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21/07/2010

Émigré dans mon pays (François LEFORT) 1

 

POURQUOI CETTE ÉTUDE ?

 

J'aime passionnément l'Algérie, j'y vis depuis douze ans et je continue encore à aller de découvertes en découvertes. J'ai été séduit par l'accueil de cette population que ce soit à Alger ou à El Oued, à Maghnia ou à Tébessa. J'ai été séduit par la solidarité, le rythme de la vie, la volonté farouche de réussir. J'ai été séduit par l'explosion du développement industriel ou culturel qui fait que malgré les difficultés qu'il ne faut pas nier, l'Algérie d'aujourd'hui ne ressemble déjà plus que de très loin à celle que j'ai connue il y a dix ans. Oui, j'ai été séduit par l'Algérie...

Et j'emploie volontairement ce terme, car je pense que c'est une caractéristique de ce pays, il ne laisse pas indifférent. Comme une belle femme, on l'adore ou on la déteste, parfois même les deux en même temps.

Depuis le 17 octobre 1961, une nuit oubliée où plusieurs centaines d'Algériens ont été abattus dans les rues de Paris, je passais le plus clair de mon temps dans les bidonvilles de Nanterre à voir naître, puis grandir ceux que l'on appellera plus tard (à tort) la seconde génération d'immigrés. Progressivement, je liais ma vie à ces jeunes, j'apprenais l'arabe et leur retour prochain en Algérie ne faisant alors pour moi aucun doute, je ne faisais qu'anticiper leur décision en allant moi-même m'installer à Alger pour les attendre en septembre 1970.

 

J'attends toujours, et je commence à m'impatienter. Le retour des jeunes émigrés est, hélas, un peu comme le serpent de mer dont on parle souvent mais que l'on ne voit pas.

Pourquoi ?

Pourtant, il y a eu des tentatives. J'ai vu passer chez moi à Alger des centaines de jeunes immigrés qui pour une raison ou une autre vivaient en Algérie. Leur situation était diverse. Ils étaient étudiants, militaires, expulsés, cadres supérieurs, barmen, clochards, jeunes mariés ou mariées, travestis... Aucun ne s'est vraiment établi. Beaucoup sont repartis en France définitivement, certains même avec la ferme intention de ne plus jamais revenir en Algérie même en vacances.

Pour moi qui suis une greffe qui semble avoir pris dans ce pays, leur réaction est souvent incompréhensible. Cette question me tracassait, il y avait, bien sûr, des arguments avancés mais ils cachaient quelque chose d'autre, alors j'ai cherché à comprendre les causes de ce rejet. La question était de savoir pourquoi les jeunes immigrés, quels que soient leur niveau d'études, leur sexe, leur classe sociale ou leur condition de retour, échouent pratiquement toujours quand ils décident de s'installer définitivement en Algérie.

En cc qui me concerne, cette question s'est posée avec beaucoup plus d'acuité en 1981, lorsque M. Christian Bonnet, ministre de l'Intérieur, améliorant l'outil progressivement aménagé par MM. Poniatowski et Marcellin, pensait avoir trouvé une solution idéale aux problèmes posés par la seconde génération immigrée (et particulièrement algérienne) en les expulsant définitivement du territoire français. En l'espace de quelques années j'ai accueilli chez moi près de 300 jeunes expulsés. Leurs conditions d'expulsion étaient presque toujours dramatiques, souvent scandaleuses.

C'est ainsi que j'ai vu un jeune être expulsé pour un vol de vingt-sept francs cinquante dans une maison de jeunes, un autre, paralysé des deux jambes, être accusé d'un vol à l'arraché, Minute lui reprochait même de s'être caché à l'hôpital pour se faire mettre une prothèse totale de la hanche au lieu de partir tout de suite en l'Algérie.

J'ai reçu un mineur qui avait été mis à l'avion sans que ses parents n'en soient avertis... mais ce procès a déjà été fait, et la grève de la faim de Lyon a heureusement contribué à éliminer, nous l'espérons définitivement, cette forme d'injustice vis-à-vis des jeunes.

 ...

 

François LEFORT ( en 1982 )

 

LEFORT-François_Emigré dans mon pays_couv.jpgFrançois LEFORT et Monique NÉRY

Émigré dans mon pays

 

CIEM, L’Harmattan,

Paris, 1985

 

Commentaires

Bonjour
Moi aussi j'adore ce pays
Faire revenir au bled la deuxiéme génération alors qu'en Algérie il y a la queue devant les ambassades pour l'optention d'un visa :paradoxal non!!!!!!
Je cotoie cette population et leur retour au pays n'est pas pour demain

Écrit par : Michel | 21/07/2010

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