02/08/2011
Jean-Louis SAHUT à BOUZEGUENE (1)
L’école de Bouzeguene (Septembre 1962 à juin 1966), les premières années de l’indépendance.
De Volvic où je passe les vacances chez mes parents, je suis de près les évènements qui se déroulent en Algérie.
Début juillet, le G.P.R.A. présidé par Ben Khedda s’installe à Alger. Cependant après une série de luttes internes entre les différents clans, Ben Khedda est destitué et la République Algérienne est finalement proclamée le 25 septembre 1962 avec Ahmed Ben Bella à sa tête. Pendant ce temps, j’essaie de m’organiser pour mon retour. En effet, n’ayant pas demandé ma réintégration en France, je reçois un courrier de l’Inspection Académique m’enjoignant de rejoindre mon poste à la prochaine rentrée.
Comme la situation semble se normaliser en Algérie, j’écris donc à Amroun Tahar, président de la Délégation spéciale de la commune, pour l’informer de ma décision de continuer à servir en Grande Kabylie et à Bouzeguene notamment.
Il me répond presque aussitôt en se félicitant de ma coopération avec son pays. Mais il me reste un problème majeur à régler : celui de mes déplacements en Algérie. En effet, jusqu’à l’indépendance, les routes n’étant pas sûres et la circulation réglementée, j’emprunte les convois militaires, seuls transports alors à ma disposition.
L’armée française ayant, depuis le 1er juillet 1962, évacué ses bases, j’allais donc me retrouver seul à Bouzeguene, sans aucun moyen de locomotion.
Je décide donc, en accord avec mon père et sur conseil de notre garagiste, d’acquérir un véhicule d’occasion qui offre une bonne résistance aux chocs éventuels et surtout évite de tomber en panne continuellement.
Finalement nous optons pour une robuste 403 Peugeot grise à faible kilométrage, portant l’immatriculation : « 1 FH 63 ». Je conserverai ce véhicule jusqu’en 1969. Début septembre, j’apprends par la radio, puis par la presse que la rentrée scolaire en Algérie, initialement prévue pour le 30 septembre, est reportée au 15 octobre : en cause, le départ massif des Européens et la mise en place des nouvelles institutions. Je repousse donc mon départ et réserve une place de bateau sur le « Ville d’Oran » J’embarque le 10 octobre à destination d’Alger après une nuit passée à Carry-le Rouet. Je ne voulais pas laisser mon véhicule sans surveillance aux abords du port. Pas question de séjourner à Marseille, ville que je ne connais pas.
Étape d’une demi-journée à Tizi-Ouzou, le temps d’accomplir un certain nombre de formalités administratives à l’Inspection Académique et me voilà à Bouzeguene.
Pour m’apercevoir que rien n’est vraiment prêt pour m’accueillir. Je contacte alors Amroun Tahar. Il m’indique que les réparations entreprises depuis peu dans la villa située dans l’ancien bordj ne sont pas achevées. En attendant la fin des travaux, il me propose de m’héberger à son domicile. J’y passe deux nuits avant de rejoindre mon nouveau logement.
Cette première rentrée après l’indépendance s’effectue dans des conditions assez convenables. Nous recevons des directives, parfois contradictoires, de l’Inspecteur d’Académie Paul Fohr, toujours en poste. Il donne aux directeurs d’école les nouvelles consignes à appliquer car la langue arabe figure désormais au programme de l’enseignement primaire. Nous faisons également connaissance à Azazga de Monsieur Haddab, Inspecteur de l’enseignement en arabe pour le premier degré et de notre nouvel Inspecteur primaire Monsieur Mahmoud Chala qui a remplacé Monsieur Reynaud.
Dans une longue circulaire adressée aux enseignants français détachés en Algérie au titre de la Coopération technique et culturelle, Monsieur Sbih, le Directeur Général de la fonction publique algérienne, de son côté, nous rappelle au paragraphe 4 :
« Les agents français mis à la disposition du Gouvernement algérien dans le cadre du protocole d’accord sont, dans l’exercice de leur fonction, soumis aux autorités algériennes. Ils ne pourront ni solliciter ni recevoir d’instruction d’une autorité autre que l’autorité algérienne dont ils relèvent en raison des fonctions qui leur ont été confiées. Ils ne pourront se livrer à aucune activité politique sur le territoire de l’Algérie. Ils devront s’abstenir de tout acte de nature à nuire aux intérêts matériels et moraux, tant des autorités algériennes que des autorités françaises. Le Gouvernement algérien donnera à tous les agents français l’aide et la protection qu’il accorde à ses propres Nationaux…… » Pour faire face à la pénurie d’enseignants, le gouvernement crée alors un corps de moniteurs recrutés avec le niveau du certificat d’études. Objectif : permettre l’ouverture de nombreuses classes dans les villages encore sans école. Ces fonctionnaires recevront, par la suite, une formation spécifique. Ils participeront à des stages pour être admis dans le corps des instituteurs. Préalablement, il leur faudra subir, avec succès, différentes épreuves. Ils pourront alors être titularisés.
En cette année 1962, je consacre beaucoup de temps à mettre en place des programmes allégés, avec cependant un soutien renforcé en mathématiques et en lecture : je n’ai en effet que des élèves de CE1, CE2 déjà âgés. Leurs lacunes sont nombreuses : ils ont en général fréquenté l’école de façon irrégulière. Certains d’entre eux n’y sont pas allés. Pour moi, comme pour les autres directeurs d’établissement, en ce début d’année, l’organisation pédagogique est perturbée par l’apparition de la langue arabe dans les programmes. Les circulaires qui nous parviennent indiquent que, dans un premier temps, les maîtres en langue arabe assureront 21 heures de service par semaine. De plus, lorsque l’horaire officiel ne peut être assuré, faute de maîtres en nombre suffisant, il faudra réduire l’horaire consacré à l’apprentissage de l’arabe. En effet, tous les élèves doivent être traités de la même façon : tous doivent recevoir le même nombre d’heures d’arabe.
Il m’est demandé aussi de veiller, dans les classes à plusieurs cours, à ce que le maître d’arabe procède, comme ses collègues francisants, et constitue des sections distinctes selon leur niveau. Il devra en être de même pour la répartition des heures : celles d’arabe devront être réparties sur tous les jours de la semaine à raison d’une heure par jour, plus une autre heure deux jours par semaine. Il faudra également éviter de donner dans la même classe deux heures consécutives d’arabe et bien surveiller que la note d’arabe soit prise en compte dans les établissements, au même titre que les notes des matières enseignées en français. En ce qui concerne les maîtres en langue française, nous devrons être présents à notre poste 30 heures par semaine et mettre à profit les heures de liberté que nous laisse l’enseignement de l’arabe pour assurer notre travail de préparation et de correction.
…
Jean-Louis SAHUT
Volvic juillet 2 007.
Extrait de : Un jeune enseignant français en Grande Kabylie
(1958 - 1973)
10:05 | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook
Commentaires
il faut retenir la cause de arezki oulbachir qui voulait toujour permettre aux plus jeune dela kabylie d'avoir les memes droits que les colons qui s'agit de l'education
Écrit par : zahir | 02/08/2011
Je me souviens de Mr Jean Louis Sahut qui était mon Directeur d'école en 1965 - 1966, alors que j'étais en classe de CM1 (Avec les maîtres d'école Aliane Ferhat et Aliane Md Tahar). Mr Sahut doit se souvenir de cette période. On avait des rapports avec lui...
Écrit par : TOUABI Amar | 11/10/2011
Les commentaires sont fermés.