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05/06/2010

La décolonisation de l’Algérie (Maurice FLORY)

 

 

Pour le F.L.N. l’Algérie a juridiquement fait sa rentrée dans la vie internationale dès le 19 septembre 1958, date de la création du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, effectivement reconnu entre 1958 et 1962 par une trentaine de pays.

L’existence de ce gouvernement algérien ne facilite pas la négociation amorcée depuis de longs mois déjà entre la République française et le Front de Libération Nationale. Les deux parties sont en accord sur l’essentiel mais, faute de se reconnaître, il leur est impossible de se rencontrer et de s’entendre officiellement. L’ingéniosité des diplomates finit par trouver l’expédient qui permet une rencontre matérielle : une région frontalière qui laisse les Algériens se présenter comme Front de Libération Nationale sur le sol français et comme Gouvernement provisoire sur le sol suisse. Mais cet artifice ne vaut que pour la phase de discussion ; il reste à s’entendre sur la mise en place d’un organe accepté par les deux parties et qui ne peut être le G.P.R.A. directement. Or cela suppose que le Gouvernement provisoire consente jusqu’à l’autodétermination à reconnaître en Algérie un autre pouvoir que le sien.

Six mois après Lugrin de nouveaux contacts s’amorcent. Le 10 janvier 1962, le G.P.R.A. réuni au complet à Mohammedia (Maroc) publie un communiqué qui constitue le premier indice de la relance attendue. Les pourparlers reprennent secrètement le 11 février, sont interrompus le 18 pour permettre aux négociateurs de rendre compte du côté français au Conseil des Ministres et du côté F.L.N. au C.N.R.A. réuni à Tripoli pour la circonstance du 22 au 27 février. La négociation se poursuit officiellement à Evian le 7 mars pour aboutir le 18 à la signature des Accords d’Evian. Ces textes disparates poursuivent un triple objectif : le cessez-le-feu, l’indépendance, la coopération. Pour y parvenir les deux parties finissent par trouver un accommodement ; sur le fond, satisfaction est donnée au F.L.N. sur presque toutes ses exigences; mais pour les mécanismes qui doivent permettre de réaliser les objectifs prévus, ce sont les thèses françaises qui sont finalement adoptées : le principe de l’autodétermination reste intact et constitue le pivot de la mutation ; jusqu’au jour où la population algérienne se sera prononcée, la France reste pleinement souveraine, refuse de reconnaitre le G.P.R.A. et persiste à considérer comme un geste inamical toute reconnaissance du Gouvernement provisoire par un pays étranger.

Pour assurer la difficile transition qui doit conduire à l’indépendance et déboucher sur la coopération trois mécanismes vont être mis en place : le premier assure la fin des hostilités, le second réalise ce tiers pouvoir indispensable pendant la période intermédiaire, le troisième est l’autodétermination proprement dite.

L’accord de cessez-le-feu en Algérie est placé non pas au niveau des gouvernements, mais à celui des militaires ; il s’agit d’une de ces conventions entre combattants auquel le droit international reconnaît une valeur juridique.  Si la République française se refuse à admettre l’existence du G.P.R.A.  en droit, elle reconnaît en revanche de façon très nette par cet Accord la belligérance en Algérie.

Pour permettre la réalisation du référendum d’autodétermination, il est créé en Algérie un Exécutif provisoire qui durant la période comprise entre les accords d’Evian et le référendum se voit attribuer la gestion interne de l’Algérie. L’autorité souveraine reste celle de la République française qui conserve notamment la politique étrangère, la défense et la sécurité du territoire, la justice, la monnaie, les relations économiques avec l’extérieur et le maintien de l’ordre en dernier ressort. La nomination de l’Exécutif provisoire ne peut appartenir qu’à la puissance souveraine en Algérie, c’est-à-dire au Gouvernement français qui y procède par un Décret du 6 avril 1962 ; mais la composition en est trop importante pour n’avoir pas fait l’objet de négociations avec le F.L.N. et d’un dosage très étudié.  Pour séparer l’Algérie de la métropole après des liens vieux de 130 ans, il fallait une procédure qui tienne compte à la fois des revendications nationalistes et des exigences démocratiques de la France. L’Autodétermination, c’est pour les nationalistes l’accès à l’indépendance et pour la France l’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Au niveau des principes l’accord pouvait donc se faire sur cette base ; il restait à l’organiser concrètement. Le principe de l’autodétermination avait été massivement approuvé dès le 8 janvier 1961 par plus de 15 millions de voix contre à peine 5 millions. Après les accords d’Evian l’autodétermination entre dans la voix des réalisations et il parait alors logique de distinguer deux groupes de populations également intéressées qui vont être consultées distinctement.  C’est l’Algérien qui s’autodétermine, c’est donc à lui et à lui seul qu’on demandera s’il veut devenir algérien ou rester français ; mais le métropolitain est aussi concerné par cette décision dans la mesure où elle risque d’amputer le territoire français de quinze départements et la nation française de dix millions d’habitants. Les accords d’Evian entraînent donc deux consultations.  Dès le 8 avril la métropole répond oui à la politique d’Evian par 90,70 % des suffrages exprimés et 64,37 % des inscrits. L’organisation du référendum en Algérie ne pouvait se faire dans des délais aussi rapides ; à Evian les deux parties s’étaient entendues sur la mise en œuvre de l’autodétermination et sur une solution unique en faveur de laquelle elles doivent faire campagne.  Mais il était nécessaire que la clarté et la sincérité de la consultation ne puisse être contestées ; d’où un règlement négocié à Evian mais formellement promulgué par le Gouvernement français par un décret du 19 mars. La révision les Listes électorales, la réglementation de la campagne électorale, les opérations de contrôle sont confiées à des organes désignés par l’Exécutif provisoire et, qui participent donc par définition de la confiance des deux parties. L’Exécutif provisoire fournit au Gouvernement français le texte d’une question qui reçoit approbation de celui-ci et est publié au J.O.R.F. du 9 juin 1962 : Voulez-vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 .  Le 1er juillet 6 017 800 votants sur 6 549 736 inscrits expriment 5 992 115 suffrages dont 5 975 581 oui, contre 16 537 non. La solution d’Evian obtient donc 91,23 % des inscrits et 99,72 % des suffrages exprimés.  La puissance souveraine n’a plus qu’à tirer les conséquences de ces résultats. Le Général de Gaulle s’y emploie dans la déclaration du 3 juillet 1962 portant reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie : Par le référendum du 8 juillet 1961, le peuple français a reconnu aux populations algériennes le droit de choisir leur destin politique par rapport à la République française. Par le référendum du 8 avril 1962, le peuple français a approuvé les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962, qui prévoient le cas où les populations algériennes consultées en vertu de la loi du 14 janvier 1961, choisiraient de constituer 1’Algérie en Etat indépendant coopérant avec la France. Par le scrutin d’autodétermination du 1er juillet 1962, le peuple algérien s’est prononcé pour l’indépendance de l’Algérie coopérant avec la France. En conséquence, les rapports entre la France et l’Algérie étant désormais fondés sur les conditions définies par les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962. ; le Président de la République française déclare que la France reconnaît solennellement l’indépendance de l’Algérie. Dès lors 1’Algérie devient indépendante sous le nom de République algérienne démocratique et populaire. Elle rejoint dans la souveraineté les deux pays frères qui l’ont précédée de six ans et ont réussi tout en maintenant des liens étroits avec la France à lui assurer un soutien inconditionnel. Rien ne s’oppose désormais à ce que le Gouvernement français reconnaisse le G.P.R.A. Sur la base des Accords d’Evian, la coopération peut s’organiser officiellement entre les autorités françaises et le F.L.N.

 

 

FLORY-Maurice_Méditerranée, espace de coopération.jpgMaurice FLORY

Auteur de "Chronique diplomatique"

 

Pages 420-422 

Commentaires

merci pour cet exposé enrichissant

Écrit par : nicole akamba | 27/11/2012

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