en marche, dont on avait tenu qu’il soit développé en France puisque la guerre était finie. Et il a été détruit, le négatif a été détruit au laboratoire, en France, par la police*.

 

Je suis resté jusqu’en 1965-66 en Algérie, ma femme et mes gosses étaient venus me rejoindre là-bas, mais je ne tenais pas non plus à en faire des petits Algériens : alors je suis rentré et je me suis dit qu’il fallait que je comprenne et que je donne la parole à des Français qui avaient fait la guerre d’Algérie. Il fallait avoir l’autre côté pour recréer aussi un dialogue sur ce plan-là. Donc j’ai enregistré des centaines d’heures de témoignages d’appelés et de rappelés et à partir de ça, j’ai bâti le scénario de Avoir 20 ans dans les Aurès. Il y avait presque dix ans qui s’étaient passés depuis la fin de la guerre d’Algérie et je tenais à ce que ça soit tourné avec des acteurs, mais dans des conditions les plus proches possibles de ce dont ils témoignaient. Et puis on a eu l’appui d’une commission du Centre national du cinéma et on a tourné avec des problèmes de tous les côtés. Côté français, évidemment ça ne s’arrangeait pas très bien, je n’ai jamais trouvé un producteur mais on avait créé l’Unité de production cinéma Bretagne avec des copains. Et c’est l’Unité de production cinéma Bretagne qui a produit le film.

 

A. Doinel : Il s’agissait d’une coopérative ?

René Vautier : Ça avait une forme coopérative, mais à l’époque les coopératives devaient verser 30 millions de centimes qu’on n’avait pas, les sociétés d’auteurs pouvaient être elles-mêmes réalisatrices, mais ne pouvaient pas s’adresser à d’autres réalisateurs. Et j’avais l’intention de le réaliser moi-même. Donc c’était une société d’auteurs dont j’étais le gérant. Et puis on a trouvé des tas de techniciens qui avaient fait la guerre d’Algérie, des figurants, des acteurs algériens, un lieu de tournage à la frontière algéro-tunisienne et des acteurs, dont Philippe Léotard, qui acceptaient de travailler au minimum syndical.

 

René VAUTIER_Avoir vingt ans dans les Aurès_1971_ph-cahiersducinema.jpg

 

Théoriquement, il nous fallait 7 à 11 semaines pour tourner le film, et on s’est dit, avec l’argent dont on dispose, on ne pourra tourner qu’une semaine. Donc on s’est arrangé pour trouver une forme d’improvisation chez les acteurs à partir des textes qu’ils entendaient, des souvenirs des gens qui racontaient leur vécu pendant la guerre d’Algérie. Les acteurs devaient, à partir de là, imaginer ce qu’ils auraient fait eux, et ils l’ont joué un petit peu comme de la commedia del arte, qui était aussi un petit peu le type d’invention du cinéma néoréaliste italien.

On a donc tourné comme ça, puis on est rentré monter ; finalement on l’a terminé et il a été sélectionné pour le Festival de Cannes, d’abord dans la sélection officielle, puis enlevé et rattrapé dans la sélection des critiques, et il a eu le prix de la critique internationale. On l’a fait projeter, ça n’a pas toujours été facile mais on a eu le visa.

 

* Quelques courts extraits auraient été retrouvés !

 

 

Propos recueillis par A. Doinel (AL Rennes)

au festival Travelling Marseille

Rennes 2004

 

01/09/2010

La caméra, une arme « pacifique » (René VAUTIER) extrait 1

 

 ...

A. Doinel : Vous disiez, lors du débat précédant cet entretien, votre refus des armes « qui tuent » à la suite de votre engagement de résistant combattant. Considériez-vous alors votre caméra comme une arme « pacifique » ?

 

René Vautier : J’ai toujours considéré une caméra comme une arme de témoignage. Mais ce n’est pas une arme qui tue. Au contraire, ça peut être un instrument de paix. C’est pour cela que je me suis bagarré pendant cinquante ans pour qu’il y ait des dialogues d’images, et tous les films que j’ai faits, je considère que ce sont des dialogues d’images. Le réalisateur prend parti. Il s’engage d’un côté, mais il donne aussi la parole aux gens d’en face.

Je suis donc parti tourner en Algérie, entièrement avec de la pellicule qui m’appartenait. J’ai tourné d’abord un film en Tunisie, devenue indépendante, qui s’appelait Les Anneaux d’or. C’était le premier film de Claudia Cardinale. Puis avec mon salaire de réalisateur, j’ai acheté de la pellicule, j’ai pris contact avec des Algériens et je suis passé au maquis. Là j’ai tourné des interviews, des actions de guerre.

Puis j’ai été blessé, une blessure typique de cinéaste. J’avais pris des balles françaises dans la caméra, et l’objectif de la caméra avait explosé. Et j’avais un petit morceau de la bague d’objectif qui était venu se foutre dans mon crâne, un petit truc très acéré qui me gratouillait le cerveau. Les Algériens m’ont ramené, mais ensuite il fallait d’une part que je fasse le montage du film que j’avais envoyé au développement auprès de copains qui travaillaient dans des laboratoires en France et qui m’ont renvoyé le film en Tunisie ; et on a aussi étudié la question des soins à m’apporter. Il n’y avait qu’une solution, comme il y avait des ambassades de France qui pouvaient demander mon extradition parce que j’avais dit très publiquement que j’allais tourner aux côtés des Algériens, le seul endroit où je pouvais être soigné et faire le montage du film c’était un endroit où il n’y avait pas d’ambassade de France : c’était la République Démocratique Allemande. Je suis donc allé là-bas, mais ça avait pris cinq semaines pour avoir des papiers.

Quand je suis arrivé là-bas, on s’est aperçu qu’un cale s’était formé sous le petit morceau de caméra, et les chirurgiens allemands ont estimé qu’il valait mieux laisser ça. C’est comme ça que je suis sans doute le seul cinéaste à avoir encore un morceau de caméra dans la tête !

On a monté le film, on est allé le présenter, et j’avais promis à un responsable algérien de faire une version arabe dans laquelle les Algériens, sur mes images, feraient un commentaire en arabe. Pour le reste ce serait un film français, anglais, allemand, parlant différentes langues, mais la version arabe ce sont eux qui la feraient. Ils m’avaient envoyé deux gars en Allemagne qui ont fait la traduction du commentaire en arabe.

J’avais cette copie que je m’étais engagé à donner à Abane Ramdane, responsable de l’information du Comité de coordination et d’exécution (CCE), l’organe supérieur de la révolution algérienne. Je n’avais plus aucune nouvelle, je ne savais pas quoi faire avec la bobine, et j’ai appris qu’il y avait une réunion du CCE au Caire. J’ai pris un billet, et j’ai organisé au Caire la projection de la version arabe. Ce que je ne savais pas, c’est qu’Abane Ramdane avait été liquidé par d’autres Algériens et que c’était ces autres Algériens qui étaient là-bas.

On a projeté le film, il y a eu des applaudissements et des embrassades, puis un gars a dit qu’il fallait couper une séquence. Et j’ai pour principe de ne jamais rien couper quand on me demande de couper, de refuser toute censure, depuis que j’avais 18 ans à l’IDHEC.

J’ai dit, on ne coupe pas, mais on peut faire un pari. Si je gagne le pari, vous sortez le film tel qu’il est, autrement vous pouvez faire ce que vous voudrez avec, y compris couper, mais ce n’est pas moi qui y participerais.

Et je dis « le gars qui vient d’expliquer qu’il fallait couper une séquence, parce que dans cette séquence on voit des jeunes Algériens au maquis, qui pleurent en entendant, au garde à vous, la liste de leurs copains qui sont morts, ce gars n’a jamais mis les pieds au maquis. C’est un fonctionnaire de votre révolution, mais ce n’est pas un révolutionnaire. » Les gars se sont marrés, sauf celui que je visais, et ils ont dit : « On passe le film comme il est, sans rien couper. »

Mais je m’étais fait un ennemi, et ensuite j’ai été, sous prétexte d’être ramené en Tunisie et que je n’avais pas de papiers, collé dans le coffre arrière d’une voiture en me faisant passer pour un prisonnier français.

Et ils ne m’ont jamais dit que j’étais prisonnier. Arrivé à Tunis, j’ai vu que j’étais carrément détenu, dans une chambre d’hôtel dont je ne pouvais pas sortir. J’ai râlé, et on m’a emmené puis incarcéré dans une prison gérée par les Algériens. J’ai essayé de savoir pourquoi on m’emprisonnait, on ne me l’a pas dit. Dans ces conditions, j’ai dit que j’allais m’évader et au bout de six mois, je me suis évadé après avoir dit la date à laquelle j’allais m’évader, ce que personne n’a cru.

 

 

Propos recueillis par A. Doinel (AL Rennes)

au festival Travelling Marseille

Rennes 2004

 

René VAUTIER_J'ai 8 ans_1961.JPG

L'un des enfants algériens du film "J'ai huit ans" (Tunisie 1961)