21/09/2008
Bruno SCHENCK, cadre puis viticulteur
"Sur la porte de sa cave, à la craie, il a écrit des horaires où la sieste et l’apéro figurent en bonne place. Comme un clin d’oeil à sa vie d’avant. Une vie de cadre chez Renault, une vie où on parlait de moteurs, de culasses, et de centres d’usinage, mais aussi de plans de restructuration. Une vie où il a croisé des gens " extraordinaires ", affirme-t-il, ouvriers professionnels, contremaîtres, ingénieurs ou cadres. Une vie où il s’est " régalé ", un terme qu’il vous sert à tout bout de champ, mais où il craignait de ne rêver, à quarante ans, que d’une retraite anticipée. Alors Bruno Schenck a dit adieu à la Normandie et à l’usine de Cléon. Femme et enfants sous le bras, il est venu s’installer en pays cathare, dans le petit village de Padern, coincé entre rocher et rivière. C’est là qu’il a pris racine en cultivant sa vigne, en récoltant son vin - un corbières qui aujourd’hui se pose là - et en s’émerveillant chaque jour de travailler pour créer un produit destiné au plaisir. Bien sûr, les horaires affichés sur sa porte sont pure fantaisie. Bruno et sa femme travaillent sans répit, ne comptent pas leurs heures. Et le syndicaliste CGC qu’il était s’occupe aujourd’hui de syndicalisme d’appellation. Une autre vie. Un vrai… régal.
…
Nos mômes avaient huit et dix ans, c’était le bon âge, et nous ne pouvions pas en avoir d’autres. En plus, nous n’étions liés à rien matériellement. Alors, on s’est permis toutes les questions. Avec comme seule idée de choisir un autre style de vie, de changer d’horizon. En été 1987, nous avions découvert le village de Padern, près de Cucugnan, dans l’Aude. Tout ce qu’on aime. Du soleil, des cailloux, des arômes. En hiver 1989, nous y avons trouvé une maison. Il fallait au minimum un toit, il y avait quand même les enfants et on ne cherchait pas forcément à entrer dans une galère. On avait quelques économies grâce à deux ans de coopération en Algérie et à un départ de Renault qui s’est passé dans les meilleures conditions financières possibles. On pouvait voir venir.
Nous nous sommes installés ici en 1990. …
C’est vrai, la vigne, je n’y connaissais rien. Rien du tout. Mais ça a été très intéressant de découvrir tout ça. Et cohérent avec la formation que j’ai reçue, parce que le cadre se trouve toujours devant des situations nouvelles. Est-ce que c’est plus difficile de se lancer dans la vigne que de devenir, je ne sais pas moi, fabricant de toupies chinoises ? Bien sûr, nous avons fait des erreurs de néophytes, malgré une année de formation pour adultes qui nous a permis de décrocher le brevet professionnel agricole. Mais avec la pratique… Et puis, le gars qui nous a vendu son exploitation venait nous rejoindre chaque fois qu’on taillait les vignes. Il était content qu’un couple reprenne ses vignes. Notre apprentissage s’est fait petit à petit. Il y avait tout l’encadrement nécessaire sur place. Et sacrément compétent.
Notre première récolte ? C’était en 1992, une année d’inondations. De la flotte, de la flotte, de la flotte. Et j’avais un lumbago horrible, je pouvais à peine conduire. J’arrivais à la cave, je me couchais par terre, j’attendais qu’on me dise que le véhicule était prêt à repartir. Ma femme faisait tout le boulot. On avait tout ce qu’il fallait pour faire de belles vendanges… et on a eu toutes les mauvaises conditions. Mais on ne s’est pas dit " quand même, Renault c’était plus cool ". Depuis 1990, jamais, pas un seul jour nous n’avons regretté notre choix."
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Propos recueillis par Florence Haguenauer
Article de L'Humanité du 14 juin 1999
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