07/09/2008
MICHEL OCELOT, FILS DE COOPÉRANTS
«Azur et Asmar est inspiré de l’Algérie...»
Michel OCELOT est le père de Kirikou et la Sorcière, d’Azur et Asmar, deux films d’animation-phares de sa carrière qui lui ont valu un grand succès, lequel, venu tardivement, a pu couronner une carrière bien riche en matière de films d’animation. C’est donc lui qui a eu l’insigne honneur, samedi soir, d’ouvrir le bal des journées du film d’animation d’Alger qui se tiennent jusqu’à aujourd’hui à la salle Ibn Zeydoun. A ne pas rater! Retour donc, sur la carrière tumultueuse d’un artiste persévérant et généreux qui a cru en son rêve. Pour le redistribuer, cette fois encore, aux grands et aux petits...
L’Expression: Un mot sur votre présence à Alger dans le cadre des Journées du film d’animation pour présenter votre film Azur et Asmar...
Michel Ocelot: Je suis content de présenter mon film en Algérie, car il est en partie algérien. Je l’ai fait en premier lieu pour tout le monde. C’est quand même une célébration du Maghreb et de la civilisation islamique au Moyen Age.
Quelle place tient l’Algérie dans votre film?
À la fin des années 1960, mes parents enseignants étaient coopérants à Annaba. Je suis venu les voir et nous avons fait un périple jusqu’à El Oued. C’était inoubliable. Pour la réalisation de ce film, j’ai visité les trois pays du Maghreb pour choisir un décor. Je garde un souvenir inoubliable de Timgad. C’est un «coup de coeur». C’était magnifique. J’ai également visité les villes mozabites. Et beaucoup dessiné. J’ai le souvenir d’un noble vieillard qui chassait les enfants qui se regroupaient autour de moi leur demandant de ne pas me gêner lorsque je dessinais. J’ai même dessiné un paysage du Sahara, la nuit. Aussi, j’étais présent, en 2001, au festival de Timimoun et à la suite je me suis rendu à Alger où j’ai visité le Bastion 23 et le musée du Bardo. Ces deux lieux m’ont inspiré une belle demeure mauresque. Au musée du Bardo, vous pourrait admirer en vrai la coiffure d’un de mes personnages: la Fée des djinns. Je crois qu’elle s’appelle Serma. C’est une coiffure très haute faite en métal. Il y a aussi les tenues et costumes que vous pouvez retrouver aussi au musée du Bardo. Les personnages féminins portent des tenues berbères et des bijoux magnifiques. Je me suis également énormément inspiré d’un livre sur le costume algérien.
Azur et Asmar ainsi que Kirikou et la Sorcière sont des films d’animation certes, mais qui touchent des sujets assez sensibles comme la xénophobie, le racisme, le courage, la violence de toutes parts. Comment, selon vous, les enfants perçoivent cela?
Les enfants perçoivent tout cela. Ils suivent tout. Ils comprennent très bien. Ils enregistrent. Parfois, leurs questions sont plus pointues que celles des grandes personnes. Je précise aussi que mes films sont pour tout le monde. Je suis auteur et cinéaste. Comme il s’agit d’un dessin animé, je sais qu’il y aura des enfants dans la salle, donc je fais simplement attention de ne jamais leur faire du mal. Mais je traite de tout. Dans Kirikou et la Sorcière, le personnage de Karaba a beaucoup souffert et aurait été probablement violée. Et cela les enfants le comprennent. Souvent, ils veulent savoir qui sont ces hommes et ce qu’on a fait à Karaba.
Pourquoi avoir fait appel aux deux langues, le français et l’arabe, sans sous-titrer cette dernière?
Ce film est conçu, en effet, dans deux langues. Une que tout le monde comprend, le français, et une autre que la majorité ne comprend pas, l’arabe classique. Il n’y a pas de sous-titre et j’ai refusé qu’on double ou que l’on sous-titre l’arabe dans toutes les versions. On peut doubler le français mais pas l’arabe. Parce que, outre la fable sur être riche ou ne pas l’être, être immigré ou pas, je donne une information sur une culture précise. La civilisation islamique du Moyen Age est passée par la langue arabe, et cela m’importe de faire entendre cette langue. Un des problèmes de l’immigré aussi est de ne pas comprendre ni se faire comprendre. Donc, si on ne comprend pas l’arabe, ça me va très bien. La mécanique dramatique est organisée de cette manière. C’est là où je reviens à la réaction des enfants, les spectateurs en France ou ailleurs me demandent avec un brin d’agacement: «Vous n’avez pas sous-titré l’arabe», les enfants ne posent jamais la question, parce qu’ils comprennent que la vie est comme ça. Ils acceptent totalement cela. Ils suivent parfaitement l’histoire. Ils ont compris que, dans la réalité, il n’y a pas de sous-titre, qu’il faut se débrouiller. C’est normal.
Quelle a été la réaction du public en France, vu que le sujet du film est assez brûlant?
Excellente! Je n’ai eu que de bons échos.
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L’Expression 24 Décembre 2007 - Page : 21
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